Une vie sans toit à Evreux (Eure)
06 janv. 2015Les journaux télévisés ont fait leurs grands titres sur les vacanciers de Noël, naufragés sur la route de leurs vacances, mais il existe des gens, tout près de nous, dont la situation est encore plus difficile. Les sans-abri sont particulièrement touchés en cette période de grand froid.
A Evreux, plusieurs structures leur viennent en aide, selon qu'ils sont en famille ou isolé, une femme ou un homme. Point de chute dans les locaux de l'association Accueil Service, 84 avenue Foch qui accueille des hommes seuls sans-abri, de 8 h 00 à 11 h 30. ,
Dans le vestiaire du roller park
Il fait - 2 dehors. En arrivant dans la cour, plusieurs gros chiens sont attachés en attendant leurs maîtres. Ils sont souvent le seul lien affectif des SDF, mais parfois aussi, à certains moments, leur souffre-douleur. Il est 10 heures, une quarantaine d'hommes ont fini un copieux petit-déjeuner et discutent au chaud. Certains récupèrent leur courrier domicilié à l'association. D'autres parlent de leur dossier administratif avec les permanents et des bénévoles, dont un médecin ophtalmo du centre-ville en retraite, qui se dévoue plusieurs fois par semaine. Une partie des sans-abri a pu dormir au chaud dans le vestiaire du roller-park situé en face et prêté par la ville. Ils y ont été envoyés par le 115 qui y gère une quinzaine de places de mises à l'abri de 19h00 à 7h00.
Sous une tente, dans les bois
L'origine de la situation des sans-abri est diverse. Des travailleurs pauvres, des jeunes en rupture familiale, parfois victimes d'addictions, à l'alcool et à la drogue, des demandeurs d'asile, et puis beaucoup de gens d'apparence "normale", comme Alexandre qui couche dehors, dans les bois de Saint-Michel, sous une tente. Il change souvent d'endroit pour ne pas se faire agresser Sa chienne de 10 ans, Princesse, croisée labrador malinois, lui est d'une fidélité â toute épreuve. Et réciproquement. Alexandre a 57 ans mais en paraît beaucoup moins. Il était soudeur hautement qualifié et a travaillé dans les installations nucléaires, notamment à Flamanville. Plus de travail, l'engrenage... Il ne nous en dira pas plus, sauf que, seul dans sa tente - souvent, il en pleure...
La maraude fonctionne toute l'année
Chaque après-midi et soir, une équipe composée de salariés de l'association et de bénévoles part à la rencontre de ceux qui dorment dehors. Pauline Deveaux, la directrice, explique que la "maraude" fonctionne toute l'année mais la vigilance est renforcée en période hivernale. L'après-midi, de 15 h 00 à 18 h 00, Il s'agit d'interventions provoquées par des signalements au 115. » On mesure le degré de vulnérabilité de la personne, on voit ce qui doit être fait et on en réfère au 115. Sur l'une de nos dernières interventions, on a trouvé une femme souffrante, sans sécurité sociale, et qui vit avec son compagnon dans une caravane au fond d'une impasse... On l'a fait emmener à l'hôpital... De18h à 23h, l'équipe va à la rencontre des SDF sur leurs lieux de vie, à Evreux mais aussi dans d'autres villes du département. Avant, l'équipe allait a la rencontre des sans-domicile en un lieu unique, place Armand-Mandle, face au magasin Le printemps. Il y a eu des plaintes des riverains... Maintenant les points de rencontres sont disséminés dans la ville, ce qui est une bonne chose... »
C'est facile et rapide de tomber
Le premier travail de la maraude" c'est d'aller vers les gens, les rencontrer : « On leur apporte une soupe chaude, une compote de pommes, un yaourt... À l'occasion, on leur donne des tapis de sol, des duvets... Depuis le mois d'avril, on en a donné 134. Et, surtout, on crée un lien ». Selon la devise de l'association, "La convivialité au service de la réinsertion. « Qui peut-on aider ? Qui peut-on socialiser ? » On se trouve avec des gens qui n'ont parfois plus de papiers d'identité, plus de couverture maladie. C'est facile et rapide de tomber, mais c'est possible de s'en sortir... » La directrice explique que le plus Important c'est de prendre le temps d'amener la personne à s'exprimer. La seule façon de pouvoir les aider c'est d'abord de les écouter : - Je t'apprivoise, je te montre ce qui est possible, je peux t'accompagner ». L'objectif étant de les « réconcilier avec ta vie et de les re-rendre acteur de leur vie... » - Ça peut prendre six mois, ça peut prendre dix ans... Quand ils sont prêts, on est là. Une fois que l'association a donné à la personne envie de s'en sortir, elle l'adresse au SIAO, Service Intégré d'Accueil et d'Orientation. - On dit que ces gens sont à la marge, mais même la marge est dans la page... » conclut en citation Pauline Deveaux.
Eure Infos Evreux
N° 2047 du mardi 6 au lundi 12 janvier 2015 page 3