Homélie du dimanche 22 novembre, fête du Christ roi de l'univers
19 nov. 2015Sainte Thérèse de Lisieux nous dit que la beauté et l’innocence d’un regard d’enfant suffit à chasser tous les démons.
Témoin, cette histoire émouvante. Cela se passe pendant la dernière guerre, en France, à la suite d’un attentat contre un train de l’armée allemande. En guise de représailles, les nazis brûlent tout un village, maison après maison. Il ne reste plus qu’une seule chaumière où vit une famille avec un enfant de trois, Pierre. Lorsque le capitaine SS entre dans la maison, armé jusqu’aux dents, Pierre pense que c’est un jeu. Il court vers l’homme armé et lui attrape le fusil comme un jouet. L’Allemand est bouleversé d’émotion. Il enlève son casque et prend l’enfant sur ses genoux. Il lui souffle à l’oreille : « Moi aussi je suis papa d’un petit comme toi, en Allemagne. C’est fou comme il te ressemble… ! » Ce jour-là, la dernière chaumière ne brûlera pas parce qu’un guerrier sanguinaire était redevenu un humain.
Voilà comment un regard d’enfant a réussi à désarmer un homme violent pour lui rendre son humanité.
En face de Pilate, le regard de Jésus est le même. Le gouverneur romain, qui a pouvoir de mort et de vie, pour un instant, s’émeut… On le sent soudainement redevenir humain, vrai. Il cherche la vérité… Car la vérité, ce n’est pas une doctrine, c’est Dieu qui nous aime et qui nous permet ainsi de voir clair en nous-mêmes et dans nos choix.
La vérité, c’est Jésus blessé de nos blessures, pour que l’on puisse s’identifier à lui, se reconnaître en lui, et aller tout droit vers Dieu.
Si Jésus nous était apparu en roi, à la manière des grands de ce monde, on se serait soumis à lui, par crainte, tandis qu’un homme blessé, on est poussé à l’aider et à l’aimer…
Le regard de Jésus fait naître Pilate à son humanité et donc, à ses responsabilités d’humain : comment condamner un innocent ?
Ce regard est tellement perçant qu’il en arrive presque à reconnaître le Christ-Roi : « Alors, tu es roi ? »
Que veut dire « naître à son humanité » ? La réponse se trouve dans la parabole du « Bon samaritain »… Un Samaritain qui s’émeut de voir cet homme à demi mort sur ce chemin entre Jérusalem et Jéricho. Il ne se demande pas qui il est, s’il est de son parti, et pourquoi il en est arrivé là… Son émotion le pousse à lui donner tous les soins possibles afin qu’il ne meure pas.
Jésus veut sauver Pilate, il veut l’arracher de sa prison, celle de son pouvoir, de son avoir, de sa réputation d’homme sanguinaire, lui rendre sa liberté.
Pilate est fort au dehors, il dépend du regard des autres, du pouvoir de la foule, des critiques de ses supérieurs. Alors, il a peur, il est faible, mou au-dedans.
Jésus est faible au dehors, mais fort au-dedans, il n’a pas peur de la foule ni de Pilate, il veut aller jusqu’au bout de l’amour, pour guérir en nous l’homme blessé, malade, mortel, affolé… Il est roi.
Malheureusement, Pilate se condamne lui-même par la suite en condamnant Jésus. Il refuse sa propre humanité. Il choisit l’animalité, la barbarie. Il cède sous la pression de la peur…
Le Christ-Roi nous donne la force intérieure pour aller jusqu’au bout de l’amour et de la vérité, même s’il faut, pour cela, subir les critiques, les condamnations et même la mort. Avec Saint Paul, nous pouvons dire : « Je peux tout en Celui qui me rend fort ! » N’ayons donc pas peur des terroristes de tout poil qui ne peuvent tuer notre âme et l’âme de tout un peuple, à condition que ce peuple soit relié à son Dieu ! Le moment est arrivé pour les chrétiens de dire leur espérance, de pointer le doigt sur ce qui, réellement, rend fort contre le mal.
Joël PRALONG, Prêtre et Supérieur du Séminaire du Diocèse de Sion (Suisse)