Homélie du dimanche 12 octobre 2014


Réf. Bibliques : 1ère lecture : Is 25,6-9
Évangile : Mt 22,1-14


ÊTRE APPELÉ OU ÊTRE ÉLU ?


Après la parabole du père et des deux fils (26ème dimanche ord. A) et celle des vignerons homicides (27ème dimanche ord. A), voici la troisième parabole du Royaume que Matthieu nous offre en deux parties, qui semblent, à première vue, se contredire. Mais au fait, il s’agit plutôt de deux paraboles qui sont complémentaires : la parabole du festin de noce ouvert à tous (Mt 22,1-10) et la parabole du vêtement de noce exigé de tous (Mt 22,11-14). Que devons-nous comprendre dans ça?


1. La parabole du festin de noce ouvert à tous (Mt 22,1-10). Dans cette première partie de l’évangile d’aujourd’hui, ou plutôt cette parabole du festin nuptial, Matthieu nous rappelle que le christianisme n’est pas réservé à une élite. Tous, qui que nous soyons et quoi que nous fassions, nous sommes invités par le Seigneur à la grande fête du Royaume : « Allez donc aux croisées des chemins : tous ceux que vous rencontrerez, invitez-les au repas de noce » (Mt 22,9).


Déjà, dans l’Ancien Testament, au livre d’Isaïe, dans l’extrait que nous avons aujourd’hui, le prophète parle d’un grand banquet où tous sont invités : « Ce jour-là, le Seigneur Dieu de l’univers, préparera pour tous les peuples, sur sa montagne, un festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés » (Is 25,6). Mais de quel festin s’agit-il? Il s’agit du festin messianique promis par les prophètes. Pour les chrétiens qui relisent Isaïe, il s’agit de l’Alliance nouvelle conclue dans la mort résurrection du Christ. Ce n’est donc pas une invention chrétienne cette espérance d’un monde nouveau. On la retrouve chez le prophète Isaïe : « Ce jour-là, on dira : ‘’Voici notre Dieu, en lui nous espérions et il nous a sauvés; c’est lui le Seigneur, en lui nous espérions; exultons, réjouissons-nous : il nous a sauvés!’’ » (Is 25,9).


Donc, Matthieu, s’inspirant du prophète Isaïe, parle lui aussi d’un festin, d’une noce où le roi (Dieu) marie son fils (Jésus). Dieu invite d’abord ses élus, c’est-à-dire ses invités de marque : les prêtres, les pharisiens, les scribes, les dirigeants du peuple : « Il envoya ses serviteurs (les prophètes) pour appeler à la noce les invités (les élus), mais ceux-ci ne voulaient pas venir » (Mt 22,3). Mais Dieu insiste : « Il envoya encore d’autres serviteurs dire aux invités : ‘’Voilà : mon repas est prêt, mes bœufs et mes bêtes grasses sont égorgés; tout est prêt : venez au repas de noce’’ » (Mt 22,4). Encore une fois, les élus restèrent indifférents : « Mais ils n’en tinrent aucun compte et s’en allèrent, l’un à son champ, l’autre à son commerce » (Mt 22,5). Et pire encore, et là Matthieu fait référence à ce qui s’est passé sur le plan historique, il précise que certains s’en sont pris aux serviteurs, aux prophètes : « Les autres empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent » (Mt 22,6).


L’évangéliste fait référence à la destruction de la ville de Jérusalem par les Babyloniens en 587 avant notre ère, où les dirigeants du peuple d’Israël sont demeurés sourds aux appels des prophètes et il fait référence aussi à la destruction de Jérusalem par les Romains en 70 de notre ère, où il y avait une relation très tendue entre le pharisaïsme et la communauté chrétienne de Matthieu. Dans les deux cas, il s’agit du refus des élus (les chefs des prêtres et les pharisiens) de reconnaître la nouvelle Alliance dans le Christ de Pâques : « Alors il dit aux serviteurs :’’Le repas de noce est prêt, mais les invités n’en étaient pas dignes’’ » (Mt 22,8). Et c’est pourquoi, l’invitation est maintenant faite à tous sans exception : « Allez donc aux croisées des chemins : tous ceux que vous rencontrerez, invitez-les au repas de noce » (Mt 22,9).


Le message de Matthieu est de dire que le salut est universel et aucune exigence morale n’est demandée : « Les serviteurs allèrent sur les chemins, rassemblèrent tous ceux qu’ils rencontrèrent, les mauvais comme les bons, et la salle de noce fut remplie de convives » (Mt 22,10). Ce qui veut dire que dans l’Église, dans la salle de noce, on ne peut pas interdire l’accès ou l’entrée sur une base morale, ni sur une question de sexe, de race, de genre ou de culture. Tous sont appelés et invités. Le salut est offert généreusement et gratuitement.


2. La parabole du vêtement de noce (Mt 22,11-14). Dans cette deuxième parabole, il semble y avoir une contradiction : si tous sont invités aux noces, alors pourquoi cette exigence de porter un vêtement spécial? Dans sa version longue, la parabole de l’évangile d’aujourd’hui nous offre un rebondissement curieux, qu’on ne retrouve pas chez Luc. En effet, chez Matthieu, on y voit une sorte de paradoxe entre la gratuité du salut offert à tous et l’exigence de porter un vêtement de noce pour ceux et celles qui répondent favorablement à l’appel. Que devons-nous comprendre dans ça?


La réponse est toute simple : lorsque nous acceptons l’invitation qui nous est gracieusement offerte, y répondre, c’est accepter de célébrer celui pour qui nous nous rassemblons. Ce qui veut dire qu’en participant à la noce du fils du Roi, du Christ ressuscité, nous devons adhérer à lui; revêtir le vêtement de noce, c’est revêtir le Christ lui-même, en devenant comme lui. Saint Paul, dans sa lettre aux Galates écrit : « Oui, vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ » (Ga 3,27). Donc, le vêtement de noce n’est pas un habit qu’on doit acheter pour participer au festin nuptial; les personnes sont invitées aux croisées des chemins, sur la rue, tel qu’elles sont. Le vêtement de noce dit qui nous sommes devenus, lorsque nous participons au festin nuptial organisé par le Dieu de l’Alliance nouvelle. Dans le fond, accepter l’invitation, répondre à l’appel, c’est accepter de nous laisser transformer par le Christ pour devenir comme lui. C’est revêtir Christ; c’est devenir Christ ressuscité.


En terminant, je voudrais simplement vous partager un commentaire de l’exégète français Jean Debruynne qui fait la différence entre les élus et les appelés : « C’est toujours le monde des paraboles. Cette fois il s’agit de celle des noces. Elle conduit tout droit au dilemme : vaut-il mieux être un appelé ou être un élu? Mais poser la question ainsi, c’est déjà en faire une prison. C’est ouvrir la course au privilège, au bénéfice et au meilleur rendement qualité-prix. Les élus sont dans la défense de leurs privilèges. Ils ont des droits acquis. Ils sont crispés sur leurs droits. Les appelés, eux, n’ont rien. Les appelés sont ceux qui n’ont aucun mérite, aucun droit. Ils ne doivent ce qu’ils sont qu’à la tendresse de Dieu ».
Raymond Gravel


http://www.culture-et-foi.com/dossiers/homelies/ordinaire_28A.htm

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