L'AVENIR DES CHRÉTIENS AU MOYEN-ORIENT par David NEUHAUS

Une vision depuis la Terre Sainte

La situation des chrétiens du Moyen-Orient est marquée par la peur. Mais celle-ci peut ne pas être le dernier mot. La connaissance de l'histoire est essentielle si l'on veut se garder des caricatures et s'ouvrir à la complexité des situations. De plus, une attitude de dialogue et de service, aussi difficile soit-elle, permettra de sortir des enfermements et d'envisager un avenir meilleur.

Dans l'une de ses lettres pastorales adressée aux fidèles de la Terre Sainte, le Patriarche latin de Jérusalem, Michel Sabbah, écrivait : « Votre premier devoir est d'être à la hauteur de la situation. Aussi compliquée et difficile soit-elle, vous devez essayer de la comprendre. Prenez en compte tous les faits. Considérez-les objectivement, calmement mais courageusement, et résistez à toute tentation de la peur et du désespoir.[1] »

La peur

Toute discussion actuelle sur la situation des chrétiens au Moyen-Orient doit commencer par prendre conscience de la peur qui a saisi ces communautés lorsqu'elles regardaient les horribles scènes diffusées depuis l'Irak et la Syrie. Il n'est pas insignifiant que le 31 octobre 2010, quelques jours après la clôture du Synode extraordinaire sur l'Église du Moyen-Orient convoqué par le pape Benoît XVI au Vatican, l'attaque d'une église catholique syrienne à Bagdad fit 58 morts. La poussée de violence qui s'ensuivit, dirigée contre diverses minorités ethniques ou religieuses dans plusieurs lieux du Moyen-Orient, est l'une des conséquences de la chute ou de la déstabilisation de régimes qui avaient, durant plusieurs décennies, tenu le monde arabe d'une poigne de fer. En Égypte, en Irak comme en Syrie, les chrétiens regardaient avec horreur comment les profondes aspirations et les désirs authentiques de dignité humaine, de démocratie et de liberté, qui s'exprimèrent lors des événements connus sous le nom de « Printemps arabe », se transformaient progressivement en un combat chaotique d'une brutalité extrême pour le pouvoir. Des extrémistes, rendus à la liberté après des décennies de répression brutale par des régimes dictatoriaux laïcs, quittaient la clandestinité et sortaient au grand jour.

Depuis 2010, des milliers de chrétiens ont été chassés de leurs maisons en Irak et en Syrie. Les racines chrétiennes ont été arrachées. Tout un héritage chrétien a été effacé par des terroristes au visage masqué parlant au nom de l'islam et appelant à l'établissement d'un califat islamique sur des terres qui, depuis le tout début de la foi chrétienne, avaient été la demeure des chrétiens. Des centaines de milliers d'entre eux ont dû abandonner leur terre natale, pas seulement en Irak et en Syrie, mais aussi en Égypte, en Palestine, en Israël et ailleurs. À la suite de l'effondrement d'un ordre politique qui leur était familier, ils ont dû émigrer vers l'Occident, vers le Nouveau monde, ou vers des pays arabes plus hospitaliers, comme la Jordanie ou le Liban.

La peur est associée à une expression qui vient volontiers sur les lèvres de ceux qui observent la situation présente : la persécution des chrétiens. Il ne fait aucun doute que des chrétiens sont tués parce que leurs bourreaux musulmans extrémistes les considèrent comme des infidèles, des polythéistes ou des espions occidentaux. Toutefois, comme l'a relevé la Commission Justice et Paix de l'Assemblée des évêques catholiques de Terre Sainte :

Au nom de la vérité, nous devons relever que les chrétiens ne sont pas les seules victimes de cette violence et de cette barbarie. Des musulmans laïcs, comme ceux qui sont qualifiés d« hérétiques », de « schismatiques » ou simplement de « non-conformistes », ont été attaqués et tués dans le chaos qui prévaut actuellement. Là où prédominent les extrémistes sunnites, des chiites ont été massacrés. Là où prédominent les extrémistes chiites, ce sont des sunnites qui se font tuer. Certes, il arrive que les chrétiens soient ciblés précisément parce qu'ils sont chrétiens, parce qu'ils confessent d'autres croyances et que, par ailleurs, ils manquent de protection. Toutefois, ils sont victimes en même temps que bien d'autres qui souffrent et meurent en ces temps où prévalent la mort et la destruction. Ils sont expulsés de leurs maisons en même temps que bien d'autres, et c'est ensemble qu'ils deviennent des réfugiés qui ont tout perdu.[2]

Il est aussi clair que le mot de « persécution », lorsqu'il est utilisé seulement pour décrire la souffrance des chrétiens dans l'actuel Moyen-Orient, est souvent manipulé dans le contexte d'un programme politique particulier dont le but est de semer les partis pris et la haine, montant les chrétiens contre les musulmans.

