Dimanche 14 septembre Fête de la Croix « glorieuse »
14 sept. 2014Par sa Croix Jésus nous sauve du « péché » et de la mort
Prière de Charles Singer « Sauver, c'est tracer une croix sur le péché et dire : « Viens, je t'aime ! » :
« Sauver, c'est relever celui qui est tombé, qui s'est blessé, le hisser vers la lumière et le laver de ses souillures. Sauver, c'est veiller avec soin malgré la fatigue et l'incertitude pour que la guérison arrive, c'est se tenir prêt à intervenir au moindre souffle, au plus fragile des appels, c'est arracher aux ronces qui déchirent les vêtements et le cœur. Sauver, c'est donner la tendresse même quand tout espoir s'en est allé car la tendresse a le pouvoir de traverser les vallées de la crainte et de la mort et de faire se lever, maintenant, l'aurore définitive, c'est prendre tout contre sa joue comme un enfant qui a peur. Sauver, c'est accourir pour retenir celui qui s'approche avec imprudence de tous les ravins de la vie, c'est libérer celui qui s'est enchaîné dans des situations inextricables et qui s'est soumis aux pouvoirs mauvais. Sauver, c'est indiquer la lumière qui permet de se faufiler à travers les taillis de la vie et de monter sur la montagne où tous les visages sont transfigurés, c'est se lier avec de douces attaches car alors on avance ensemble et on soutient celui qui est faible, c'est offrir son appui, à jamais, à celui qui ne sait rien d'autre que s'éloigner et se perdre. Sauver, c'est tracer une croix sur le péché et dire : « Viens, je t'aime ! » Sauver, c'est donner du pain à celui qui crie à la faim, c'est se donner à celui qui crie à l'amour, c'est venir chaque jour et dire : « Me voici ! Que dois-je faire pour ton bonheur ? », Mon Seigneur et mon Dieu qui vient sauver les habitants de la terre ! Amen. »
Charles Singer
Etrange "gloire" de la Croix...
Méditation pour le dimanche 14 septembre 2014
L’Église catholique fête aujourd’hui « la Croix glorieuse ».
Étrange choc des mots !
C’est un peu comme si on disait « la guillotine glorieuse », ou encore « le peloton d’exécution glorieux »…
Comment donc pouvons nous nous retrouver à faire la fête autour de l’un des plus abjects instrument de torture ?
En quoi le gibet du supplice peut-il être « glorieux » ?
Oui, c’est - lorsqu’on prend un peu de recul et qu’on y songe vraiment - un bien étrange signe de ralliement que les chrétiens se sont choisis !
Tardivement d’ailleurs, notons-le, car les premiers disciples lui préfèrent le signe du pain et des poissons, comme en témoignent certaines mosaïques anciennes…
Mais que veut dire ce choix de la croix comme signe de la foi chrétienne ?
Avons-nous à honorer l’instrument infâme par lequel le sang d’une victime sacrificielle innocente fut versé pour le rachat d’une faute originelle dont nous porterions, toutes et tous, le poids ?
Le rachat de nos fautes doit-il se faire dans un bain de sang ?
Le christianisme peut-il se résumer à un immense sacrifice, n’échappant pas aux traditions ancestrales les plus païennes ?
Parfois, dans son histoire chaotique, l’Église a exalté la croix. C’était – et cela reste – une façon forte de faire mémoire du don total du Christ. Une manière de nous rappeler que la foi est aussi à certaines heures un chemin rude et exigeant de dépouillement et d’abandon.
Mais, cette exaltation de la croix fut parfois tellement prégnante que cela en devenait louche !
Dans chaque pièce, les crucifix rivalisaient de laideur sanguinolente pour nous rappeler que le Fils de Dieu souffrait pour nous, mourrait à cause de nous, que c’était « notre faute, notre très grande faute » s’il y était cloué, que nous étions responsables de son éternelle agonie…
Toutes les religions savent user de la culpabilité pour asservir leurs troupeaux et le christianisme n’y a pas toujours échappé.
Comme si la souffrance en elle-même était une « bienheureuse épreuve » que Dieu nous envoie pour mieux nous éprouver.
Comme si la souffrance brutale et aveugle pouvait être d’emblée rédemptrice !
Il faut tout un chemin spirituel souvent rude et long pour trouver un peu de sens et de lumière au cœur de l’absurde…
A trop chercher à vouloir à tout prix expliquer l’inexplicable on s’embourbe dans des fadaises prétendument « spirituelles » qui n’ont plus grand chose à voir avec l’Évangile !
Non, Dieu n’est pas un Dieu pervers qui, volontairement, nous assomme d’épreuves et de croix à porter pour mieux nous rapprocher de lui.
La vie se charge déjà suffisamment de nous blesser pour que Dieu ne rajoute pas de sel dans les plaies pour notre « édification » !
Alors, comment cette croix que nous fêtons aujourd’hui est-elle glorieuse ?
Eh bien, parce que c’est un bois nu.
Parce que c’est un bois nu où Dieu n’est plus !
La gloire de la Croix, c’est qu’elle est vide !
Vide comme le tombeau du matin de Pâques.
Lorsque nous regardons les croix où le Christ agonise, nous les regardons avec le regard de la foi, avec cette espérance rivée au cœur que bientôt, que déjà le Christ n’y est plus.
La croix est glorieuse parce que Dieu l’a désertée pour venir habiter à la seule adresse où il souhaite désormais vivre : au cœur de notre humanité dont il vient prendre sur son épaule forte et secourable le fardeau des jours gris.
Depuis le grand matin de Pâques, il vient au cœur de toutes nos détresses, de toutes nos fragilités et pauvretés pour mieux nous relever.
Et sa croix, alors, est une planche de salut, le bois où agripper nos vies quand la tempête risque de nous submerger.
J’ai eu, par mon métier de journaliste, la grâce de rencontres fortes et amicales avec Sœur Emmanuelle. Lorsque, à la fin de sa vie, je me rendais dans la petite chambre de sa maison de retraite près de Nice, mon regard était toujours attiré par une croix au-dessus de son lit.
Une croix magnifique dont un antiquaire n’aurait pourtant pas donné trois sous !
Un chiffonnier de la décharge d’ordure du Caire l’avait fabriquée avec deux vieux morceaux de cageot, une ficelle douteuse et un fil de fer rouillé symbolisant le corps du Christ.
Croix façonnée de tous les rejets de l’humanité, croix de l’injustice, de l’exclusion, de la pauvreté, de la maladie, de la solitude, du désamour…
Croix fragile mais croix, ô combien « glorieuse » !
Bertrand REVILLION, Diacre, Journaliste, Philosophe et Editeur