Homélie du dimanche 3 janvier 2016 : « l’Epiphanie »
02 janv. 2016Une fois de plus, l’Évangile nous révèle, nous dévoile qui est Dieu à travers son envoyé Jésus. Pour savoir un peu mieux qui est Dieu, il suffit de toujours mieux connaître qui est Jésus : Qui me voit, voit le Père
Matthieu a organisé son récit en mettant en contraste révélateur deux lieux, deux personnes et deux attitudes.
Deux lieux :
Jérusalem d’abord, centre du pouvoir politique, judiciaire, religieux, financier. Résidence du roi, des théologiens, des prêtres : pouvoir spirituel. Jérusalem que les Juifs rêvaient de voir devenir la capitale du monde vers laquelle tous les peuples viendraient en foule faire leur soumission. Dieu dominerait le monde et Israël avec lui.
Bethléem : Bourgade inconnue, sans notables, sans pouvoir, sans prétention, sans renommée (même si la Bible parle d’elle à cause de David qui en serait issu). Bethléem est aussi peu connu à Jérusalem qu’Écos ou Pressagny l’Orgueilleux à Paris. Bethléem, la modeste...
Deux rois des Juifs
Hérode, assassin, cruel, corrompu, despote oriental
Jésus, un enfant, innocent, sans pouvoir, fragile, vulnérable, infans
Deux attitudes :
Le roi, sa cour, tout Jérusalem qui ne bougent pas parce qu’ils savent tout... Ils campent sur leurs positions, adossés au mur de leurs certitudes. Ils n’ont plus rien à attendre, à apprendre..
Les Mages, ceux qui bougent, les chercheurs de Dieu. Leur recherche les mène logiquement à Jérusalem capitale du royaume. Mais ils acceptent de changer de direction : ils croyaient savoir, mais ils acceptent de remettre en cause leur savoir... L’étoile, c’est Dieu qui leur fait signe dans leur démarche de Foi. La Foi n’est pas coutume, la Foi n’est pas habitudes ritualisées.
Et que vont apprendre les Mages ? Que Dieu est pauvre, faible, sans pouvoir sur les hommes... Il règne non par la force ou la terreur mais par l’Amour. C’est en contradiction absolue avec l’idée qu’on se faisait des dieux dans l’Antiquité et du Messie en Israël. Tout au long de l’évangile Jésus, donc Dieu, est différent du messie qu’on attendait, différent du Dieu que les hommes se fabriquent encore maintenant.
“ Nous attendions un surhomme... et c’est un enfant qui nous est donné.
Beaucoup de Juifs parmi les notables influents refusent ce Dieu-là.
Le conflit est latent, sous-jacent comme dans tout l’Évangile... Il est sanglant aussi : pour tuer Dieu aux premiers jours de sa vie terrestre, on massacre des Innocents. Les autorités religieuses poursuivront Jésus jusqu’au meurtre... Cela finira dans les injures, les humiliations, les coups, les crachats et le sang : la flagellation, la couronne d’épines, la croix et sur la croix, le panneau, dérisoire mais tellement vrai : Jésus de Nazareth, roi des Juifs...
Roi des Juifs ? Bien plus que cela : Jésus est le roi du monde car il est venu sauver le monde entier... Pas seulement les juifs. Pour preuve, ces mages venus de l’Orient, des étrangers, des païens qui adorent de faux dieux et qui se prosternent devant Jésus. L’Église au temps de Matthieu était persécutée, saignée à blanc. La tentation était grande pour elle de se barricader... par crainte des étrangers, des Juifs, des incroyants, des “autres” en général... Ils pensaient qu’en sauvegardant leur identité, ils se sauveraient.
Devenus minoritaires, nous les chrétiens de ce début de millénaire, nous sommes confrontés à la même tentation : resserrer les rangs, rester entre nous, entre bien-pensants, en oubliant que l’Église, envoyée en mission par le Christ, est faite d’abord pour ceux qui n’en sont pas
Dans ce récit de Mathieu, il nous est rappelé que Jésus (Dieu) accueille le monde entier...
Sans cesse nous avons à purifier notre regard : dans l’inconscient collectif, Dieu ressemble plus à Hérode qu’à Jésus... Rappelons-nous quelques strophes de la méditation de Stan Rougier, toujours d’actualité..
« Tu n'es pas celui que nous croyons
Seigneur, nous Te soupçonnons de manipuler les hommes
par la contrainte et la peur de l'enfer :
Tu ne les attires que par amour.
Nous Te soupçonnons d'avoir des complicités avec la mort des êtres chers :
Tu n'as de connivence qu'avec leur vie.
Nous Te disons mesquin et fouineur de conscience :
nos médiocrités ne mobilisent que Ta Tendresse.
Nous Te croyons ennemi de la joie :
Tu en es la source. (…)
Nous T'imaginons rancunier :
Tu pardonnes comme nous respirons. (…)
Nous prétendons que Tu es « quelque chose au-dessus de nous »
Tu es Quelqu'un au-dedans de nous.
Nous Te cherchons chez les justes :
Tu loges chez les pécheurs.
Nous Te cherchons, tenant dans la main la foudre et le fléau :
Tu joues une sardane, avec un « roseau froissé ».
Nous Te cherchons dans un cimetière :
Tu accompagnes sur le chemin deux voyageurs égarés.
Nous voulons Te cerner dans le filet des mots :
Tu Te poses sur le sourire des enfants.
Que Dieu soit béni pour ce qu’il est : le Dieu Tout Aimant. »
Roland Chesne, prêtre à Vernonnet (Diocèse d’Evreux)