Homélie du dimanche 7 septembre 2014

Ezéchiel 33, 7-9 ; Psaume 94 ; Romains 13, 8-10 ; Matthieu 18, 15-20

“Si ton frère a commis un péché, va lui parler seul à seul et montre-lui sa faute.” C’est une invitation exigeante, mais qui comporte d’abord une évidence simple. Il est écrit : “Si ton frère a commis un péché, va lui parler seul à seul.” Et non pas : “Quand ton frère a fait une bêtise, raconte ça tout de suite à tout le voisinage !”

L’invitation de Jésus suggère une méthode progressive dans la responsabilité les uns des autres : va d’abord seul, puis avec deux ou trois, puis mets l’Eglise dans le coup. Et puis s’il refuse encore, “considère-le comme un païen et un publicain”. L’expression peut paraître méprisante, mais il n’en est rien puisqu’on se souvient que Jésus était l’ami des païens et des publicains. J’en ai même trouvé une jolie traduction : “Approche-toi de lui comme s’il était encore sans baptême, parle-lui comme si tu t’adressais à quelqu’un qui n’a jamais entendu parler ni de la croix, ni de l’amour.”

“Je fais de toi un Guetteur”, disait Ezéchiel. Guetter, être à l’affût, on le fait facilement, mais c’est souvent pour critiquer. Alors qu’il y a là invitation à être responsables les uns des autres. L’Église chrétienne, la communauté comme on dit, a une mission de solidarité, contrairement à ce que pensent peut-être encore quelques uns qui n’ont recours au lieu église que pour leur prière personnelle.

Quand une famille est accueillie devant tout le monde pour un baptême, quand des jeunes font profession de foi, quand des jeunes se marient, bref, en toute célébration, il y a des paroles dont la communauté devient témoin. Les célébrations communautaires de la pénitence sont aussi un bon moment où l’on sent une solidarité de tous autour de soi. Je me rappelle qu’à la sortie d’une célébration d’obsèques où beaucoup avaient participé à un geste symbolique quelqu’un m’avait remercié en cherchant ses mots : “Vous nous avez fait faire un exercice de collectivité.” Pour ma part, je suis devenu encore plus sensible à cette question communautaire le jour où j’ai célébré un mariage qui a duré moins de deux mois… sans que personne de l’assemblée ne soit même mis au courant de la séparation. Exemple parfait de disfonctionnement communautaire. Evidemment je ne rêve pas qu’on aurait pu éviter la rupture de ce couple, mais on aurait pu espérer que, parmi ces amis d’un jour, il y en ait eu au moins quelques uns pour être proches lors de l’événement douloureux. Depuis, je ne célèbre plus de mariage sans lire, avec l’accord des mariés, quelques lignes de leurs projets de vie à tous les participants pour les rendre témoins, c’est à dire solidaires.

Le côté personnel de l’invitation de Jésus est difficile : “Va lui parler, va le trouver, va l’avertir.” Oui mais de quel droit ? Je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas. Je vais me faire rabrouer. Ne plus faire de ragots par derrière n’est déjà pas si mal, mais c’est autre chose d’oser aller dire. Il y faut une relation d’amitié. Il faut croire que tout peut changer chez l’autre et que si personne ne dit jamais rien, rien ne sera jamais possible. C’est là le rappel que la communauté n’est pas d’abord une structure mais des personnes. C’est à des hommes et pas à des règles que Jésus a confié le pouvoir de lier et de délier. Il leur a confié rien moins que son pouvoir de Messie, celui qui est rapporté par Saint Luc au chapitre 4 : “L’Esprit de Dieu m’a envoyé annoncer aux captifs la délivrance, et aux affligés la joie.”

“Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux.” C’est fabuleux le pouvoir que Jésus peut accorder à la communion entre deux ou trois personnes. Je crois que certains textes juifs l’affirment aussi : quand plusieurs sont rassemblés pour étudier la Torah, la présence divine est là. Promesse de présence qui rejoint celle de l’ange qui avait dit à Joseph, en annonçant la naissance de Jésus : “On l’appellera Emmanuel”, c’est-à-dire «Dieu avec nous», et celle de Jésus lui-même avant de quitter notre terre, quand il dit à ses amis : “Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps.”

J’ai lu que les chrétiens, pendant plusieurs siècles, quand ils étaient réunis comme nous pour l’Eucharistie et qu’ils disaient : «Voici le corps du Christ !», désignaient, non pas le pain eucharistique, mais leur propre assemblée.

Robert Tireau, prêtre du diocèse de Rennes

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