Lettre à la France de Quentin Couvreur, élève de terminale, après les attentats du 13 novembre

Très chère France, la violence n’aura pas raison de toi

Ma chère France, ce vendredi 13 novembre, tu as été sévèrement touchée. Mais les médecins sont formels. Même si la blessure du 7 janvier 2015 n’était pas encore complètement cicatrisée, son pronostic vital n’est pas engagé, bien au contraire. Tu survivras, comme tu as survécu à toutes les tentatives de meurtre qui se sont produites au cours de ton existence, déjà longue de près de deux millénaires.

Tu es dotée d’une exceptionnelle force de résilience et tu te dresses toujours fièrement, l’allure élégante, le port altier, la tenue impeccable, malgré les vicissitudes de la vie. Tes ennemis te décrivent comme une grand-mère ratatinée, aux valeurs et à la morale décadentes. Ils pensent pouvoir t’abattre avec leurs misérables AK-47, comme on déracine un arbre mort. Mais ils se trompent.

Ma chère France, tu t’es forgée un caractère unique, nourri de la Révolution qui t’a vu embrasser les idéaux que tu t’efforces désormais de transmettre à tes enfants. Fille de roi, tu as épousé Voltaire, Rousseau, Montesquieu et Diderot. Sous le pinceau du peintre Delacroix, tu es devenue la Liberté. On te désigne aussi comme étant la patrie des droits de l’Homme. C’est toi qui les as proclamés, haut et fort, le 26 août 1789. Ensuite, tu n’as eu de cesse de les défendre. Face au nazisme et à la collaboration, ton âme s’est cachée dans les maquis, dans les déserts, sur les mers, avant de regagner Paris, triomphante, le 25 août 1944. Bien sûr, tu possèdes comme chacun d’entre nous tes parts d’ombre, mais elles ne doivent pas nous empêcher d’éprouver un sentiment de fierté à ton égard.

S’amuser n’est pas un crime

Ma chère France, en ce funeste vendredi 13 novembre, tu as perdu 130 de tes enfants. Ces enfants, que tu as élevés et éduqués, qui t’ont sans doute aimée, mais aussi parfois remise en question, sont morts innocents. Dans le monde que tu défends, s’amuser n’est pas un crime. Aller à un concert entre amis n’est pas un délit. Boire un verre après le travail n’est pas puni d’emprisonnement. Ce monde, tu dois continuer à le revendiquer. Crier ta liberté, ton insoumission, ton refus de la violence et de l’obscurantisme.

Ma chère France, ta peine est immense. Ta douleur, nous la partageons tous. Prends le temps de te recueillir. Le temps d’enterrer tes morts, de rassurer les vivants. Mais, surtout, laisse-toi consoler par la solidarité dont ont fait preuve tous ces anonymes, biberonnés à la démocratie et à la liberté. Regarde les bougies aux fenêtres, les queues devant les hôpitaux pour donner du sang et les rassemblements spontanés. Lis les messages sur les réseaux sociaux et admire les initiatives lancées en faveur des victimes.

Ma chère France, lève aussi les yeux vers le monde entier. En de nombreux endroits, les peuples ont souhaité exprimer leur compassion. Laisse-toi bercer par le murmure des prières pour Paris, la ville qui symbolise le mieux ton art de vivre. Par les lumières bleu-blanc-rouge qui, de Sydney à Rio de Janeiro, ont embrasé la nuit et les ténèbres du fanatisme. Par la Marseillaise, chantée au Metropolitan Opera de New York, sur les parquets de NBA ou les terrains de football.

Ma chère France, malgré ces témoignages de fraternité, tu as pu te sentir seule ces derniers temps, sur le terrain, en Syrie et en Irak. Continue tes efforts pour persuader tes alliés de venir combattre à tes côtés. Écoute les discours des gouvernements occidentaux et moyen-orientaux, mais ne te laisse pas endormir, car certains n’ont aucunement l’intention de te soutenir au-delà des mots. Tu es en guerre, ton président l’a affirmé. Mène-la, car elle est nécessaire.

Ne mélange pas tout

Ma chère France, je sais que la colère monte en toi. Mais, je t’en supplie, ne la laisse pas te brouiller la vue et t’embrumer l’esprit. Il faut que tu saches raison garder. Ne tolère pas les discours de haine, ni les amalgames qui ne manqueront pas d’être faits. Condamne fermement le racisme car il est contraire à tes idéaux. Fais en sorte que tes responsables politiques sachent se comporter dignement et tenir leur langue. Dénonce les propos démagogiques et simplistes. Et, s’il te plaît, ne mélange pas tout : migrants, musulmans, terrorisme, guerre des civilisations…

Sois responsable, ma chère France. Continue à semer, dans la tête de tes nouveau-nés, les graines de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. C’est le plus beau don que tu puisses leur faire. Pour faire germer ces graines, l’école de ta République, avec ses valeurs, est leur plus grande chance.

Ma chère France, je voudrais te témoigner aujourd’hui tout mon respect, mon admiration et ma fierté face à la dignité avec laquelle tu as réagi à ces attentats. Je sais que tu ne céderas jamais à la terreur. Tu es trop fière, têtue et libre pour cela. Et je t’en remercie.

Quentin Couvreur est élève de terminale

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