Le Synode s'achève sur une victoire importante pour le pape François

Les évêques réunis en Synode à Rome depuis trois semaines sur les questions du mariage et de la famille ont voté à plus des deux tiers requis, tous les articles du document final qui, si le pape François le confirmait, pourrait ouvrir, au cas par cas, la communion pour les divorcés-remariés.

Ce vote marque une victoire importante du pape réformateur après le refus, l'an passé, lors de la première session du même synode, d'une partie des évêques, d'avancer vers cette ouverture. Les articles incriminés n'avaient alors obtenu qu'une majorité simple mais pas celle des deux tiers nécessaire.

L'article 85 du document voté ce samedi portait sur les conditions d'admission des divorcés remariés aux sacrements de l'Eglise, dont la confession et la communion, sous certaines conditions. Sur les 94 articles du document final c'est, sans surprise, celui qui a reçu le moins de suffrages - avec 178 votes pour et 80 votes contre - mais obtenant toutefois de justesse la majorité des deux tiers, fixée à 177 voix pour 265 votants.

Une série de «critères» pour évaluer l'histoire du couple

Sans être le sujet central de cette assemblée mondiale d'évêques - consacrée au thème du mariage et de la famille - la question des divorcés remariés en a en effet été le sujet le plus brûlant et le plus disputé. Tout comme celle des personnes homosexuelles même si elle n'apparait presque pas dans le document final, les évêques ayant jugé qu'il convenait d'y revenir plus tard.

Loin d'un feu vert pour la communion pour tous les divorcés remariés, c'est en fait la proposition des évêques allemands qui a fini par emporter cette adhésion majoritaire même si l'opposition à cette mesure a été très puissante pendant tout le synode. Et, le demeurera, en particulier de la part des épiscopats africains et polonais qui ont voté contre car ils estiment que cette mesure de clémence risquera d'affaiblir, à la longue, l'institution du mariage catholique.

Le groupe germanophone a en effet proposé de mettre au point une série de «critères» pour évaluer - sous la responsabilité de l'évêque local - l'histoire de chaque couple de divorcés remariés qui seraient réellement motivés pour accéder aux sacrements de l'Eglise. Sous la conduite de leur prêtre ils pourraient évaluer, préparer et décider au final de leur éventuelle admission à la confession et à la communion. Il s'agirait, à chaque fois, insiste-t-on à Rome, l'śuvre d'un «discernement» spécifique selon des critères détaillés dans le fameux paragraphe 85 (lire plus bas) qui est introduit par une longue citation de Jean-Paul II qui fut pourtant toujours frontalement opposé à cette ouverture.

« Le premier devoir de l'Église n'est pas celui de distribuer des condamnations ou des anathèmes mais il est celui de proclamer la miséricorde de Dieu »

Le pape François

Le synode a donc transmis officiellement au pape ce «document final» et il reste à François la charge de décider de la mise en śuvre de cette nouvelle pastorale de l'Eglise qui contient toutefois des germes potentiels de profondes divisions au sein des communautés catholiques. Ainsi, samedi soir, le mouvement catholique américain «Voice of the Family» a prévenu: «le pape doit mainteant affronter une crise de confiance dans l'Eglise à la suite du synode». Mais il ne fait pas de doute que François ira dans le sens de cette ouverture puisqu'il l'a souhaitée, dès le début de son pontificat, convoquant en fait ce synode, pour obtenir cette réforme.

Dans son discours de clôture (voir ci-dessous), François a d'ailleurs été d'une rare sévérité contre ceux qui se sont opposés à cette évolution: «Le premier devoir de l'Église n'est pas celui de distribuer des condamnations ou des anathèmes mais il est celui de proclamer la miséricorde de Dieu» a-t-il lancé.

Certes, a-t-il noté «nous avons vu pendant ce synode que ce qui semble normal pour un évêque d'un continent, peut se révéler étrange, presque comme un scandale, pour l'évêque d'un autre continent». Certains évêques se sont même «malheureusement exprimés parfois avec des méthodes pas du tout bienveillantes». Mais, a martelé François «une Eglise vivante n'utilise pas des formulaires préparés d'avance».

Il importe donc, a conclu François de «dépasser toute herméneutique de conspiration ou fermeture» pour retrouver «la beauté de la Nouveauté chrétienne, quelquefois recouverte par la rouille d'un langage archaïque ou simplement incompréhensible.» Et d'avancer vers «une Église des pauvres en esprit et des pécheurs en recherche du pardon et pas seulement des justes et des saints». Vers une Eglise qui «n'a pas peur de secouer les consciences anesthésiées ou de se salir les mains en discutant de la famille d'une façon animée et franche».

«C'est la fin d'une Eglise qui juge»

Loin, en tout cas, d'une Église qui veut «endoctriner en pierres mortes à lancer contre les autres» ou constituée de «coeurs fermés qui souvent se cachent jusque derrière les enseignements de l'Église ou derrière les bonnes intentions pour s'asseoir sur la cathèdre de Moïse et juger, quelquefois avec supériorité et superficialité, les cas difficiles et les familles blessées.»

Un état d'esprit très répandu dans les rangs du synode qu'un évêque belge, Mgr Van Looy, résumait, vendredi, à la tribune de la salle de presse du Vatican, d'une formule: «c'est la fin du jugement des personnes. C'est la fin d'une Eglise qui juge et le début d'une Eglise qui écoute, qui parle. Nous avons une Eglise de tendresse envers tous. Cela pourrait être le début d'une Eglise nouvelle.»

Le pape pourrait maintenant publier ses décisions dans une «lettre apostolique» ou une «exhortation post synodale» ou sous une autre forme au cours de «l'année jubilaire de la miséricorde» qu'il va ouvrir à Rome le 8 décembre 2015 pour pousser encore davantage l'Eglise à entrer dans ce qu'il a appelé dès son élection «la révolution de la tendresse».

Jean-Marie GUENOIS

Lien à la Source

La version française de son discours se trouve page 5 du document ci-dessous.

Discours de clôture du synode

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