La peur de quoi ?

La crainte est un mauvais maître. Pour l'affronter et la surmonter, on doit la comprendre. Les chrétiens sont une portion particulièrement vulnérable du monde arabe car, pour une bonne part d'entre eux, ils ont constamment refusé de s'organiser selon des lignes confessionnelles comme des partis politiques ou des milices. Pendant des décennies, depuis la fin du XIXe siècle, les chrétiens les plus motivés politiquement et socialement ont investi leurs énergies dans le développement du nationalisme arabe laïc sous ses diverses formes. Dans ce projet, ils ont travaillé conjointement avec des musulmans et des membres d'autres communautés minoritaires qui partageaient leurs convictions. Ce qui est habituellement connu sous le nom de « réveil arabe » a été couronné de succès tant que les Arabes développaient le sens de leur identité, fondée sur la langue, la civilisation arabo-musul­mane, dans le cadre de cette vaste région du monde qui fut le centre de civilisations antiques qui donnèrent au monde le judaïsme, le christianisme et l'islam. Dans le sillage de la guerre israélo-palestinienne de 1948, dans de nombreuses parties du monde arabe, les régimes monarchiques furent renversés par des révolutions nationalistes. Toutefois, par la suite, ces régimes, souvent fermement soutenus par l'armée et la police, se transformèrent en dictatures mettant en œuvre des systèmes de contrôle qui étouffèrent brutalement toute opposition. Parmi les victimes de ces régimes se trouvaient des membres de mouvements qui cherchaient à renforcer l'identité musulmane et à développer des modèles de gouvernements islamiques et anti-occidentaux.

Le document de la Commission Justice et paix, précédemment cité, écrivait :

Les chrétiens ont vécu dans une sécurité relative sous ces régimes dictatoriaux. Ils craignaient que, au cas où disparaîtrait cette autorité forte, prévaudraient le chaos et des groupes extrémistes qui, s’emparant du pouvoir, apporteraient violence et persécution. C'est pourquoi des chrétiens tendaient à soutenir ces régimes. En revanche, la loyauté à l'égard de leur foi et le souci du bien de leur pays auraient dû peut-être les conduire à s'exprimer plus tôt, proclamant la vérité et appelant à de nécessaires réformes vers plus de justice et de respect des droits humains, conjointement avec de nombreux chrétiens et musulmans qui, eux, osèrent prendre la parole.

Il semble que les pires cauchemars des chrétiens soient devenus réalité quand les régimes dictatoriaux relativement laïcs furent défiés par l'islam politique. L'émergence de ce dernier a suscité une peur légitime chez les chrétiens qui, au mieux, seraient marginalisés dans un système politique qui mettrait l'accent sur l'identité confessionnelle et définirait la société en termes confessionnels. Au pire, les chrétiens seraient assassinés, chassés de leur maison, privés de leurs droits, for­cés à subir extorsions et humiliations.

La peur ne connaît pas de distinctions subtiles. Il est essentiel que les chrétiens étudient en détail chaque courant de l'islam politique. Les mouvements islamiques en Irak et en Syrie sont divers et souvent divisés. Ils ne peuvent pas être assimilés purement et simplement à ceux que l'on voit à l'œuvre en Égypte et en Palestine. Le meurtre et le déplacement des chrétiens ne peuvent être assimilés aux demandes que les symboles musulmans soient respectés et même qu'on leur donne une certaine priorité. Vider Mossoul et la plaine de Ninive de ses chrétiens n'est pas du même ordre que la requête adressée par des musulmans qui demandent que leurs filles aient le droit de porter un foulard (hijab) dans les écoles chrétiennes de Jérusalem. La peur peut être surmontée lorsque les chrétiens prennent directement contact avec les responsables des différents courants de l'islam, mais aussi lorsqu'ils les mettent au défi de réfléchir aux conséquences de leurs idéologies et de leurs visions. De fait, il se trouve que plusieurs courants islamiques ont déjà commencé à réfléchir au défi que représente la diversité confessionnelle et ont entamé un dialogue avec les chrétiens. La peur tend à faire croire que tous les musulmans seraient partisans d'une seule vision dans laquelle les chrétiens n'auraient aucune place. Surmonter la peur signifie être capable de percevoir la diversité et la complexité au sein de ce phénomène complexe qu'est le réveil islamique.

