Homélie de la fête de l’Epiphanie : 4 janvier 2015

Voici venue la fête de l’Epiphanie. Dans l’année liturgique il y a deux temps forts, deux couples de fêtes : d’abord le couple de Pâques-Pentecôte, et ensuite celui de Noël-Epiphanie. On retrouve entre ces deux couples beaucoup de points communs. Noël et Pâques font mémoire d’une naissance. A Noël, Marie enfante Jésus, le met au monde ; à Pâques, Dieu ressuscite son Fils : vainqueur de la mort, Jésus surgit du tombeau. Noël et Pâques font mémoire de deux événements cachés, secrets, nocturnes : ils passent inaperçus dans l’histoire humaine et témoignent de la discrétion de Dieu. Quand Jésus naît dans la grotte de Bethléem, seuls Marie et Joseph sont présents, et les anges bien sûr. Les bergers viendront à leur invitation constater la naissance de Jésus et louer Dieu. Pour la résurrection de Jésus, aucun témoin, sinon l’ange qui roule la pierre et annonce aux femmes-disciples devant le tombeau vide que Jésus est vivant.
Beaucoup de rapprochements aussi entre Epiphanie et Pentecôte. Le jour de Pentecôte, la Résurrection du Christ est manifestée au monde. Les disciples, reclus et apeurés, reçoivent l’Esprit Saint et s’adressent aux personnes de toutes les nations, pour annoncer que Christ est ressuscité. Et l’Epiphanie que nous célébrons aujourd’hui fête la manifestation de Jésus aux Mages qui représentent tous les peuples de la terre. La naissance de Jésus comme sa Résurrection concernent en effet toute l’humanité.
Plus que jamais apparaît cette dimension universelle du salut apporté par le Christ. Plus que jamais, en effet, la dimension mondiale du christianisme est manifeste : grâce à l’ouverture au monde prônée par le Concile Vatican 2 dont nous fêterons cette année le 50e anniversaire de la clôture. Grâce aussi aux appels des papes post-conciliaires à l’évangélisation de toutes les cultures, grâce à leurs voyages sur tous les continents, alors que jusque-là ils ne sortaient guère du Vatican. Grâce enfin au déploiement extraordinaire des moyens de communication qui favorisent la portée universelle des événements qui se passent en chaque pays de la planète. Ecoutons deux passages du récit de saint Matthieu :

Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand.
Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem
et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ?
Nous avons vu se lever son étoile et nous sommes venus nous prosterner devant lui. »

Ils arrivent à Jérusalem. Les scribes consultent les Ecritures : d’après elles, le Messie naîtrait à Bethléem, là où David fut choisi comme roi. Hérode tremble pour son trône. Ne serait-ce pas un concurrent dangereux pour son pouvoir ? Ils reprennent la route vers Bethléem.

Et voilà que l’étoile qu’ils avaient vue se lever les précédait ;
elle vint s’arrêter au-dessus du lieu où se trouvait l’enfant.
Quand ils virent l’étoile, ils éprouvèrent une très grande joie.
En entrant dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ;
et, tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui.
Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents :
de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
Mais ensuite, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode,
ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.

Les mages ont offert à Jésus leurs présents. Quel joli mot ! A diverses occasions, nous nous offrons des cadeaux, mais sont-ils vraiment des présents ? Enfants et adultes ne sont-ils pas plus enclins parfois à être fascinés (ou déçus) par les objets et les jouets qu’ils reçoivent, au risque de ne guère prêter attention à la personne qui les offre.
Entre les mages et Jésus il y a échange de présents, échange de présence aussi. Ce que les mages lui offrent, l’or, l’encens et la myrrhe, ce sont leurs présents. Mais ce qui compte ce ne sont pas d’abord les choses qu’ils apportent, c’est leur sens. Ils sont présents eux-mêmes dans leurs dons. C’est aussi le présent de leur histoire, de leur culture qu’ils offrent. Et cela en réponse, en reconnaissance par rapport au présent que manifeste pour eux la naissance de Jésus, devant qui ils se tiennent. Ils reconnaissent en lui le présent de Dieu le plus beau, le plus grand qui soit, c’est-à-dire sa présence même au milieu des hommes, de tous les hommes, de toute l’humanité présente et à venir. Désormais Dieu est et sera toujours présent à chaque instant de l’histoire de tout homme, de tout l’homme, de tous les hommes. Toujours présent à chaque culture, à chaque effort vers la paix, la justice, le pardon tant que durera l’histoire.

Chaque fête de l’épiphanie est un appel adressé aux Eglises. Un appel qui est le même que celui formulé par le prophète Isaïe au peuple d’Israël. Revenu d’exil, il a pris conscience de sa mission auprès des nations et cette certitude va régulièrement s’exprimer par des appels porteurs d’une espérance invincible.

Debout, Jérusalem ! Resplendis : elle est venue, ta lumière,
et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi.
Regarde : l’obscurité recouvre la terre, les ténèbres couvrent les peuples ;
mais sur toi se lève le Seigneur, et sa gloire brille sur toi.
Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore.
Lève les yeux, regarde autour de toi : tous, ils se rassemblent, ils arrivent ;
tes fils reviennent de loin, et tes filles sont portées sur les bras.
Alors tu verras, tu seras radieuse, ton cœur frémira et se dilatera.
Les trésors d’au-delà des mers afflueront vers toi avec les richesses des nations.
Des foules de chameaux t’envahiront, des dromadaires de Madiane et d’Épha.
Tous les gens de Saba viendront, apportant l’or et l’encens
et proclamant les louanges du Seigneur.

Quand elle traverse des temps difficiles, la tentation est grande pour l’Eglise de se replier sur elle-même, ses soucis internes, les minuties de ses coutumes particularistes ou communautaristes, et d’oublier l’essentiel de sa mission d’être porteuse d’une lumière, d’une espérance pour le monde et au cœur du monde. Qu’à chaque épiphanie et à chaque Pentecôte elle se souvienne de garder grandes ouvertes ses portes pour accueillir les trésors des nations, des trésors qui peuvent l’enrichir, venant de ses périphéries et même d’univers étrangers. Qu’elle n’oublie pas cet appel du concile Vatican 2, plus actuel que jamais :

« Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. Leur communauté, en effet, s’édifie avec des hommes, rassemblés dans le Christ, conduits par l’Esprit Saint dans leur marche vers le Royaume du Père, et porteurs d’un message de salut qu’il faut proposer à tous. La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire. (Gaudium et Spes 1)

Michel Scouarnec, Prêtre du Diocèse de Quimper et Léon

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