"Avant que d’autres ne jouent sur la peur… " par René POUJOL

Peut-être l’attentat manqué contre les églises de Villejuif donne-t-il raison à Voltaire lorsqu’il écrit «il prit pour devise malheur est bon à quelque chose».

Il semble désormais établi que l’intention de Sid Ahmed Ghlam était bien de provoquer un vrai massacre au sein de la communauté catholique de Villejuif (Val-de-Marne), à l’occasion de la messe dominicale du 19 avril. Dieu merci l’homme a pu être interpellé avant tout passage à l’acte. Son projet n’en était pas moins clair : frapper des chrétiens sur une terre perçue par les islamistes comme chrétienne, pour nourrir la peur et mieux exacerber la méfiance et l’hostilité vis à vis des musulmans de France. Avec l’espoir qu’ils finissent par se retourner, un jour, contre la République avec la volonté fantasmatique d’imposer leur propre loi… coranique. Bref : la politique du pire. On peut imaginer que, pour Daech, l’objectif demeure et qu’il se trouvera ici ou là, dans l’hexagone, d’autres «fous de Dieu», persuadés d’avoir reçu d’Allah, sinon de ses prétendus serviteurs, la mission sacrée de tuer des infidèles.

On connaît la phrase de Voltaire, dans l’Ingénu : « Il prit pour devise malheur est bon à quelque chose. Combien d’honnêtes gens dans le monde ont pu dire malheur n’est bon à rien! » Le malheur a pu être évité. Mais précisément, le pire nous ayant été épargné, je vois au moins deux raisons de me réjouir. La première vient de l’attitude responsable du gouvernement français, souvent «en délicatesse» avec le monde catholique, reconnaissant la communauté chrétienne comme «cible» potentielle des terroristes. Attitude également responsable de la Conférence des évêques, réaffirmant sa totale confiance à l’Etat Français. Oui les catholiques de France sont fils loyaux de la République à égalité de droits et de devoirs.

Le second motif de satisfaction est que le sérieux de la menace, ici même en France, nous rapproche charnellement de nos frères chrétiens victimes de la barbarie sur les terres où Daech a jeté son emprise. Que l’on me comprenne bien : il n’y a là aucune perversion malsaine, aucune culpabilité ambiguë, aucune marque d’appétence pour un quelconque martyre. Simplement la conscience devenue plus aiguë de notre propre fragilité, et d’une fraternelle solidarité avec tous ceux et celles qui partagent notre foi au Christ en des terres où c’est quotidiennement au risque de leur vie. Et la conviction que c’est au nom même de cette foi partagée que nous devons renforcer le dialogue interreligieux comme rempart à la barbarie.

Peut-être la proximité de la menace terroriste, tout comme l’insupportable désastre humanitaire des réfugiés naufragés de Méditerranée étaient-ils nécessaires pour sortir enfin nos pays européens de leur torpeur et provoquer chez leurs dirigeants un «sursaut salutaire». Avant que d’autres forces politiques, aujourd’hui grandissantes, ne jouent sur la peur et l’impuissance politique pour convaincre les peuples que leur survie serait au prix du repliement, de l’exclusion et de l’abandon.

René POUJOL

Ancien Directeur de la Rédaction du Pèlerin

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