Enlève ton masque, Dieu, je t’ai reconnu !
12 févr. 2016Homélie du curé de la paroisse à la messe des funérailles de la maman d’un ami – je devrais dire « d’un frère », car nous sommes amis depuis bientôt 40 ans, Jean-Marie - ce mardi 9 février 2016 à Lille !
« Hier, Mardi-Gras.
Les funérailles d’une très vieille dame de 101 ans.
Ses petits-enfants et arrière petits-enfants lui rendent longuement hommage en évoquant de nombreuses anecdotes de sa vie ordinaire.
Et dans l’église, on se met à parler de cette bonne-maman qui ne lésinait pas sur le beurre dans la purée du mercredi ; de sa porte toujours ouverte ; des promenades au zoo de Lille, en passant par l’épicerie pour acheter des cacahuètes que les enfants se partageaient avec les singes. Et des jeux en famille, et des rires, et des rencontres ici et là, jamais très loin. Et de la messe du dimanche, et de son attention aux pauvres. De son regard qui consolait. Et de sa main qui savait bien donner ce qui est essentiel.
Et de ces petites choses qu’elle avait partagées avant d’entrer en maison de repos : un dé à coudre à l’un, un jeu de cartes à l’autre, un cadre de famille à un troisième…
Mille autres souvenirs simples et joyeux égrenés devant le cercueil de cette vieille dame.
Une belle assemblée partagée entre sourires et larmes. En mémoire d’une bonne maman qui semblait tant aimée et tellement humaine.
Et puis ce chant – très doux – repris en chœur par les petits enfants, évoquant un village, une fontaine et une simple prière…
Les yeux fermés de l’assemblée. Les mains ouvertes pour recueillir la sève de la Vie.
Et puis, ces mots bouleversants qu’on trouve dans une lettre de Saint-Jean : « celui qui aime connaît Dieu. »
Que dire après cela ?
Faire un sermon, une homélie ?
Que dire à l’enterrement un jour de Mardi-gras ?
Je me suis surpris à imaginer la rencontre de cette vieille dame – elle s’appelle Madeleine – se présentant devant Dieu et lui disant : « Enlève ton masque, Seigneur ! Je t’ai reconnu. Cela fait 101 ans que je reconnais ton visage dans le regard des autres. Je suis heureuse de te voir en face à face… »
Il n’en fallait pas plus.
Alors on est entré dans la prière d’un grand merci…
Nous étions là, à quelques-uns, au point de naissance où commence l’humanité qui n’est pas de ce monde. »
Raphaël BUYSE
Prêtre du Diocèse de Lille