Vient de paraître : « DERRIÈRE LA SEIZIÈME PORTE Une classe pour s’évader dans la prison » Récit de Françoise LECLERC DU SABLON
15 janv. 2015Derrière la seizième porte, l’auteur nous invite à partager une bulle de liberté, dans sa classe, en prison.
Ce petit livre n’est pas un discours militant, il n’expose pas de théorie politique, il ne juge pas, ni le système, ni les hommes qui le composent (même si la tentation peut être grande), ni les autres, autour, qui ne le connaissent pas ; il raconte une aventure, des aventures, il met en scène des histoires dont le héros, quel qu’il soit, poursuit toujours une seule et même quête : (re)trouver son humanité.
Pour atteindre cet objectif, il fallait un fil conducteur : l’estime de soi, et un guide bienveillant : Françoise Leclerc du Sablon fut ce guide pour quelques détenus pendant 14 ans, et elle nous emmène sur ce chemin d’exploration et de découvertes avec ses élèves.
Retraitée de l’Éducation nationale, Françoise Leclerc du Sablon a un parcours à la fois atypique et cohérent : enseignante en école élémentaire, notamment pour des enfants non francophones, lutte contre l’illettrisme pour des adultes en difficulté d’apprentissage, ou, comme il est question ici, pour des hommes et des femmes incarcérés.
Extraits
J'ai un travail qui n'est pourtant pas si particulier, enseignante, prof des écoles ; mais c'est son cadre, et mes élèves, qui en font toute la spécificité ! Parfois, je recule devant l'envie d'en parler, car ça fait presque exotique. Et pourtant ! Page 24
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Comme souvent lorsque la lumière du jour n'est pas encore complètement installée, je regarde, je déguste une image à la Folon ; des ombres chinoises se détachent sur la tôle ondulée claire qui borde le stade au fond de la Grand'rue : les silhouettes de cinq ou six hommes, en blouses, poussent de tout leur poids les lourds chariots des repas, ils ramènent en cuisine ces chariots de la maison d'arrêt des femmes, autrement nommée « le quartier femmes ». … Ces ombres défilent, lourdement penchées en avant, lentement le long du terrain de foot vers le bâtiment des cuisines où on les rechargera pour le transport du repas de midi.
Je les croise d'un « bonjour messieurs » poli et chaleureux, qu'ils me rendent tout simplement. Page 30
⦋…⦌ pour gagner leur confiance en montrant que je suis une « vraie » instit', je me lance dans un travail de conjugaison. Tu m'écoutes, tu fais des essais ; tu utilises le pronom « je », pour demander : « Je voudrais un cahier de brouillon. » ; « Est-ce que je peux dire quelque chose ? » et ces demandes ont un effet, je te donne un cahier, je te réponds, tu dis ce que tu as à dire, et reçois des réponses des autres; tu essayes « je » avec plusieurs verbes, en classe, puis avec d'autres interlocuteurs, ailleurs, dans la détention. En écrivant cela j’ai l’impression d’exagérer, mais je me souviens bien que cela m’a terriblement étonnée. Page 45