En Syrie, les réfugiés du camp de Yarmouk isolés par les combats

De la nourriture, de l’eau, des médicaments, des couvertures : les humanitaires parent au plus urgent pour soutenir les civils qui ont réussi à fuir, de nuit, le camp palestinien de Yarmouk, pour lequel le Conseil de sécurité de l’ONU a réclamé, lundi 6 avril, un accès aux agences d’aide.

Soumise depuis près de deux ans au siège impitoyable imposé par le régime syrien, cette enclave, située à huit kilomètres au sud de Damas, voit ses souffrances décuplées depuis qu’elle est le théâtre de violents combats. L’assaut lancé le 1er avril par les djihadistes de l’Etat islamique (EI) leur a permis de s’emparer de la majorité de Yarmouk. Des combattants palestiniens affiliés, entre autres, au groupe Aknaf Beit Al-Maqdess, proche du mouvement islamiste palestinien Hamas, tentent de résister.

L’avancée de l’EI nourrit la colère et la peur parmi les habitants. Sur les quelque 18 000 civils encore présents dans le camp avant que l’EI ne donne l’assaut, ils ne sont qu’une poignée à avoir pu quitter cet enfer au cours des derniers jours. Ces rescapés sont entre 180 et 500, selon les estimations de militants palestiniens, démentant le chiffre de 2 000 déplacés communiqué par l’agence de presse officielle syrienne.

Ils ont trouvé refuge dans des zones avoisinantes, comme celle de Yalda. « Nous avons pu y distribuer de la nourriture depuis lundi, en traversant le point de passage de Beit Sahem, explique Wesam Sabaaneh, de la fondation Jafra, qui tente d’alléger les souffrances des Palestiniens de Yarmouk. Mais il faut plus d’aide, médicale notamment. »

« Eviter un massacre des innocents »

Des volontaires du Croissant-Rouge arabe syrien sont à pied d’œuvre pour secourir les déplacés dans les régions adjacentes de Babila, Beit Sahem et Yalda. Selon l’organisation, les besoins en eau potable sont drastiques.

Autre acteur mobilisé, l’agence des Nations unies chargée des réfugiés palestiniens au Proche-Orient (UNRWA). « Nous avons pu assister 94 personnes qui ont quitté Yarmouk, indique Chris Gunness, son porte-parole. Ils sont logés dans une école. Ce que je veux souligner, c’est que si on peut évacuer 94 personnes, alors on peut en évacuer bien plus. Nous sommes particulièrement inquiets pour les quelque 3 500 enfants [présents dans le camp]. Nous devons faire tout notre possible pour éviter un massacre des innocents, car les vies des enfants de Yarmouk sont sérieusement menacées. »

Le commissaire général de l’UNRWA, Pierre Krähenbühl, a lancé un appel virulent lundi 6 avril, en s’adressant au Conseil de sécurité de l’ONU, pour que des pressions soient exercées sur les combattants afin de permettre l’évacuation des civils. Mais, pour l’heure, les combats continuent de faire rage. « Il y a également des informations non confirmées de raids aériens sur Yarmouk », indique Chris Gunness. Selon des militants, l’armée syrienne a pilonné le camp à de multiples reprises depuis le 1er avril, larguant ses effroyables barils d’explosifs au-dessus des ruelles, lieu dévasté où les immeubles éventrés le disputent aux amas de ruines.

Mercredi, le ministre de la réconciliation nationale syrien, Ali Haïdar, a estimé qu’une « solution militaire s’impose ». « Ce n’est pas l’Etat qui l’a choisie, mais ceux qui sont entrés dans le camp », a-t-il dit en référence aux combattants de l’EI, après une rencontre avec le représentant de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Ahmad Majdalani, connu pour ses sympathies pro-régime. Depuis fin 2012, le camp est un champ de bataille entre les forces du régime de Bachar Al-Assad et les rebelles syriens, appuyés chacun par des groupes palestiniens.

« Plus aucun abri »

Pour les civils piégés dans le camp, aucune aide humanitaire ne parvient. Palestiniens, mais aussi Syriens, ils dépendaient pourtant entièrement des rares distributions et de ce qu’ils pouvaient arracher – des herbes, selon des témoignages – sur les terrains agricoles du camp, devenus inaccessibles.

« Les habitants n’ont aucun abri, ils peuvent au mieux se réfugier aux rez-de-chaussée pour tenter d’échapper aux obus et aux tirs. Ils sont terrés chez eux, rapporte Wesam Sabaaneh. Il n’y a pas d’eau potable à Yarmouk, aucun lieu pour se ravitailler. De nombreux civils ont faim, sont blessés, et personne ne peut les secourir. » Une fillette de 12 ans a été tuée mardi 7 avril dans le camp. Les combats ont fait au moins 38 morts depuis le 1er avril.

La situation humaine est d’autant plus dramatique que l’aide internationale parvenait déjà au compte-gouttes au cours des derniers mois. Son acheminement a toujours dépendu du bon vouloir des autorités syriennes, qui ont étranglé le camp depuis juin 2013, affirmant vouloir venir à bout des rebelles anti-Assad. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) n’a plus pu pénétrer à Yarmouk depuis octobre 2014.

Soumise aux mêmes contraintes, l’UNRWA n’a pu délivrer, en 2014, que moins du quart de la nourriture nécessaire, et ce n’est qu’en mars que l’agence a pu faire sa première distribution pour l’année 2015. Selon Wesam Sabaaneh, « près de 170 personnes sont mortes de faim » depuis deux ans. A cette damnation s’ajoute aujourd’hui la terreur suscitée par l’Etat islamique. Des habitants de Yarmouk ayant pris la fuite ont affirmé à l’AFP avoir vu des « têtes décapitées » dans les ruelles du camp.


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