Un curé sort de sa bulle à Angoulême

« Je voulais être comédien ou acteur. Je suis devenu prêtre et auteur de bandes dessinées », déclare Christophe Hadevis, 44 ans, recteur de la paroisse Notre-Dame-de-Lourdes à Vannes depuis 2011. Il vient de remporter le premier Prix international de la bande dessinée chrétienne au festival d’Angoulême, qui a eu lieu du 30 janvier au 2 février, pour son deuxième album Quelques écorces d’orange amère : Une vie de Benoît Labre.

Paru en mars 2013 aux éditions de l’Emmanuel, l'album retrace la vie d'un saint du XVIIIe siècle, Benoît Labre. Renvoyé à plusieurs reprises de communautés religieuses, ce jeune homme austère choisit alors de vivre dans la pauvreté. Devenu vagabond, il partage le fruit de sa mendicité avec les pauvres.

« C’est la simplicité de l’histoire qui marque les lecteurs. Un mendiant qui erre au jour le jour, convaincu de sa misère par rapport à la grandeur de Dieu », explique l’auteur. Avec ce récit, il a aussi voulu transmettre « le goût de l’aventure, l’appel de la route et le désir de l’absolu », expliquer « d’où vient ce va-nu-pieds et quel est son point de chute ». Le choix des couleurs de Tatiana Domas et des illustrations d’Erwann le Saëc rappellent la poussière et la terre orangée que foulent le personnage principal tout au long du récit.

Pour ce prêtre catholique, le travail sur l’image avec des auteurs non croyants est essentiel pour enrichir la trame narrative et croiser les regards sur la vie de Benoît Labre. « J’ai fait le choix de collaborer avec des artistes non croyants. C’est une démarche qui porte ses fruits et permet d’aborder le personnage sous des angles différents.», déclare-t-il.

Christophe Hadevis s'est lancé en 2005 dans l’aventure de la bande dessinée pour raconter à ses paroissiens la vie de de son saint patron, Saint Just de la Bretenière, un martyr chalonnais mort en Corée au XIXe siècle. « C’est un des sujets qui a touché ma vie et j’avais envie de le faire partager. L’image est souvent un vecteur plus percutant que la parole pour raconter une histoire», dit-t-il. Son premier album,Le 22ème jour de la lune, illustré par Juliette Derenne, est vendu à plus de 2000 exemplaires.

"LA BANDE DESSINEE, DU CINEMA SUR PAPIER"

Après avoir longtemps rêvé d’être sur les planches ou derrière la caméra, il opte finalement pour la prêtrise, sans cesser de dessiner. « La bande dessinée, c’est du cinéma sur papier. La logique des plans se retrouve sur la planche. Mais, à la fin de chaque page, le lecteur doit avoir envie de découvrir la suite».

Dès son plus jeune âge, l’image tient un rôle central dans son quotidien et ne tardera pas à le mener sur le chemin de la conversion : « Ma mère me rapportait les grands classiques de l’époque, Astérix, Tintin, Lucky Luke. J’ai appris à lire avec les bulles et à grandir avec ces héros de papier. C’est aussi par l’image que j’ai rencontré Dieu ».

Issu d’une famille non croyante, il découvre à l’âge de cinq ans une illustration de Jésus dans un petit livret rapporté par son père brocanteur. « La première fois que j’ai vu le Christ, c’était un bonhomme avec des trous dans les pieds et dans les mains avec un rond au-dessus de la tête », raconte-t-il en riant. C’est en observant quelques semaines plus tard un crucifix accroché chez sa voisine qu’il a une révélation : « J’ai immédiatement fait le lien entre la présence mystique que je ressentais lors de mes promenades en forêt avec mon grand-père, et le Christ que j’avais sous les yeux », confie-t-il.

Le prix décerné à Angoulême ne peut qu’encourager Christophe Hadevis à poursuivre dans cette voie artistique. Le compteur est en route : trois albums sont à paraître d’ici à 2015 dont un consacré à la vie de Saint François d’Assise.

Albine Dufouleur (Monde Académie)

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