Homélie du dimanche 11 octobre 2015
09 oct. 2015Sagesse 7, 7-11 ; Psaume 89 ; Hébreux 4, 12-13 ; Marc 10, 17-30
Cette histoire de l’homme riche ne me rassure pas. A chaque fois je me dis : “Cet homme, globalement, c’est moi et chacun de vous sans doute”. Pas de meurtre, pas d’adultère, pas de vol, ni de faux témoignage, honorer père et mère, a priori c’est tout à fait nous. Et ce ne serait pas suffisant pour être chrétien ? Suivre Jésus, ce serait autre chose ? Les disciples aussi sont surpris. Voilà que Jésus vient de leur dire : “Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le Royaume de Dieu”. Alors qu’ils croient, eux, depuis toujours, que la richesse est signe de la bénédiction de Dieu ! “Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ?” demandait le jeune homme. Erreur. Il ne s’agit pas de faire pour avoir, mais de faire pour être. L’Evangile, c’est à vivre, c’est à être avec les autres et avec Dieu.
Le mouvement ATD quart monde s’apprête à vivre sa journée internationale du 17 octobre. En lien avec ATD qui est non confessionnel, existe la communauté chrétienne du SAPPEL. Dans sa petite revue, j’ai trouvé une méditation du diacre Pierre Davienne sur l’évangile d’aujourd’hui : Le jeune homme riche veut aller plus loin. Réponse superbe, incisive, concrète en quatre verbes à l’impératif, quatre étapes pour devenir disciple : “Va ! Vends ce que tu as et donne-le aux pauvres… puis viens, suis-moi.”
- « Va » au loin, dans ta responsabilité et ta liberté. C’est ainsi que Dieu respecte l’humain.
- « Vends tout ce que tu as,” rends transportables tes biens. Tout ce que tu as appris, rends-le assimilable par les pauvres : la science, l’art, la technique… Pour ça, il va falloir réapprendre avec la vie des pauvres ce qui est nécessaire à ta propre vie. Ce qui ne peut leur servir, peut-être qu’en fait, cela t’encombre. La véritable richesse, c’est celle qui peut se partager.
- « Donne aux pauvres » : donne comme Dieu donne, c’est à dire sans humilier celui à qui tu donnes. Il y a une infinie discrétion dans la manière que Dieu a de nous donner de quoi vivre. Si nous voulons donner, nous devons connaître les pauvres. Sinon nous les encombrons d’objets ou de projets qui les mettent dans l’assistance et la dépendance. Donner, c’est donner avec la conscience que tout ce que nous avons vient de Dieu : c’est lui le donateur. La Torah (la loi) que le jeune homme riche a respectée depuis sa jeunesse lui a été donnée au désert en même temps que la manne et l’eau du rocher. Le don que nous ferons sera alors action de grâce qui montera vers Dieu. La seule manière de donner aux pauvres, c’est de leur permettre de devenir des personnes qui remercient Dieu. Sinon je m’interpose entre les pauvres et Dieu, je deviens idolâtre de moi-même.
- C’est pour ça que le Christ ajoute : « Viens et suis-moi ». C’est lui qui marche en tête. Nous ne sommes pas aux avant-postes ; c’est lui qui a réalisé la loi d’amour et l’a complètement habitée. La richesse enferme facilement dans de fausses sécurités alors que notre seule sécurité c’est le Christ. Les pauvres sont le critère de vérification de notre attachement à Dieu. Ils sont le lieu où je vais comprendre le projet d’amour de Dieu pour les hommes. Pas besoin de m’appauvrir héroïquement, ce serait encore un acte de riche. Cela viendra tout seul si je me laisse entraîner dans le type d’amour que Dieu déploie en Christ, par l’Esprit.
“Vends tout… donne-le aux pauvres… et suis-moi.” Celui qui veut plus, doit donner tout ! Des mains pleines doivent d’abord se vider pour recevoir. Tes richesses te rendent solitaire. Suis-moi, deviens solidaire. Reste capable de ne pas te laisser posséder par ce que tu possèdes. “Pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu.” Suivre Jésus n’est pas performance humaine, mais cadeau de Dieu. Tellement pas simple que Gandhi a pu dire : “Le christianisme est quelque chose de merveilleux mais il n’a jamais été essayé.”
Un vénérable ancien aimait à raconter : « Il était une fois un enfant qui voulait manger des noix. Or les noix se trouvaient dans un pot au goulot étroit. L’enfant dit : “Maman, je veux manger des noix.” Elle répond : “Prends-en une, petit.” L’enfant enfile le bras mais il remplit tant sa main qu’il ne peut plus la retirer du pot. Il dit : “Regarde ! Ma main ne sort plus.” Sa mère répond : “Lâche donc ce que tu tiens ! Prends seulement ce qu’il faut, et ta main sortira.” Le vénérable ajoutait : “Il n’y a pas que les enfants pour attraper trop de noix en même temps. Et beaucoup, tentés par les richesses, ne sont pas assez sages pour recouvrer leur main.” »
Robert Tireau, Prêtre du Diocèse de Rennes