Surmonter la peur et l'isolement

Le premier fruit de la peur est la tendance à s'isoler. Une tendance visible parmi les chrétiens du Moyen-Orient est leur isolement dans leurs quartiers, leurs institutions et leurs clubs. Après avoir, durant des décennies, refusé les tendances isolationnistes en politique, certains chrétiens souhaitent aujourd'hui avoir leurs propres partis politiques. Les plus extrémistes proposent même que l'identité chrétienne exclue la composante arabe, sa langue et sa civilisation. Selon cette vision, les chrétiens seraient araméens (en Syrie), phéniciens (au Liban), coptes (en Égypte) ou chaldéens (en Irak), mais surtout pas arabes.

Surmonter la peur et son rejeton, l'isolement, suppose que les chrétiens sortent des ghettos qu'ils se sont imposés, afin de découvrir tous ceux qui, au sein du monde arabe au sens large, sont menacés de manière semblable par des visions islamiques monolithiques qui menacent la composition même de la société moyen-orientale. Tout d'abord, on doit reconnaître que les premières victimes de l'extrémisme islamique, ce sont des musulmans qui ne s'accordent pas avec la vision des extrémistes. Les extrémistes ont davantage assassiné de musulmans que de chrétiens. Davantage de musulmans ont fui par peur. Ensuite, d'autres minorités, par exemple les yézidis, les druzes et les alaouites, sont en plus grand danger que les chrétiens car leur foi et leurs pratiques sont perçues par les extrémistes comme dépassant ce qu'un musulman peut tolérer quant à la diversité religieuse. Troisièmement, les divers courants au sein de l'islam politique sont loin d'être unifiés par une même vision des relations avec les non-musulmans. Les chrétiens doivent rechercher, parmi ces courants, ceux qui sont disposés à la rencontre et au dialogue.

Un dialogue national fondé sur des visions partagées de la société et de son avenir ouvre les communautés à un agir commun. Dans le document précité, la Commission Justice et Paix proposait :

Les chrétiens et les musulmans doivent résister ensemble aux forces nouvelles de l'extrémisme et de la destruction. Tous les chrétiens et de nombreux musulmans sont menacés par ces forces qui veulent créer une société débarrassée de ses chrétiens et dans laquelle seule une minorité de musulmans se sentiraient chez eux. Tous ceux qui cherchent la dignité, la démocratie, la liberté et la prospérité sont menacés. Nous devons nous tenir ensemble et élever la voix dans la vérité et la liberté. [...] C'est à nous seuls que revient de bâtir ensemble un avenir commun. Nous devons nous adapter à nos réalités, même aux réalités de mort, et nous devons apprendre ensemble comment émerger de la persécution et de la destruction vers une nouvelle vie dans la dignité dans nos pays.

Surmontant leur peur, les chrétiens sont provoqués à retrouver le sens de leur solidarité avec leurs compatriotes du monde arabe. Alors que de nombreuses voix les poussent à abandonner leurs maisons et leur identité en ces temps de crise, l'Église et les leaders civils les invitent à rester fidèles à leur terre et à leur identité nationale, et à être un levain d'espérance dans les drames actuels.

Institutions et discours chrétiens

Dans l'Exhortation de Benoît XVI, « L'Église au Moyen-Orient », le pape souligne le rôle prééminent des institutions chrétiennes dans la mission de cette partie du monde :

