Homélie du dimanche de la Passion, 29 mars 2015

Simon de Cyrène passe pratiquement inaperçu dans ce long récit de la passion : il aurait pourtant beaucoup de choses à nous dire, lui qui a aidé Jésus à porter sa Croix sur le chemin du Calvaire.

Nous ne savons presque rien de lui. Ce qui est frappant chez Simon, c'est à la fois son anonymat et la place privilégiée qu'il a prise dans le Mystère de la passion du Christ. C’était un immigré : Cyrène est en Afrique du Nord. De nos jours, on dirait que c’est un maghrébin I1 revenait des champs, fatigué, à l'heure de midi où le soleil tape fort. Il est réquisitionné, lui, le passant de hasard, pour aider le condamné soi-disant roi des Juifs à porter sa croix. Ensuite, on n'a plus reparlé de lui. Il n'a jamais eu sa place dans le catalogue des saints. I1 est rentré dans la nuit et l'oubli de l'histoire.

Et pourtant quelle place il a eue ! Il a été le seul à porter la Croix du Christ ! Il était à côté de Lui. Il a senti son souffle ! Il l'a vu souffrir, pleurer. Et ainsi, il a été le partenaire du plus bouleversant événement de l'histoire : ce chemin de Croix où Dieu lui-même a donné sa vie pour tous les hommes, sans exception. En cette heure d'épreuve extrême, Jésus, Homme-Dieu a eu besoin d'un homme, d'un frère, Simon, toi l'étranger qui simplement passais par là. Ce jour-là, sans le savoir, on peut dire que tu es devenu le premier disciple de ce Jésus qui avait dit auparavant: " Celui qui veut être mon disciple, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive. » À ce moment-là, tu as pris ta place de disciple, bien avant les apôtres qui s'étaient enfuis.

Simon de Cyrène est le frère de tant de gens très simples, anonymes, des passants comme on dit. I1 y en a certainement parmi vous, ici même, ce dimanche des Rameaux, dans cette église de Vernonnet.

Vous n’êtes pas forcément des familiers de l'église. Vous n’êtes pas obligatoirement engagés dans l’Équipe d’Animation locale - mais vous en faites partie éventuellement. Toujours est-il que lorsqu’il faut prendre sa place auprès de quelqu'un qui porte douloureusement sa croix, ça, vous savez le faire, sans publicité.

  • Sidaction, Téléthon, Banque alimentaire,
  • Enfants d’Haïti
  • Accueillir un voisin seul à Noël, un enfant de la chaine de l’Espoir, contribuer à la réalisation d’un rêve d’enfants en fin de vie avec l’Association des Petits Princes
  • Aller voir un ami en prison, lui écrire, accompagner sa famille.
  • Faire partie d’organisations durables, Secours Catholique, Secours Populaire, CSVP, AVAP ici à Vernonnet…etc

C’est de l’émotionnel, dit-on avec un peu de dédain. Jésus lui aussi a été « pris de pitié pour la foule », et le Dieu de l’Ancien Testament est un Père plein de tendresse.

Ce n’est pas vrai que les ‘’gens’’ comme on dit sont tous égoïstes, enfermés sur eux-mêmes. Ils savent, vous savez être généreux.

Dans notre société si dure, traversée de tant de peurs, grande est la solitude de ceux qui, à l'image du Christ, portent leur croix.

Or, en raison notamment des crimes abominables commis depuis un siècle avec un sadisme et une volonté d'extermination jamais égalés auparavant, on a sombré dans le pessimisme. L'homme apparaît souvent à nos contemporains comme un ennemi potentiel.

Le mal existe, c’est vrai. Le bien aussi. Le beau existe. La tendresse existe. Le dévouement existe. La générosité existe. Chacun peut le constater quotidiennement autour de lui. Il faut le dire sous peine de ne pas voir toute la réalité et de désespérer vos enfants ou petits enfants.

Contrairement au mal, le bien ne fait pas de bruit. Cette ‘’discrétion" fait que nous ne le prenons pas suffisamment en compte dans notre jugement sur le monde. "On entend le fracas de l'arbre qu'on abat, mais on n'entend pas la forêt qui pousse" dit un proverbe africain. La forêt qui pousse silencieusement, c'est le bien qui s'accomplit chaque jour sur terre, autour de nous et aussi - pourquoi pas - par nous.

Dix millions de bénévoles sont l'âme et le cœur de centaines de milliers d'Associations en France. À quoi s'ajoute un bénévolat extra - associatif au moins aussi nombreux.

Supposez que personne subitement ne vienne plus à l’aide de personne, l'existence quotidienne deviendrait intenable. L'humble générosité de chaque jour est à la base même du tissu social. Mais elle n'attire pas l'attention des médias. Nous y sommes tellement habitués que nous ne la voyons plus. En revanche sa disparition soudaine creuserait un vide impossible à combler. Dieu paraît se taire : en réalité, il nous parle par tout ce qui est beau et bien dans le monde.

La raison d’être des religions est de libérer le fonds de bonté des hommes, d'aller le chercher là où il est complètement enfoui. La bonté est plus profonde que le mal (...) La bonté est présente des le monde. Il faut apprendre à la voir" (Jean Delumeau Guetter l'Aurore p. 121-123)

Simon de Cyrène nous montre le chemin, lui, le lointain, a accepté de se faire tout proche, d’être celui qui s’approche, il a accepté d’être le prochain de Jésus épuisé sur le chemin de la mort. Il a su partager la passion du Christ. Avec lui, désormais, nous savons que s'il y a des croix impossibles à écarter, il reste l'immense appel à s'entraider à les porter les uns les autres.

Jésus est en agonie tant qu’il y aura des gens persécutés, méprisés, rejetés, outragés dans leur dignité d’homme. Ou pire peut-être oubliés, inexistants, comme le pauvre Lazare à la porte du riche qui fait bombance. Nous pouvons être associés au mystère pascal du Christ comme Simon de Cyrène en aidant Jésus à porter sa croix"

Roland Chesne, Prêtre à Vernonnet, Diocèse d'Evreux

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