Mgr. Georges PONTIER : « L’accueil des Migrants et des réfugiés est une nécessité évangélique »

Extrait du discours d’ouverture de Mgr. Georges PONTIER à l’Assemblée plénière des Evêques à Lourdes

… « L’accueil des Réfugiés et des migrants

Au cours de ces journées de Synode, souvent le visage du drame vécu par les familles frappées par des guerres atroces ou des conditions de vie sans avenir nous a été rappelé par les Patriarches des Eglises Orientales spécialement. Une fois encore, ils nous ont décrit le sort de nos frères chrétiens condamnés à l’exil, à une patience héroïque, à des replis dans des zones voisines plus sûres. Souvent les familles en sont éclatées, pour que l’un parte à la recherche de ressources pour tous. Leur sentiment profond est que ce qui leur arrive ne vient pas surtout d’eux-mêmes, mais bien de facteurs politiques qui les dépassent et dont l’Occident n’est pas exempt de responsabilités graves. Ils nous demandent de faire entendre la voix de leurs peuples auprès de nos gouvernants. À partir d’autres endroits du monde, le cri des hommes a également habité notre aula : de l’Ukraine toujours en guerre au Nigeria et au Nord Cameroun qui subissent les exactions de Boko Haram, du Centre Afrique au Burkina Faso, de tant d’autres pays encore. Et chaque fois les répercussions destructrices sur les vies de famille étaient mises en valeur.

Ici, en Europe, cette question des réfugiés et des migrants a pris depuis quelques mois une ampleur continentale. La question de la solidarité entre nos pays pour accueillir et accompagner ces frères et sœurs en humanité qui fuient leurs terres natales et viennent chercher chez nous aide et fraternité manifeste au grand jour nos peurs, nos égoïsmes, mais aussi nos générosités et nos prises de conscience. Au cours de notre assemblée, nous prendrons un temps de réflexion sur ce sujet. Nous avons invité le Cardinal Montenegro, Archevêque d’Agrigente, sur le territoire duquel se trouve l’île de Lampedusa. Il nous partagera ce qu’avec ses diocésains il a observé depuis des années et ce qu’ils font de façon exemplaire et persévérante. Mgr Jaeger et des membres du service national des Migrants nous parleront aussi de ce qui se passe à Calais. Au-delà des solutions politiques dont les décisions nous échappent, nous savons l’importance de l’opinion publique, du tissu associatif, de l’engagement de chacun à son niveau. C’est un problème profondément humain que certains malheureusement ne manquent pas d’instrumentaliser en flattant les peurs et les égoïsmes. C’est aussi une question évangélique. Ne rappelle-t-elle pas la parabole du bon samaritain ? Les deux premiers passants se sont posé la question de savoir ce qui allait leur arriver s’ils s’arrêtaient auprès de l’homme tombé aux mains des bandits. Le troisième s’est posé la question inverse : que va-t- il lui arriver si je ne m’arrête pas auprès de lui. Il m’apparaît que dans les débats de société, la même question morale s’exprime avec clarté. On se demande souvent : que va-t-il nous arriver, à nous et à notre pays si nous accueillons ceux qui même parfois, pour effrayer davantage, sont qualifiés de horde envahissante ? Tout homme et les chrétiens en particulier, à la suite de Celui qui a dit à la fin de la parabole : « Va et fais de même », sont invités à se poser la véritable question, celle qui s’impose à leur conscience : Que va-t-il leur arriver si nous ne les accueillons pas ? L’histoire de notre pays comme celle de beaucoup sur cette terre enseigne combien les nations se sont faites par des vagues successives de migrants qui ont apporté une fois accueillis la richesse de leurs capacités, de leurs formations, de leur énergie amplifiée par la joie d’avoir enfin trouvé une terre hospitalière qui devient un jour la leur et celle de leur descendance. Notre devoir d’éclairer les consciences en ce domaine est évident et urgent. Voici bientôt un an au parlement européen de Strasbourg le Pape François s’exprimait ainsi « Il est nécessaire d’affronter ensemble la question migratoire. On ne peut tolérer que la Mer Méditerranée devienne un grand cimetière ! Dans les barques qui arrivent quotidiennement sur les côtes européennes, il y a des hommes et des femmes qui ont besoin d’accueil et d’aide. L’absence d’un soutien réciproque au sein de l’Union Européenne risque d’encourager des solutions particularistes aux problèmes, qui ne tiennent pas compte de la dignité humaine des immigrés, favorisant le travail d’esclave et des tensions sociales continuelles. L’Europe sera en mesure de faire face aux problématiques liées à l’immigration si elle sait proposer avec clarté sa propre identité culturelle et mettre en acte des législations adéquates qui sachent en même temps protéger les droits des citoyens européens et garantir l’accueil des migrants ; si elle sait adopter des politiques justes, courageuses et concrètes qui aident leur pays d’origine dans le développement sociopolitique et dans la résolution des conflits internes –cause principale de ce phénomène- au lieu de politiques d’intérêt qui accroissent et alimentent ces conflits. Il est nécessaire d’agir sur les causes et non seulement sur les effets. » C’est une fois de plus à la responsabilité, à la solidarité que nous sommes appelés, à l’étude objective de ces phénomènes migratoires et à la perception que tous les pays d’Europe n’en sont pas touchés de façon identique, ce qui nécessite une organisation juste, respectueuse des projets des personnes et à la hauteur des défis de ce dramatique exode. »…

Monseigneur Georges PONTIER

Président de la Conférence des Evêques de France

A Lourdes, le 3 novembre 2015

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