Mercredi 23 septembre Grande Fête Juive de Yom Kippour

Yom Kippour, le Grand Pardon, est le jour le plus saint et le plus solennel du calendrier hébraïque. Il survient dix jours après Rosh Hashanah, le début de l’année juive. Marquée par la prière et le repentir, c’est la fête la plus importante du judaïsme.

En cette année 5776, Yom Kippour commence mardi 22 septembre 2015, à 19h32. Les fidèles sont invités à réparer les fautes commises envers Dieu et envers leurs prochains.
Les offices de Kippour sont au nombre de cinq et un jeûne de 25 heures est observé par les pratiquants. Après avoir invoqué le pardon du Juge souverain, les "portes de la miséricorde" se referment à la tombée du jour (
20h11).

Voici le Message du Grand Rabbin de France Gilles Bernheim en 2012 à l’approche de Yom Kippour.

« Le langage courant identifie aisément la catégorie de l’excusable et celle du pardonnable. Nous employons indifféremment les formules « je vous demande pardon » et « je vous présente mes excuses ». Nous pardonnons d’autant plus volontiers une faute que nous lui trouvons des excuses, des circonstances atténuantes. Le pardon s’identifie à un processus de compréhension, de bienveillance systématique visant à diminuer ou à supprimer la responsabilité du fautif.

Dans le judaïsme, D-ieu se révèle comme le « D-ieu des pardons, plein de pitié et de tendresse, lent à la colère et riche en bonté » (Néhémie, 9, 17), toujours prêt à absoudre son peuple pécheur. Le pardon est total, gratuit, quelle que soit la faute. Ce pardon de D-ieu (en hébreu sélihah) est demandé dans la liturgie juive par les sélihot, prières matinales prononcées pendant les jours qui précèdent Roch Hachana et Yom Kippour. Kippour vient de Kapar qui signifie couvrir et non effacer comme on le dit parfois, ce qui signifie que D-ieu ne supprime pas la faute mais s’en détourne, qu’il écarte sa colère. Un autre terme désigne le pardon, Techouva, dont la racine signifie le retour ou la réponse, et qui peut s’adresser à D-ieu ou aux hommes quand il y a repentir, demande de pardon. Le mot signifie, littéralement, le fait de « s’engager en retour ». Retour à D-ieu, retour sur soi-même. « Faire techouva » ce n’est pas seulement se repentir, c’est se réorienter dans sa relation au monde, à autrui, à D-ieu. La tradition talmudique rapporte que la techouva a été créée avant le monde. Antérieure au péché, elle garantit à l’homme la possibilité de modifier le cours de sa vie, de vaincre le déterminisme lié à l’irréversibilité du temps, parce que l’existence du pardon conditionne l’existence de l’humanité.

L’homme ne doit pas seulement obtenir le pardon de D-ieu pour ses fautes envers Lui (idolâtrie, désespoir, transgression des rituels, etc.), ce qui est relativement « facile » le Jour de Kippour dès lors que sont présentes les dispositions à la pénitence et la volonté de s’améliorer. L’homme doit aussi s’efforcer d’obtenir le pardon de son prochain pour les fautes commises envers lui. Dans le Talmud, il est affirmé : « Les fautes de l’homme envers D-ieu sont pardonnées à Yom Kippour ; les fautes de l’homme envers autrui ne lui sont pas pardonnées ce jour là, à moins que, au préalable, il n’ait apaisé autrui ».

Bien entendu, les fautes à l’égard du prochain sont, par le fait même, des offenses à D-ieu. Ce que cette Michna nous apprend, c’est que D-ieu peut pardonner « pour son compte », mais pas tant qu’il y a un offensé qui n’a pas été apaisé. L’offensé qui ne pourrait pas « s’apaiser » dispose du pouvoir de délimiter une zone de l’impardonnable. A-t-il le droit de ne pas pardonner ? Le pardon étant par essence facultatif, l’offensé a toujours la possibilité de le refuser bien qu’il soit invité à pardonner comme D-ieu lui-même pardonne. La halakha prévoit cependant que si quelqu’un a fait, à plusieurs reprises, les efforts qu’il faut pour réparer quand c’est possible le tort qu’il a causé et pour apaiser celui qu’il a lésé, et que celui-ci s’obstine de manière disproportionnée à lui refuser son pardon, alors D-ieu pardonne à sa place.

L’hébreu dispose pour exprimer le pardon du terme Mahal dérivé de Halah qui signifie être faible, malade, fatigué, blessé, d’où le sens d’exciter la compassion. Le pardon tient compte de notre faiblesse.

Mais kapar rappelle que la faute est couverte plutôt qu’effacée. Pardonner n’est pas occulter la faute, c’est renoncer à la faire payer, ne plus en tenir compte. Le passé demeure irréversible, à jamais inscrit et le pardon ne vise pas à l’abolir. Mais le passé n’obstrue pas l’avenir parce que l’on ne continue pas à le faire payer.

Alors se rompt le cycle de la vengeance, l’offenseur peut se libérer de l’esclavage de la rancune et le fautif, de l’enfermement du remords.

Nous savons maintenant un peu mieux ce que pardonner veut dire. Le pardon n’est pas l’oubli, résultat de l’usure du temps. Il n’est pas non plus effacement de la dette, mais décision de la « couvrir », c’est à dire d’engager un travail par lequel l’offensé recherche aussi la guérison de l’offenseur autant que la sienne. Ensuite le pardon est sans justification rationnelle ou juridique. Il est sans cause, gratuit, et, selon l’étymologie possible de pardon (perdonare), il « donne » (donare), « complétement » (per), même quand la dette est infinie. En ce sens, il garde la trace de son origine surnaturelle.

Pardonner n’est pas naturel à l’homme et c’est pourquoi, à côté des abîmes d’inhumanité où il est toujours capable de sombrer, cette faculté témoigne des sommets d’humanité qu’il est aussi en mesure d’atteindre. »

Gilles Bernheim, Grand Rabbin de France jusqu’au 11 avril 2013

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