"Laïcité à géométrie variable" par Jean-Claude Brunetti

Chronique sur Radio Chrétienne en France du 15 mars 2015

"Que vaut-il mieux? Protéger la jeunesse de la violence des jeux vidéo et de la pornographie en ligne? Ou la mettre à l’abri de toute influence religieuse?" ironise dans son éditorial du 12 mars, Guillaume Goubert, directeur de la Croix. La question est provocatrice, poursuit-il, "mais il y a de quoi éprouver une certaine irritation devant des initiatives parlementaires comme la proposition de loi des radicaux de gauche visant à étendre l’obligation de neutralité à certaines personnes ou structures privées accueillant des mineurs et à assurer le respect du principe de laïcité."

Concrètement, l’adoption de ce texte signifierait que des crèches, les écoles sous contrat ou des organisations de jeunesse comme le scoutisme, devraient se soumettre à une obligation de neutralité en matière religieuse pour bénéficier d’une aide financière publique.

Le débat sur ce texte devait avoir lieu le 12 mars. Pour éviter une aggravation des tensions à la veille du scrutin départemental, il a été reporté au mois de mai…il reviendra donc en discussion devant les députés. Il est évident que cette proposition de loi est d'abord destinée à limiter l'impact des coutumes musulmanes (vêtement, nourriture…) dans la vie sociale. Une conséquence immédiate, prévisible, de l'adoption d'un tel texte serait la multiplication des crèches privées confessionnelles musulmanes, c'est-à-dire un renforcement du communautarisme, ce qui n'est certainement pas l'idéal si on veut favoriser une plus grande cohésion sociale.

Mais, au-delà des musulmans, comme le note Mgr Georges Pontier, président de la Conférence des évêques de France, c'est contre toutes les religions que la loi déclarerait sa méfiance, les conduisant à disparaître progressivement de tout lieu de vie sociale.

Telle n'est pas notre conception de la laïcité s'insurge Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité, qui parle de dévoiement des principes républicains. Il juge cette proposition de loi inopportune et inquiétante dans le climat actuel : les membres des différentes religions sont las et inquiets des déclarations laïcardes (antireligieuses) qui se conjuguent, sans complexe, avec des attitudes révélatrices d'une laïcité à géométrie variable : Regardez par exemple, du côté des dîners du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) tout le gotha politico-culturel, les rigides défenseurs de la laïcité s'y pressent et jouent des coudes pour être sur la photo afin de proclamer leur solidarité avec Israël. Pas de problème ! Dans un autre domaine, on peut s'interroger sur la protection accordée aux mosquées dans le cadre de l'opération Vigipirate. Il y a certainement des risques de dégradation commis par des agités, mais ces lieux de culte sont-ils sous le coup d'une menace terroriste ? Les éventuelles dégradations qu'elles pourraient subir ne sont-elles pas plutôt le signe d'une difficulté à vivre cette fameuse cohésion sociale que la laïcité devrait favoriser ? Traiter cette difficulté avec les moyens de la lutte antiterroriste n'est-ce pas reconnaître et amplifier une défaite de la démocratie ?

Je tiens à la démocratie et je ne pense pas être le seul, mais nous n'avons finalement pas beaucoup de moyens pour exprimer notre opinion en dehors des moments où nous sommes invités à voter. Il est d'autant plus important de le faire, mais nous pouvons aussi faire savoir à notre député (que nous ayons voté pour lui ou non) les questions que nous nous posons… si possible avant le mois de mai !

Jean-Claude Brunetti

Prêtre du Diocèse de Savoie

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