Echo de l’Université d’été de la Mission de France, Lyon 11-14 juillet 2014

Voici l’une des réflexions proposée à une mini-assemblée du samedi 12 juillet au matin :

« La vie mêlée, lieu de la révélation chrétienne »

« Dans notre religion, il n'y a rien de pur. Rien que l'on puisse opposer de manière franche et nette à un « impur » qui serait, lui, radicalement inapte à recevoir la visite de Dieu. Étonnant ? Pas du tout.

Le lieu naturel de la révélation chrétienne, c'est la vie mêlée : celle où tout est mélangé, où l'on ne comprend pas grand-chose, où l'on est souvent déçu, où l'on ne sort jamais tout à fait des malentendus et des tensions.

Jésus, le Galiléen, était en ces lieux-là comme un poisson dans l'eau et savait y reconnaître le don du Père.

C'est que la vie divine est bien autre chose, pour les chrétiens, qu'un morceau de Ciel tombé sur terre. Tout comme le récit biblique, elle passe par les hommes, y compris par leurs soifs, leurs tâtonnements et leurs erreurs. Rien d'étonnant, dès lors, que la « vie mêlée » soit son lieu de prédilection. Pour sentir en ouvrant ses mains la promesse d'une réconciliation, il faut avoir serré les poings ; pour se livrer à la parole heureuse, il faut savoir quel peut être le poids du silence ; pour entendre les appels comme une promesse, il faut connaître la tentation de rester sourd.

Dans l'icône de la résurrection, on voit le Christ qui, sans doute d'un grand coup d'épaule, a fracassé les portes du séjour des morts. C'est ainsi qu'il ouvre dans l'humanité un passage vers le Père : en faisant voler en éclats les verrous et les barres.

Du coup, tout ce qui nous divise, nous sépare, nous oppose, tout ce qui est injuste ou blessant peut être vu comme ce qui appelle le passage de Dieu.

Se tenir en ces lieux difficiles, c'est se porter à un rendez-vous en un endroit insolite, et signifier par sa simple attente qu'ici, une rencontre doit advenir.

Raisonner en ces termes conduit à élargir le spectre de ce qui sous-tend l'engagement des croyants.

Lorsque je prends au sérieux la vie de mon quartier, de ma commune, de mon entreprise, lorsque je me dépense pour une association ou une section syndicale, ce n'est pas seulement pour être au clair avec moi-même et réjouir ma conscience.

Loin d'être une simple question de cohérence et d'éthique, on peut y déceler aussi un rendez-vous d'ordre «sacramentel », un rendez-vous avec Celui qui sait trouver des passages là où l'humanité se complique. »

Etienne GRIEU, Jésuite, Théologien et Professeur au Centre Sèvres à Paris

Projet n°296, janvier 2007

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