Homélie du dimanche 8 mars 2015 : "les vendeurs chassés du Temple"

3° dimanche de Carême B – 8 mars 2015

Exode 20, 1-17 ; Psaume 18 ; 1 Corinthiens 1, 22-25 ; Jean 2, 13-25

Le temple de Jérusalem, construit par Hérode le Grand à partir de 20 avant Jésus Christ, était une belle et grande construction. Il y avait le sanctuaire, le Saint des Saints, la cour des hommes et celle des femmes, et une immense esplanade : le parvis des païens. C’est là que beaucoup se rassemblaient pour traiter leurs affaires, écouter les docteurs de la Loi, acheter des animaux pour les sacrifices et changer de la monnaie. C’est dans ce brouhaha de souk oriental que se place l’incident rapporté par Jean : Jésus chasse les marchands du temple. Sa protestation concerne surtout l’utilisation faite du Temple, le fait qu’il soit devenu plus un lieu de marchandage que de prière. Comment s’y recueillir encore et prier ? La raison première du Temple était menacée. C’est comme ça que Jésus se sentit obligé de faire son ménage de printemps : “Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic”, dit-il, en accomplissant son geste prophétique.

L’évangile de Jean a été écrit vers l’an 100, c’est à dire 30 ans après la destruction du Temple. A cette époque Jérusalem est une ville interdite aux juifs qui sont chassés de la Palestine. Et le Temple n’est qu’un tas de ruines. Plus de prêtres ni de scribes, plus de pèlerins ni de vendeurs. Saint Jean est très âgé et il revoit la scène que nous venons d’entendre avec les yeux de ses 20 ans, et l’expérience du dernier témoin peut-être qui a vu le Christ vivant au matin de Pâques. C’est à la lumière de la résurrection qu’il a compris le sens de la parole de Jésus : “Détruisez ce temple et en 3 jours je le relèverai”. Jésus parlait du sanctuaire de son corps. C’est le cœur de cette page d’évangile. C’est son corps, ce corps qui sera crucifié et ressuscité, qui est le nouveau temple. Ainsi, le lieu de la Présence de Dieu, n’est plus un édifice, c’est Quelqu’un ! Toute la liturgie chrétienne se déroule autour de cette mystique du Corps du Christ.

Il y a déjà très longtemps qu’Israël a reçu de Moïse les dix commandements, une sorte de consensus pour vivre ensemble en peuple : on respecte les autres et leurs biens et on respecte celui qui a inspiré ces paroles de sagesse. Pour vivre ces commandements, Israël a possédé une terre, un roi, un système politique comme les peuples des alentours. Et puis il a pensé qu’il convenait de bâtir un lieu de rendez-vous, considéré comme la Maison de Dieu, le lieu de l’Alliance, le Temple. Mais Dieu a mal accepté cette proposition. Dieu ne peut être lié à un lieu où il n’y a pas de vie. On ne peut pas assigner Dieu à résidence, même pas à résidence sacrée. Israël a mis beaucoup de temps à comprendre ça. Le Temple de Jérusalem construit par Salomon au dixième siècle avant Jésus Christ sera détruit et reconstruit plusieurs fois pour être enfin réduit à l’état actuel. Des fastes anciens, il ne reste qu’un mur de soutènement, le mur des lamentations. C’est le drame de tout un peuple que Jésus a prédit et pleuré. Le Temple ne sera plus jamais comme l’avaient rêvé les rois d’Israël. Et c’est dans cet état de dépouillement, devant un mur, la tête en plein air, qu’aujourd’hui les enfants d’Israël viennent trouver et adorer la présence de Dieu .

L’épisode musclé du Temple va permettre à Jésus de nous faire progresser dans la rencontre Dieu-homme. Le véritable lieu de la rencontre n’est pas une église de pierres. Les prophètes nous y avaient déjà préparés : le lieu de la rencontre c’est le cœur de l’homme. Même si ce cœur doit être sans cesse purifié car tout ce qui peut l’habiter n’est pas toujours très beau ! C’est pour ça que nous disons de Jésus qu’il est le seul médiateur entre son Père et nous, parce qu’en lui l’amour est pur, et parce que le mal ne peut l’anéantir, sa résurrection en est le signe. Mais parce qu’il nous a donné son Esprit, voici que nous aussi devenons des temples de Dieu : “vos corps sont les Temples du Saint-Esprit,” dit Saint Paul.

Pour le chrétien, plus de barrière entre le profane et le sacré. Le seul lieu sacré c’est l’homme-fils de Dieu, le seul culte véritable est celui d’une vie vécue dans l’Esprit de Jésus, c’est à dire l’amour de Dieu et du prochain, aussi bien dans le quotidien que dans les engagements les plus risqués, sur nos chemins de joie comme sur nos chemins de croix. Et quand notre corps sera détruit nous avons foi que Dieu– comme il l’a fait pour Jésus – le relèvera dans la gloire. Aimer Dieu et le prochain sont les seuls commandements positifs : AIMER. Tout le reste est négatif. Autrement dit, on sait en détails ce qu’il ne faut pas faire. Ce qu’il faut faire, c’est aimer. Pas de détails, tout est à inventer.

Robert Tireau, prêtre du diocèse de Rennes

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