A l’institut du Monde arabe, le témoignage bouleversant de Robi et Bushra

C’est de la tragédie que chacune d’elles a vécue – la mort de leur fils - et de leur réconciliation, que deux mères, l’une israélienne, l’autre palestinienne, sont venues témoigner le mercredi 14 mars à l’Institut du Monde Arabe à Paris. Accueillies par le président de l’IMA, Jack Lang, et par MM. Héraclès et Koskas, respectivement président et directeur de collection des Editions du Cherche midi, Robi et Bushra étaient accompagnées d’Anne Guion, journaliste à La Vie, qui vient de leur consacrer un livre magnifique intitulé « Nos larmes ont la même couleur ». Deux heures durant, sous la conduite de Jean-Claude Petit et d’Anne Guion, elles ont retenu l’attention et suscité l’émotion des cent cinquante personnes présentes à l’IMA, toujours soucieuses de situer leurs propos dans le contexte du conflit israélo-palestinien dont elles sont victimes. Cette matinée de plaidoyer pour une paix fondée sur la vérité, la justice et la réconciliation, avait été organisée par Chrétiens de la Méditerranée, en partenariat avec une dizaine d’associations amies actrices de paix. On lira ci-dessous l’article d’Olivier Nouaillas, journaliste à La Vie.

Elles sont bien là, en face de nous : l’ Israélienne Robi Damelin et la Palestinienne Bushra Awad. Deux femmes, vêtues de noir et de gris, deux mères qui ont chacune perdu leur enfant – David 28 ans, tué en 2002 par un sniper palestinien, et Mahmoud 17 ans, tué en 2008 par des soldats israéliens – . Elles parlent avec leur mots de « cette douleur qui vous réveille » (Robi) ou encore de « cette lumière qui s’est éteinte » (Bushra).

TOUT – leur peine, leur deuil mais aussi cet interminable et désespérant conflit israélo-palestinien – pourrait amener ces deux femmes à se haïr, à crier vengeance. Eh bien non. Présentes lors d’une conférence exceptionnelle à l’Institut du Monde Arabe, en plein cœur du Paris historique, elles se regardent avec dignité et tendresse, se passent respectueusement la parole et s’étreignent à la fin de la conférence. Elles ont appris à se connaître dans le Cercle des parents-Forum des familles, une association qui rassemble des familles israéliennes et palestiniennes endeuillées par le conflit. Et qui veulent briser le cercle de la haine et oeuvrer « à un travail de vérité et de réconciliation », un peu comme en Afrique du Sud, lors de l’abolition de l’apartheid.

La conférence, organisée le 14 octobre par l’Institut du Monde Arabe à l’occasion de la sortie du livre « Nos larmes ont la même couleur » – un poignant récit d’ Anne Guion, journaliste à La Vie, autour du double témoignage de Robi Damelin et Bushra Awad (Editions du Cherche midi) -, est de celle dont on se souviendra longtemps. Alors que, cette semaine, un déchaînement de violence ravage de nouveau Israël et les Territoires palestiniens, deux femmes, issues de deux camps qu’on nous présente comme irréductiblement ennemis, ont su trouver les mots « pour faire ressurgir la part d’humanité qui est en chacun de nous », selon les mots de Robi. Car, affirme-t-elle en regardant l’assistance droit dans les yeux : « pardonner c’est abandonner son droit justifié à la vengeance. Et aujourd’hui, il ne faut être ni pro israélien, ni pro palestinien, mais rechercher l’humanité dans le regard de l’autre. »

Ce témoignage fort, ces deux femmes l’ont répété devant tous les publics qu’elles ont rencontrés durant leur court séjour en France : avec les amis de La Vie et Chrétiens de la Méditerranée à Versailles, à l’église Saint Merri à Paris et … à l’Elysée où elles ont été reçues une heure par le Président de la République en personne. Qui, dans un communiqué de presse, a tenu à exprimer son « respect pour le message de courage et d’espoir de Robi Damelin et Bushra Awad ».

Certes l’émotion, réelle, et l’appel aux bons sentiments ne suffiront pas. Que peuvent ces deux voix, certes indispensables mais minoritaires, face au rouleau compresseur de la colonisation et au déchaînement de la violence aveugle ? Face aux questions du public venu nombreux les écouter à l’Institut du monde arabe, ces deux femmes ont été amenées à préciser les conditions politiques nécessaires au redémarrage d’un processus de paix. Pour Robi, l’Israélienne, « il faut ainsi mettre fin à l’occupation des Territoires occupés. Car aucun pays ne peut occuper un autre sans perdre ses fondements moraux ». Fortes paroles que Bushra, la Palestinienne, moins habituée à parler en public, a reprises par ce qui semblait être une évidence aux lendemains des accords d’Oslo en 1992 : « il faut deux Etats : un israélien et un palestinien. Et qu’ils vivent en paix, l’un à côté de l’autre ». Plus de vingt ans ont passé. Et depuis, hélas, beaucoup trop de sang a coulé. Des larmes aussi. Dont deux femmes, hors du commun, ont réalisé qu’ « elles avaient la même couleur ».

Olivier Nouaillas.

Bushra AWAD, Robi DAMELIN, Témoignage recueillis par Anne Guion, Nos larmes ont la même couleur, Editions du Cherche midi

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