PORTRAIT DE LA PRÉSIDENTE DE LA JOC, Rina Rajaonary
23 août 2015Photo de Damien Grenon
Faut-il l’appeler « Madame la présidente » ? Ce n’est pas le genre de la maison. Récemment élue - à une large majorité - à la tête de la Jeunesse ouvrière chrétienne (Joc), Rina Rajaonary, 26 ans, n’aime pas se prendre au sérieux. Le visage poupon, le regard rieur, elle reste pourtant consciente des responsabilités qui pèsent désormais sur ses épaules. Et même si elle fait partie de ces jeunes qui « rêvent d’un autre monde », cette militante toujours prête à s’indigner pour mieux agir et s’engager garde la tête sur les épaules. Née à Madagascar dans une famille modeste, arrivée en France il y a dix ans, cette jeune femme pétillante, au parcours atypique, ne se doutait pas qu’elle serait amenée un jour à présider un mouvement qui rassemble aujourd’hui près de 10000 jeunes, âgés de 15 à 30 ans, issus des milieux populaires.
Fraîchement débarquée de son île natale, en juin 2005. Rina s’installe à Coulaines, près du Mans, avec une partie de sa famille, pour accompagner sa sœur qui a besoin de soins médicaux intensifs impossibles à trouver à Madagascar. Déracinée, ayant traversé des moments difficiles, la jeune fille, qui se trouve dans la période délicate de l’adolescence, est un peu perdue. Mais avec son caractère enjoué et son français impeccable, d’emblée, elle crée des liens.
Catholique pratiquante, elle fréquente assidûment la paroisse de Coulaines. Le curé la repère et l’invite à participer à une fête de fin d’année de la Joc. « Cet accueil m’a étonnée, tout comme la capacité de ces jeunes à échanger sur des sujets graves, liés à l’actualité », raconte Rina.
Dès lors, la Joc, Un mouvement qu'elle ne connaît pas. va devenir son école de vie. Avec d’autres « copains » (un mot qui n’est pas choisi au hasard, tant il fait partie du vocabulaire de ce mouvement d’Action catholique), elle crée une équipe dont elle devient l’animatrice. Remarquée pour son sens des responsabilités, elle est nommée trésorière fédérale puis permanente régionale pour les sept fédérations des régions de Champagne-Ardenne et Picardie. « Ce que j’aime à la Joc, c’est que nous avons une forte capacité à rêver les yeux grands ouverts. Nous rêvons que chaque personne puisse vivre dignement, puisse être reconnue comme un travailleur et non comme un pion, puisse fonder une famille, imaginer son futur. »
Très engagée auprès des jeunes de son âge, Rina ne fait pas les choses à moitié. Révoltée par le sort réservé aux plus pauvres, soucieuse de lutter contre toutes les formes d’exclusion, la jeune femme a rejoint le mouvement ATD Quart-Monde, dont elle est devenue une « alliée » en septembre dernier.
Sa foi, dit elle, Iui donne « une force pour agir ».
«Avec la Joc, je suis passée d’une pratique habituelle à une foi qui engage et invite à l’action. Pour Jésus, chaque être humain compte, chaque petit a sa place. Et l’Évangile, que nous essayons de prendre au sérieux à la Joc, est un appel à la fraternité universelle et au vivre- ensemble. C’est la raison pour laquelle nous accueillons dans notre mouvement croyants ou incroyants, chrétiens ou musulmans, sans distinction de race, de culture ou de nationalité. Moi-même, je ne suis pas française », explique Rina, qui ne dispose que d’un simple titre de séjour, renouvelable chaque année. « Et pourtant, on m’a accueillie et on m’a fait confiance ! »
Maintenant qu‘elle est membre de l'équipe nationale de la Joc, Rina Rajaonary en est convaincue :
« Chacun peut apporter sa pierre pour rendre meilleur ce monde un peu fou. »
Elle aimerait devenir la « porte-voix des privés d’emploi, de tous ces copains qui Galérent parfois dix mois avant de trouver du boulot après leur diplôme ». Face au chômage, elle appelle les jeunes à se bouger et a être forces de proposition.
Plus largement, la nouvelle présidente voudrait que le mouvement continue de permettre à ses membres de vivre un cheminement qui les aide dans leur parcours professionnel et dans leur choix de vie. « J’ai foi en la Joc ! Cette organisation veut permettre à chaque citoyen de vivre dignement et d'être pleinement acteur de sa vie. Elle a toujours porté la parole de ces jeunes invisibles que la Jeunesse ouvrière société ne veut pas regarder et écouter. C’est aussi mon objectif aujourd'hui. »
LAURENT GRZYBOWSKI
La Vie n°3651 du 20 au 26 août 2015 pages 16 et 17
Passé
27 décembre 1988
Naissance à Antananarivo (Madagascar).
2005 Arrivée en France.
2007 Passe son Bac au Mans.
2012 Licence d'administration économique et sociale
2013 Service civique (Jardins de Cocagne)
Présent
10 mai 2015 Élue présidente de ta Jeunesse ouvrière chrétienne (Joc).
Futur
Septembre 2015
Lancement d'une enquête avec la Joc dans les quartiers sur le vivre-ensemble