Troisième dimanche de Carême
22 mars 2014Livre de l'Exode 17,1-7
Les fils d'Israël campaient dans le désert à Rephidim, et le peuple avait soif. Ils récriminèrent contre Moïse : « Pourquoi nous as-tu fait monter d'Egypte ? Était-ce pour nous faire mourir de soif avec nos fils et nos troupeaux ?» Moïse cria vers le Seigneur : « Que vais-je faire de ce peuple ? Encore un peu, et ils me lapideront!» Le Seigneur dit à Moïse : «Passe devant eux, emmène avec toi plusieurs des anciens d'Israël, prends le bâton avec lequel tu as frappé le Nil, et va ! Moi, je serai là, devant toi, sur le rocher du mont Horeb. Tu frapperas le rocher, il en sortira de l'eau et le peuple boira !»
Et Moïse fit ainsi sous les yeux des anciens d'Israël. Il donna à ce lieu le nom de Massa (c'est-à-dire: «Défi») et Mériba (c'est-à-dire: «Accusation»), parce que les fils d'Israël avaient accusé le Seigneur, et parce qu'ils l'avaient mis au défi, en disant : «Le Seigneur est-il vraiment au milieu de nous, ou bien n'y est-il pas ?»
L’Eau
Le Seigneur est-il vraiment au milieu de nous, ou bien n'y est-il pas ?» Que Dieu se déclare enfin: «Es-tu avec nous ou contre nous» ? Vieille question que, de génération en génération, les hommes ne cessent de se poser. Job, souffrant le martyre sur son «fumier» se plaint contre Dieu: «Périsse le jour qui me vit naître... que Dieu là-haut ne le rappelle pas. » (Jb 3,3-4.) Au désert, sur le chemin vers la Terre promise, le peuple affamé et fatigué invective Moïse et, à travers lui, celui qui les a libérés de la servitude en Egypte: «Pourquoi nous as-tu fait monter d'Egypte ? Etait-ce pour nous faire mourir de soif avec nos fils et nos troupeaux ? » Les appels, voire les attaques contre ce Dieu qui n'existe pas, se font pressants chez nos contemporains : «S'il y avait un Dieu, que fait-il pour arrêter les guerres, pour combattre les injustices et les misères. Oui, il n'existe pas. » Il n'existe pas, pas comme les hommes voudraient qu'il existe et se manifeste. Nous savons bien qu'il ne possède en sa main aucune baguette magique en mesure de faire cesser, comme par enchantement, les drames que nous vivons quotidiennement. Alors, aucune réponse, aucune ombre d'espérance en vue : le fossé, l'abîme entre le ciel et la terre est-il irrémédiablement infranchissable ? Dieu demeure t’il impassible devant les cris d'angoisse de l'humanité qui ne cessent d'enfler depuis des siècles et des millénaires ? Certains, hier comme aujourd'hui, sont en droit d'évacuer la question : Dieu n'existe pas, l'homme est seul et sa destinée se limite aux années passées tant bien que mal sur cette terre. La Bible, dont les nombreux auteurs tentent de déceler dans l'histoire humaine des éléments de réponse, ouvre des pistes de réflexion qui participent au débat, de façon éclairante, bien que symboliquement. Plusieurs d'entre elles font référence à l'eau, cet élément chimiquement très simple, signe et réalité de toute vie : sans eau, pas de vie, nous le savons et le constatons tous les jours. En Israël, par exemple, au temps de Jésus comme aujourd'hui avec la Palestine, les affrontements pour la maîtrise de l'eau sont fréquents.
Dès le récit de la Création, la notion d'« eau » est présente: «Dieu appela le continent "terre' et la masse des eaux "mers", et Dieu vit que cela était bon. » (Gn 1,10.) A Moïse au désert, Dieu dit: « Tu frapperas le Rocher, il en sortira de l'eau et le peuple boira. » Dans le livre d'Ezéchiel 47,2: «Là encore l'eau coulait du côté droit du Temple du Seigneur» et, en 36,25-26: «Je verserai sur vous une eau pure et vous donnerai un esprit nouveau. » Jean, plus que tous les autres évangélistes, utilise avec abondance la métaphore de l'eau. Comme en écho du passage d'Ezéchiel cité, Jean précise que, sur la croix, lors du coup de lance frappant le corps de Jésus, «aussitôt il en sortit du sang et de l'eau» (Jn 19,34). Avec la même signification, annonçant le sacrifice du Christ sur la croix, les noces de Cana (Jn 2), au cours desquelles l'eau des jarres se transforme en « bon vin », annoncent la présence vivante de Dieu parmi les hommes. Enfin, l'histoire de la Samaritaine 0n 4) : « Tout homme qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif» illustre sans équivoque que Jésus le Christ est source de vie. Le baptême chrétien en est une traduction éloquente. Nous sommes de cette lignée de la Vie, chargés de la transmettre autour de nous, malgré nos défaillances et égoïsmes. Vivant de l'eau divine et fertilisés par elle, il est possible d'annoncer au monde que le ciel et la terre ne sont pas séparés mais que Dieu lui-même habite parmi nous.
Bernard RIVIÈRE
Témoignage Chrétien N° 3579 DU 20 MARS 2014 page 4