Belle entrée en « Avent » ce dimanche 30 novembre

« Si tu viens n’importe quand, dit le renard au Petit Prince, je ne saurai jamais à quelle heure m’habiller le cœur... »

Le renard de Saint-Exupéry attendait la visite du Petit Prince et voulait donc s’y préparer, attendre, espérer. Dans le même, sens un proverbe africain dit : « le meilleur jour de la fête, c’est la veille ». Or nous entrons aujourd’hui dans le temps de l’Avent, le temps de l’attente pour l’Eglise. Et le mot qui revient par quatre fois dans notre évangile de ce premier dimanche de l’Avent, c’est le mot « Veiller ». Mais celui qui veille, celui qui est de garde, il est debout ; celui qui attend les invités s’agite ; celui qui prépare un examen révise ; celui qui s’apprête à partir en voyage prépare l’itinéraire et son bagage.

Attendre, cela n’a donc rien à voir avec le repos ou le fait de ne rien faire.
Pourtant il y a des croyants qui attendent passivement que Dieu vienne à Noël. C’est si beau, chaque année de jouer les enfants naïfs, de rêver, de faire semblant de croire que Dieu naît comme ça, dans la chaleur, dans la tranquillité, dans l’opulence, dans l’insouciance, dans l’euphorie d’une douce nuit de Noël un peu irréaliste.
Il y a aussi des chrétiens qui attendent passivement que Dieu règle les problèmes de l’humanité, car, croient-ils, c’est à lui Dieu, d’agir. Et ceux-là ne prennent pas position car ils croient, à tort, que le chrétien ne doit pas faire de politique.
Il y en a aussi qui, résignés devant les difficultés, confondent ainsi la douceur de l’Evangile et le manque de courage ; ils ne disent rien car il ne faut pas se faire remarquer. Ils oublient que notre baptême nous engage à lutter contre le mal de toutes ses forces même si cela provoque des tensions.

Attendre, oui, c’est une attitude dynamique ; et pourtant il y en a qui croient qu’ils ont la vérité et sont déjà sur le bon chemin sans effort ni volonté de leur part.
Avoir de telles attitudes risque bien de faire de leur vie de croyant un bain de tiédeur, de transformer l’attente chrétienne en un sommeil tranquille, de rendre fade tout ce qui touche à la foi au Christ, d’utiliser l’Evangile comme un paravent qui justifie toutes les paresses, les situations intolérables et les compromissions.


Or attendre, comme le dit le prophète Joël, c’est l’attitude du guetteur qui hurle à pleine bouche : « ne dormez pas ! » Oui, ne dormez pas, sinon jamais le Christ ne sera présent au monde, jamais le Royaume de Dieu ne sera réalité. Attendre en ce temps de l’Avent, c’est donc l’attitude de celui qui n’hésite pas à se jeter dans la mêlée pour hâter la venue d’un monde plus juste. Attendre le jour où le Christ va revenir, c’est se dépêcher vers celui qui est en difficulté, c’est prendre le temps d’écouter celui qui a besoin de vider son sac ou qui en a trop gros sur le cœur, c’est accepter de donner au moins un peu de son superflu pour celui qui n’a même pas le minimum nécessaire.
Attendre le jour du Christ, c’est maintenir, à travers les difficultés du « vivre ensemble », l’idée de bienveillance, l’idée que l’autre, quel qu’il soit, est mon frère. Attendre, c’est risquer une parole engagée, une parole de témoin, une parole de juste et refuser la parole qui condamne globalement tout un groupe sans distinction.
Attendre, c’est préparer ; c’est donc briser sans répit tout ce qui emprisonne l’être humain.


Attendre, attendre le Christ c’est se mettre en situation d’Avent en livrant en chacune de nos vies une lutte sans merci contre toutes les graines de péché qui germent, s’enracinent et ne demandent qu’à grandir en chacun de nous.
En fait, attendre le Christ en vérité, c’est me livrer totalement à la lumière de l’Evangile, c’est me tourner vers Jésus le Christ et laisser sa Parole s’épanouir en moi et me transformer.
Attendre, c’est aussi être prêt à accueillir l’imprévu. Le peuple juif attendait un Messie, roi, prophète et grand prêtre… et c’est un enfant pauvre, un homme à la parole originale libératrice et forte qui arrive.
Aujourd’hui, attendre c’est accueillir et ainsi faire Eglise ; accueillir l’étranger dans nos communautés, mais aussi les jeunes et une musique inhabituelle. Attendre, c’est accueillir pour un baptême ou un mariage ceux que l’on ne voit pas bien souvent à l’église, accueillir une famille en deuil et témoigner de l’espérance chrétienne.

C’est ainsi qu’il nous faut attendre Noël, dans une attente active.
A force d’attendre ainsi le jour de Dieu, un matin du monde notre prière sera exaucée ; cette prière, elle dit : « Notre Père, que ton règne vienne ». Et ce jour-là, on pourra, j’espère, dire de moi, dire de vous : « Heureux es-tu, heureux êtes-vous ».
Alors d’ici Noël, avec le Petit Prince, « Habillez-vous le cœur ».

Père Pierre Tézenas,
curé de la paroisse Saint Thomas à Clermont.

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