Depuis longtemps, l'Église catholique au Moyen-Orient œuvre grâce à un réseau d'institutions éducatives, sociales et caritatives. Elle fait sien l'appel de Jésus : « Dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait » (Mt 25, 40). Elle accompagne l'annonce de l'Évangile d'œuvres de charité, conformément à la nature même de la charité chrétienne, en réponse aux nécessités immédiates de tous, quelle que soit leur religion, indépendamment des partis et des idéologies, dans le seul but de vivre sur terre l'amour de Dieu pour les humains. À travers le témoignage de la charité, l'Église apporte sa contribution à la vie de la société et désire contribuer à la paix dont la région a besoin. Le Christ Jésus s'est fait proche des plus faibles. Guidée par son exemple, l'Église œuvre au service de l'accueil des enfants dans des maternités et des orphelinats, de celui des pauvres, des personnes handicapées, des malades et de toute personne nécessiteuse afin qu'elle soit toujours mieux insérée dans la communauté humaine. L'Église croit en la dignité inaliénable de chaque personne humaine et elle adore Dieu, créateur et père, en servant sa créature dans le besoin tant matériel que spirituel. C'est à cause de Jésus, vrai Dieu et vrai homme, que l'Église accomplit son ministère de consolation qui ne cherche qu'à refléter la charité de Dieu pour l'humanité. (n° 89-90)

Des centaines d'écoles, d'universités, d'institutions pour les pauvres, les personnes âgées et les handicapées, d'hôpitaux et d'autres institutions offrant éducation ou services sociaux, relevant de l'Église, sont dispersés sur tout le territoire du Moyen-Orient. Pratiquement tous ces établissements se caractérisent par leur dévouement et les services qu'ils rendent aux sociétés où ils se trouvent et par leur ouverture à chacun et à tous, musulmans et chrétiens, aussi bien qu'aux autres minorités. Ces institutions révèlent le visage d'une présence chrétienne qui veut servir non seulement les chrétiens mais la société dans son ensemble.

Ces institutions représentent une avancée chrétienne très significative au-delà de la peur et de l'isolement. Particulièrement notables sont celles qui servent presque exclusivement des populations musulmanes, manifestant le visage d'une Église qui veut contribuer à l'élaboration d'une société fondée sur la convivialité et le respect. Dans la Bande de Gaza, 98 % des élèves des écoles chrétiennes sont musulmans. A contrario, on peut rappeler qu'après les révolutions Baas en Irak et en Syrie, presque toutes les institutions chrétiennes avaient été nationalisées, ce qui conduisit à la disparition de cette forme de présence chrétienne dans la société. Il se peut que la catastrophe présente ne soit pas sans lien avec ce fait.

Les institutions chrétiennes, surtout les écoles, les universités et les hôpitaux, sont souvent des endroits où chrétiens et musulmans ne se contentent pas de se côtoyer, mais établissent des relations mutuelles et développent des discours sur la diversité et le respect. C'est à travers ces institutions que les chrétiens peuvent effectivement laisser leur marque sur la société.

La promotion continuée des institutions chrétiennes au service de l'ensemble de la population doit aller main dans la main avec le développement d'un discours approprié sur le monde dans lequel vivent les chrétiens. C'est ce discours qui doit aussi distinguer le chrétien comme une voix qui appelle à la justice, la paix, le pardon, la réconciliation et l'amour d'autrui. Dans la plupart des cas, la peur génère un discours réactif et une attitude insulaire, isolant les chrétiens de leurs voisins. Supporter et développer les institutions chrétiennes au service de tous doit aller de pair avec l'élaboration d'un langage qui ouvre les chrétiens vers ceux avec qui ils partagent leur vie quotidienne. Confronté à l'extrémisme musulman, le chrétien est appelé au discernement, distinguant l'extrémiste du musulman qui est un ami, un voisin ou un compatriote, le distinguant aussi de ceux qui sont manipulés par lui. Il est appelé à se souvenir que les chrétiens peuvent, eux aussi, être affectés par l'extrémisme, la confusion toxique de la religion avec des intérêts politiques et la manipulation de la parole de Dieu pour justifier sa cupidité et ses propres intérêts.

La présence chrétienne au Moyen-Orient ne se mesure pas et ne peut se mesurer par sa seule importance numérique. Elle se mesure plutôt par le sens de sa contribution à la société, surtout dans les services qu'elle rend à l'éducation, à la santé et au travail social, ainsi qu'au langage de l'amour qu'elle tient.

La foi contre la peur

Face aux peurs que les chrétiens continueront à éprouver tant que le Moyen-Orient sera secoué par l'instabilité et le chaos, le seul antidote chrétien est la foi. Les chrétiens portent le nom de leur Maître qui ne leur a pas promis un lit de roses. Le Christ a dit à ceux qui le suivaient : « Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il renonce à lui-même et prenne sa croix, et qu'il me suive. En effet, qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l'Évangile, la sauvera » (Mc 8,34-35). Ces mots ont guidé des générations de chrétiens qui ont donné leur vie en témoignage de foi à l'Évangile. On comprend aisément que beaucoup se dérobent à ces paroles, préférant garantir à leurs enfants un avenir meilleur dans un monde qui paraît plus sûr, en Europe, aux États-Unis ou en Australie. Une diaspora chrétienne moyen-orientale peut même fournir un soutien à ceux qui choisissent consciemment de rester ou à ceux qui n'ont tout simplement pas les moyens de partir.

