TÉMOIGNAGE : Prêtres, nous sommes « en ambassade pour le Christ » de Stan Rougier

La fin du mois de juin est traditionnellement celui des ordinations presbytérales. À cette occasion, Stan Rougier apporte son témoignage sur la vocation de prêtre.

En ce temps où de nombreux jeunes à travers le monde se présentent pour être ordonnés prêtres, je songe à une phrase de Saint Exupéry : « À la tête de ma cité, j’installerai des poètes et des prêtres, ils feront s’épanouir le cœur des hommes. »

Lorsque je pense aux prêtres qui m’ont révélé Jésus Christ, je reconnais que leurs qualités humaines ont joué un rôle dans la bonne réception du Message. L’affection souriante de Victor Bogros, l’humour et l’ouverture de Philippe Maillard, l’intelligence et la culture du père Bro m’ont séduit. Mais, par bonheur, aucun d’eux ne m’a retenu à lui. Leur amitié, bien que fidèle, ne m’a pas détourné de l’Essentiel. Ils n’étaient pas pour autant comme des carreaux de fenêtre, totalement transparents. C’est justement leur originalité qui m’a touché. J’admirais en eux la trace de Dieu comme on admire sur une toile l’art du peintre.

Un dessin de Claire Brétécher montre Pierre d’Alcantara debout sur un tas de fumier, expliquant à Thérèse d’Avila : « Je cherche à convaincre mon Créateur que je ne suis qu’une m… » Il y eut une spiritualité de massacre. Certains croyaient qu’en dévaluant l’être humain, Dieu serait d’autant plus honoré !… C’était une injure à Dieu ! « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant ! » (Saint Irénée).

Ayant croisé dans ma jeunesse des prêtres dont les propos abstraits, inodores et sans saveur rejaillissaient sur l’Évangile pour en faire une « mauvaise nouvelle », je me promettais, durant mes huit années de formation, de mettre tout en œuvre pour être un grand vivant. Si je recevais quelque applaudissement pour un plongeon de douze mètres, un saut en concours hippique, une chanson à la guitare, je n’en éprouvais ni orgueil, ni culpabilité. Les jeunes m’écoutaient mieux que si j’avais marché le nez dans mes chaussures. Contrairement à ce que pensait Nietzsche, l’Église n’avait pas fait le vœu de recruter son personnel parmi ceux qui n’avaient pas des têtes de ressuscités. Mais mon seul véritable bonheur n’était pas dans un succès mondain.

Le célibat, qui intriguait tant mes contemporains, ressemblait, à mes yeux, à l’écharde de saint Paul. Je le ressentais comme un prix à payer pour que la magnificence de notre mission ne nous enorgueillisse pas. Ce prix fut pour certains séminaristes la rupture d’avec un grand amour humain… Durant dix siècles, tandis que la femme n’avait de place qu’à la cuisine, à l’alcôve et à la nursery, ce sacrifice n’était pas encore exigé. Aujourd’hui, les poètes et les mystiques ayant considérablement anobli le rôle de la femme, la facture est peut-être devenue dissuasive pour plus d’un candidat. L’ordination diaconale proposée à des hommes mariés montre que l’Église n’est pas aussi figée que certains voudraient bien le faire croire !…

Qui peut imaginer la grandeur du sacerdoce ? Nous sommes « en ambassade pour le Christ » (2 Co 5, 20) ! Nous sommes missionnés pour faire pressentir le cadeau incommensurable d’une Révélation au-delà de nos rêves les plus fous. Lorsque je voyais le visage d’un jeune de seize ans pleurer pendant mon commentaire d’Évangile et qu’à mon étonnement, il répondait : « C’est trop beau ! », n’y avait-il pas lieu d’être aux anges ? !

Je me revois, au cours de ma deuxième année de séminaire, tombant à genoux, dans un état d’exultation, après avoir passé une heure à préparer un jeune de mon âge au baptême. Je me disais : « Je ne serai jamais digne de cet appel, c’est trop grand ! »

Si je devais faire découvrir la beauté de nos plus grands auteurs, ou, pour le dire plus simplement, si ma vocation avait été d’être professeur de lettres, ma joie déjà eût été débordante, car Apollinaire, Hugo, Claudel, Saint Exupéry et bien d’autres me font frissonner. Mais le Fils de Dieu !… Y a-t-il eu sur notre terre une apparition aussi éblouissante ? Y a-t-il eu un Visage autant imprégné de force et de douceur, de réalisme et de sagesse ? A-t-on proposé un Visage de Dieu plus passionné du destin de chaque être humain ?...

J’ai passé des milliers d’heures à me laisser imprégner par le Dieu d’Abraham, de Moïse et d’Ezéchiel. Le Cantique des cantiques me retourne comme une crêpe. Mais que dire de Jésus Christ !... Quelle grandeur exceptionnelle, miraculeuse a-t-il offert à la nature humaine en venant la partager !

Certains l’ont ramené à leur dimension : les guérilleros lui ont mis un fusil sur l’épaule, d’autres l’ont baigné dans l’eau de rose et ont changé « le sel de la terre » en sirop. Des Torquemada ont traîné Son image dans la boue. Couvert de sang, Il rayonne encore ! Planté au poteau de la plus grande humiliation, cloué comme une chouette à la porte d’une grange, Il crie : « L’amour aura le dernier mot ! » Qui oserait dire que, si depuis deux mille ans la cote de l’amour est en hausse à la Bourse des valeurs, Jésus n’y est pour rien ?...

Être le messager d’un tel Dieu, voilà bien la tâche la plus exaltante !...

Puissent davantage de jeunes chrétiens qui s’interrogent sur leur avenir entendre avec enthousiasme l’appel : « Viens, suis-moi ! »

Stan Rougier, Prêtre, écrivain, conférencier

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