Crise des migrants: l'Europe, face à une photo qui va la hanter, reste divisée

Débordée par l'afflux de migrants, la Hongrie a renvoyé jeudi l'Allemagne à ses responsabilités, illustrant les crispations croissantes dans l'UE, divisée entre solidarité et fermeté face à la crise migratoire désormais symbolisée par la photo du corps d'un petit Syrien sur une plage turque.

Cette photo d'Aylan Kurdi, 3 ans, gisant inanimé sur une plage de Bodrum, en Turquie, continuait jeudi de soulever émotion et colère

Le président turc Recep Tayyip Erdogan accusant les pays européens d'avoir transformé la Méditerranée en "un cimetière de migrants" alors que le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi, estimait que "L'Europe ne peut pas seulement s'émouvoir, elle doit aussi se bouger" face à des images aussi terribles. Cette photo montre "l'urgence d'agir" au niveau européen, a renchéri le Premier ministre français Manuel Valls.

Dans la matinée, des centaines de migrants ont pris d'assaut la principale gare de Budapest, qui venait d'être rouverte par la police, dans le chaos, avant qu'un haut-parleur annonce qu'aucun train international ne partirait.

Un train transportant plus de 200 migrants a néanmoins ensuite pris le départ vers l'Autriche, ont constaté des journalistes de l'AFP. Mais ses passagers ont été débarqués non loin d'un camp de réfugiés à Bicske, à une quarantaine de kilomètres plus loin, selon l'agence officielle MTI.

A Bruxelles, le Premier ministre hongrois Viktor Orban a fermement défendu la gestion de la crise par Budapest, qui a fait l'objet de nombreuses critiques, en particulier pour sa clôture érigée à sa frontière avec la Serbie.

"Je suis venu ici pour dire au président Schulz que la Hongrie a fait tout ce qui était possible pour assurer la régulation", comme elle se doit de le faire en tant qu'Etat membre se trouvant à une frontière de l'espace Schengen, a plaidé M. Orban après un entretien avec le président du Parlement européen, l'Allemand Martin Schulz.

Sur la défensive, M. Orban - pour qui l'afflux massif de migrants menace les "racine chrétiennes" de l'Europe- a estimé qu'il ne s'agissait "pas d'un problème européen mais allemand", alors que le président du Parlement venait d'appeler à une réponse européenne face à la crise.

"Personne ne veut rester en Hongrie, en Slovaquie, en Estonie, en Pologne. Tous veulent aller en Allemagne. Notre job est juste de les enregistrer et nous les enregistrerons", a-t-il dit.

- Appel à la solidarité -

L'Autriche avait déjà adressé la veille des critiques à Berlin, qui a décidé de cesser de renvoyer les demandeurs d'asile syriens vers le pays d'entrée dans l'UE.

Lors d'un discours devant les ambassadeurs de l'UE, le président du Conseil européen Donald Tusk s'est inquiété de "la division entre l'Est et l'Ouest de l'Union européenne".

"Certains Etats membres ne pensent qu'à endiguer la vague de migrants, ce qui est symbolisé par la clôture controversée en Hongrie, tandis que d'autres veulent plus de solidarité en défendant (...) ce qu'on appelle les quotas obligatoires" de répartition de réfugiés entre les 28 pays de l'Union, a-t-il analysé.

M. Tusk a appelé les pays européens à "redoubler leurs efforts de solidarité" avec les pays en première ligne dans la crise migratoire en se répartissant l'accueil d'"au moins 100.000 réfugiés".

Pour négocier une sortie de crise, la Commission européenne plaide pour une modification des accords de Dublin, qui règlent en principe la prise en charge des réfugiés dans l'UE, au risque de relancer les divisions récurrentes entre les 28 sur ce chantier, à l'approche d'une réunion européenne le 14 septembre.

La question doit être abordée jeudi et vendredi par le numéro deux de l'exécutif européen Frans Timmermans et le commissaire chargé des migrations Dimitris Avramopoulos, en visite en Grèce.

L'Allemagne, la France et l'Italie ont à cet égard réclamé, dans une lettre de leurs chefs de la diplomatie, une refonte du droit d'asile en Europe, qu'ils jugent dépassé, et une meilleure répartition des migrants dans toute l'UE.

Cette lettre, dont l'AFP a obtenu une copie, est adressée à la chef de la diplomatie de l'Union européenne, Federica Mogherini, afin qu'elle soit discutée à Luxembourg vendredi et samedi lors d'une réunion informelle des ministres des Affaires étrangères de l'UE.

Elle est accompagnée d'un document dressant la liste de propositions en vue de trouver une issue à une crise qui place l'Europe face à un "test historique", selon une source diplomatique.

Plus de 230.000 migrants ont rallié la Grèce par la mer depuis le début de l'année, contre environ 17.500 pour la même période en 2014, a ainsi indiqué jeudi le ministre adjoint grec à la Marine marchande, Nikos Zoïs. "Plus de 80%" de ces arrivants, comptabilisés par les garde-côtes du pays "sont des réfugiés", a-t-il précisé.

Cédric SIMON avec Peter MURPHY à Budapest pour l’AFP

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