Deuxième homélie du dimanche 27 décembre 2015
26 déc. 2015Pourquoi me cherchiez-vous ?
Noël est traditionnellement une fête de famille. Rares sont les familles dont tous les membres sont totalement d’accord sur la manière de se comporter dans la vie ou sur les choix politiques ou religieux. Mais on fait l’effort de se retrouver autour du sapin ou de la crèche.
C’est vrai, les familles ne sont jamais telles que nous les voudrions et il est parfois difficile d’accepter l'autre tel qu'il est, tel qu'il est devenu ou qu’il veut devenir ? De bonne foi, parce qu’on l’aime ’’pour son bien’’, nous le voudrions davantage conforme à nos attentes ? Pourtant, nous savons bien que l’amour vrai renonce à tout pouvoir sur l’autre, et que l’amour sincère est inconditionnel. On n’aime pas vraiment si c’est ‘’à condition que…’’ ou ‘’sauf si…’’ ou ‘’ à moins que…’’
Les parents ont rarement les enfants dont ils rêvaient... et les enfants n'ont jamais les parents qu'ils souhaitent. On choisit ses amis mais pas ses enfants, ni ses parents, ni ses frères et sœurs ! Ils sont donnés avec la vie. Faire ce constat sereinement est signe de sagesse.
En conséquence, la famille est fondamentalement un lieu où on s’adopte les uns les autres ! Les parents doivent adopter leurs enfants, pourtant nés de leur chair, car ils ont leur vie propre et aspirent légitimement à être singuliers, indépendants et autonomes. Un enfant, fils ou fille, doit un jour adopter ses parents car, au départ, il ne les a pas choisis. On peut même aller plus loin et dire qu’on est vraiment devenus adultes lorsqu’on peut se dire sincèrement que, si on en avait eu la possibilité, c’est eux qu’on aurait choisis comme parents, en toute connaissance de cause
En ce sens, la famille de Jésus est très proche des nôtres et peut nous servir de modèle car l'amour d'adoption y est réussi. Joseph et Marie perdent leurs rêves sur Jésus quand ils le perdent au Temple. Ils perdent leur ‘’petit Jésus’’ et trouvent le Fils de Dieu
C’est difficile de donner simplement la main à son enfant sans que ce soit une main - mise sur lui ! Marie et Joseph, humblement et dans la foi, sans comprendre, vivent le deuil d'une certaine manière d'être parents.
‘’Nous avons souffert en te cherchant, ton père et moi.’’ ‘’Comment se fait-il que vous m'ayez cherché ? Ne le saviez-vous pas ? C'est chez mon Père que je dois être.’’ Dans le Temple, maison de Dieu, Joseph est remis à sa place de père adoptif par Jésus lui-même et Marie réentend que Jésus lui a été donné par la puissance du Très Haut. Trois jours d’inquiétude ont été nécessaires pour renoncer à une image de Jésus avant de le retrouver tout autre.
Plus tard lors d'une autre fête de Pâque, Jésus sera aussi perdu dans la mort durant trois jours, avant d'être retrouvé ressuscité, retournant à son Père. Oui, le mystère de Pâques est au cœur de la fête de Noël et de la Sainte Famille car il n'y a pas d'amour sans perdre les images que nous nous faisons des autres, pour les accepter tels qu'ils sont. C'est une mort et une résurrection.
Nous rêvons d'un monde et d'une Église où l'on pourrait se choisir. Or Jésus nous demande de nous aimer différents. Devenus minoritaires, les chrétiens risquent de céder à la tentation du rester bien ensemble, au chaud, entre eux dans un repli identitaire. Rappelons-nous que l’orientation première du Synode diocésain invite : ‘’ tous les chrétiens, plutôt que de rester entre eux, à s’ouvrir le plus possible à toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté qui travaillent déjà à la croissance de l’homme’’ L'Esprit Saint, nous demande de vivre en frères et sœurs avec des traditions, des races et des couleurs différentes.
Un prêtre du diocèse racontait récemment à un ami : ‘’En voyage au Vietnam, dans une toute petite église, j’ai trouvé deux statues : une de Notre Dame de Lourdes et une de Sainte Thérèse… Une main malhabile avait repeint le visage de Thérèse et lui avait fait des yeux bridés. Ste Thérèse était devenue une Vietnamienne parmi les Vietnamiens. »
Nous connaissons tous les Vierges noires et les Enfants-Jésus crépus, des crèches africaines. Ils sont tous de notre famille. Cette étrangeté et ces différences nous les retrouvons dans nos familles humaines. Et c’est bien ainsi : l’arc-en-ciel est fait de couleurs différentes et contrastées qui se côtoient et s’allient pour nous donner la lumière.
Ce mystère de l'union dans la différence, nous allons le vivre maintenant dans l'Eucharistie, en famille convoquée par le Père, en son Fils Jésus, dans un même Esprit d'adoption, et Esprit qui nous fait dire Notre Père.
Dans la prière eucharistique pour la Réconciliation, que j’ai choisie pour cette célébration, en votre nom et au mien je ferai cette prière ‘’ Daigne Seigneur, rassembler un jour, les hommes de tout pays et de toute langue, de toute race et de toute culture, au banquet de ton Royaume ; alors nous pourrons célébrer l’unité enfin accomplie et la paix définitivement acquise, par Jésus le Christ, Notre Seigneur’’
C'est la Bonne Nouvelle de Noël ‘’Vous n'avez pas reçu un esprit d'esclaves pour retomber dans la crainte, vous avez reçu un esprit de fils adoptifs qui nous fait crier Père’’ C’est du saint Paul (Romains 8,15).
Roland Chesne, Prêtre à Vernonnet, Diocèse d’Evreux