L'Église est diverse, Dieu merci !

La dernière assemblée plénière des évêques français, à Lourdes, a suscité des réactions mitigées. Les plus conservateurs des catholiques n'ont pas caché leur déception.

Tout particulièrement celles et ceux qui se sont impliqués dans le mouvement estampillé La Manif pour tous expriment leur incompréhension.

Je renvoie ici à l’analyse de mon confrère du Figaro Jean-Marie Guénois, intitulée "Cathos et rebelles".

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Elle a été saluée et reprise par plusieurs réseaux traditionalistes. L’argumentation est solide et, comme toujours, remarquablement bien écrite par une plume brillante.

La déception des promoteurs de la Manif pour tous est compréhensible. Ils ont mouillé leur maillot, ils se sont dépensés sans compter pour défendre la famille traditionnelle. Sans eux, jamais le mouvement n’aurait connu pareille mobilisation.

Ils ont pu croire que l’ensemble de l’épiscopat français était derrière eux. N’est-ce pas Mgr Vingt-Trois, alors président de la Conférence des évêques de France, qui avait donné le ton, lors de son fameux appel du 15 août 2012 ?

N’avaient-ils pas vu quelques évêques dans les cortèges d'opposants au mariage gay et même entendu en chaire des appels à manifester, quand il n’y avait pas jusqu’à des distributions de tracts à la sortie de certaines églises ?

Bref, dans leur esprit, Manif pour tous et Église de France ne faisaient qu’un... ou n'auraient dû faire qu'un.

Dans ces conditions, ils ne pouvaient qu’espérer une reconnaissance officielle de l’épiscopat français.

Plusieurs signes ont montré que tout n’était pas aussi simple. Et que les évêques français, pour être dans la "communion", n’étaient pas dans "l’uniformité".
L’élection inattendue de Mgr Pontier, en avril 2013, comme président de la Conférence de France, en a été une première illustration. L’archevêque de Marseille étant réputé pour son catholicisme social.

On lire son dernier entretien au Monde en cliquant ici.

Les traditionalistes sont furieux et déversent leur fiel sur Internet.

Les déclarations de Mgr Dagens et de Mgr Brunin, pour ne citer que celles-là, ont montré, là encore, la diversité de l’épiscopat.

Elle est aussi le reflet de la diversité des fidèles. Diversité que ne veulent pas voir, ni admettre, les tenants de l’orthodoxie érigés en gardiens du temple, aptes à délivrer des certificats de catholicité. A quel titre ?

Un manque de perspective

C'est bien pourquoi je ne peux pas partager l'analyse de Jean-Marie Guénois.
Ce point de vue me semble erroné parce qu’il manque de perspective.

Il me renvoie à l'allégorie de la caverne de Platon. Le propos est formellement juste... à condition de rester à l’intérieur de la caverne, derrière les murs d’une "Église institution" limitée, inscrite dans un cadre supposé intangible, immobile et éternel.

En réalité, ce que Jean-Marie Guénois et ses amis oublient, consciemment ou non, c’est que l’Église est diversité et mouvement, elle est parole. C'est un peuple en marche animé par l’Esprit qui souffle là où il veut.

Ils confondent la religion et la foi.

En conséquence, ils ne comprennent pas, comme l’écrit le théologien Joseph Moingt, que « promouvoir la foi est autre chose que soutenir la religion, et critiquer la religion autre chose que détruire la foi ».

Je crois profondément que le message de l’Évangile ne pourra jamais se laisser enfermer dans une Église, quand bien même elle se prétend catholique, c’est-à-dire universelle.

Ce qui nous est présenté, comme un "renouveau" de l’Église, qu’il s’agisse - et la liste n’est pas exhaustive - de la Manif pour tous, des veilleurs, et de cette jeunesse tellement moderne qu’une partie de ces vieux évêques conciliaires est décidément incapable de la comprendre, n’a absolument rien de nouveau.

Ce "renouveau" me rappelle furieusement ce catholicisme des années 1960 et 1970 que j’ai bien connu dans mon enfance et mon adolescence.

Je connais cet univers de l’intérieur et je ne sais que trop combien il peut conduire au rejet du christianisme.

C’est un catholicisme entre soi, cultivé dans un lieu clos où l’on a bien pris soin de fermer les portes, alors que Vatican II nous invitait à ouvrir les fenêtres.

Il y a quelque chose de piquant à entendre parler de nouveauté par ceux qui tentent de remplir de vieilles outres avec un vin qui n’a rien d’un primeur.

Ces communautés que l’on prétend nouvelles, ces jeunes qui redécouvrent comme émerveillés la morale des années 1950, illustrent plutôt un terrible retour en arrière. Cet effet de balancier ne saurait nous promettre des lendemains qui chantent.

Ce combat-là : défendre une Église bien mal en point dans ses structures et ses fonctionnements n’est pas mon combat. Je le respecte, mais ce n’est pas là ni le plus important ni l’essentiel.

La majorité de nos contemporains y sont totalement indifférents.

Je vais même jusqu’à penser que la crise de l'Église n’est pas arrivée à son terme.

Le fond du problème, ce n'est pas tant de défendre la religion catholique, comme un marqueur identitaire, mais d'annoncer l’Évangile. Il nous faut partager cette brûlure inguérissable. Cet amour infini d'un Dieu qui s'est fait homme.

La question qui est posée, qui nous est posée, c'est :

"Le Fils de l'homme, quand Il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ?"

Ce n'est pas : "Trouvera-t-il la religion ?"

Je voudrais renvoyer pour terminer au texte d’une conférence du père Joseph Moingt.

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Il exprime l’essentiel des convictions qui m’animent tout en proposant des pistes de réflexion concrètes et originales.

Ce texte est un peu long, mais il mérite d'être lu attentivement.

François VERCELLETTO

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