Cependant, il en existe qui, inspirés par leur courage, leur détermination et leur foi, décident, en dépit de toutes les circonstances contraires, de rester sur la terre de leurs ancêtres, parce qu'ils savent qu'il en va de leur vocation et de leur mission, de porter le témoignage du Christ sur la terre qu'il avait foulée. Ce sont eux, ces chrétiens dont le sens de la mission assure l'avenir de l'Église au Moyen-Orient. Ils ont mis la main à la charrue et ne regardent pas en arrière, ni ne s'évadent. Ils n'ont pas peur ; ils n'accusent pas non plus ; ils ne s'isolent pas derrière des barrières confessionnelles ; ils ne restent pas paralysés par leur amertume ; ils regardent plutôt en avant, cherchant à discerner la route qui mène plus loin. La foi est la seule voie sûre au-delà de la peur et de l'isolement, vers l'ouverture et le service, se mettant en quête du Christ et marchant à la suite de celui qui est allé à la rencontre de tous, même des plus éloignés. La foi est le sentiment profondément enraciné que la victoire a déjà été acquise par la résurrection et que, quelles que soient les croix rencontrées sur le chemin, l'extrémisme, la haine et le rejet, les forces de mort ont été surmontées dans la Croix du Christ. Finalement, c'est la vie qui l'emporte.

Le renouveau de la foi au Moyen-Orient, parmi des chrétiens durement éprouvés, passe certainement par un sens plus affirmé de l'unité chrétienne qui surmonte les divisions confessionnelles du passé. À de nombreuses reprises le pape François a souligné le thème de l'« œcuménisme du sang », comme il le fit dans son discours devant le Saint Sépulcre de Jérusalem, où il se trouvait en compagnie du patriarche grec orthodoxe de Constantinople, Bartholomeos.

Quand des chrétiens de diverses confessions se trouvent à souffrir ensemble, les uns à côté des autres, et à s'entraider les uns les autres avec une charité fraternelle, se réalise un œcuménisme de la souffrance, se réalise l'œcuménisme du sang, qui possède une particulière efficacité non seulement pour les contextes dans lesquels il a lieu, mais aussi, en vertu de la communion des saints, pour toute l'Église. Ceux qui par haine de la foi tuent, persécutent les chrétiens, ne leur demandent pas s'ils sont orthodoxes ou s'ils sont catholiques : ils sont chrétiens. Le sang chrétien est le même.3

De la même façon, le renouveau de la foi passe par un engagement au dialogue avec les musulmans (et les juifs sur le territoire d'Israël-Palestine), dans un appel franc et honnête au respect mutuel et dans un travail partagé afin de bâtir une société délivrée de l'oppression, de l'ignorance et de la peur. Cela renforce aussi la requête de devenir des citoyens à égalité, jouissant des mêmes droits et portant les mêmes obligations.

C'est cette voix de la foi qui est perceptible dans la déclaration de la Commission Justice et Paix, lorsqu'elle dit :

Nous prions pour tous, pour ceux qui joignent leurs efforts aux nôtres, et pour ceux qui, aujourd'hui, nous font du tort, et même pour ceux qui nous tuent. Nous prions que Dieu leur permette de voir la bonté qu'il a déposée dans le cœur de chaque être. Que Dieu transforme chaque personne au fond de son cœur, lui apprenant à aimer son prochain comme Il le fait, Lui qui est le Créateur et l'Ami de tous. Notre seule protection est dans le Seigneur et, comme Lui, nous offrons nos vies pour ceux qui nous persécutent aussi bien que pour ceux qui, avec nous, défendent l'amour, la vérité et la dignité.

David NEUHAUS jésuite,

vicaire du Patriarche latin de Jérusalem,

Traduit de l'anglais par François Euvé jésuite.

Revue Etudes Études • Décembre 2014 • n°4211 • 63

[1] Michel Sabbah, Priez pour la paix de Jérusalem, 1990.

[2] « Are Christians being persecuted in the Middle East ? » (2 avril 2014).

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