Reportage à Grande Synthe auprès des migrants

J’avais rendez-vous ce mardi 8 mars 2016 avec Gillette, membre de l’équipe de la Mission de France de Dunkerque, pour faire un reportage sur son engagement auprès des réfugiés. Troisième reportage après celui sur Ludres près de Nancy et sur St Fons près de Lyon, à la suite de la demande qui m'a été faite par Arnaud.

Gillette va tous les jours depuis dix ans rendre visite aux migrants qui se trouvent sur le territoire de sa commune à 40 km de Calais pour leur apporter un soutien matériel dans le cadre de l’association SALAM (Soutenons, aidons, luttons, agissons pour les migrants). Elle parait chez elle au milieu de ces migrants qui semblent l’avoir adoptée. 1200 réfugiés presque tous en famille, presque tous d’origine Kurdes Irakiens sont présents parfois depuis un mois après un voyage depuis l’Irak qui a pu durer cinq mois.

Ce mardi 8 mars je rencontrais ces Irakiens Kurdes ayant fui devant l’avancée de Daesh, certains villages étaient à 5 Km de leurs positions, la majorité avaient rejoints les camps de réfugiés en terre Kurde, quelques milliers avaient fui vers l’Europe. Que ferions-nous si Daesh était à cinq kilomètres de notre domicile ? Dans les localités contrôlées par Daesh, les garçons, dès l’âge de 12 ans, doivent rejoindre Daesh ou mourir.

Apres la destruction brutale par la police française de la zone sud du camp de Calais le 1er mars 2016, campement qui a regroupé jusqu'à 6000 candidats au départ vers l’Angleterre, les migrants se sont dispersés le long de la côte maritime jusqu'en Belgique et le camp de Grande Sainte, à mi-chemin, a grossis pour atteindre 3000 personnes.

Le jour de ma visite, ils étaient 1200 à Grande Synthe et transféraient leurs affaires de l’ancien campement sordide au nouveau campement rénové accompagnés de leurs familles.

Cette rénovation était dues à Médecin sans frontière et à la ville de Grande Sainte sans aucun appui de l’Etat avec un budget de 2,5 millions d’€.

Ceci représentait un grand progrès au regard de leur situation précédente ou ils survivaient sous de petites tentes plantées comme dans un marécage. Le nouveau camp était composé de cabanons en bois chauffés de 3 m sur 2 M 5 avec équipements collectifs.

L’ensemble des deux sites étaient paisibles, le contrôle policier débonnaire, chacun semblait avoir bon moral, les migrants étaient disponibles pour une photo à l’exception des Kurdes d’Iran qui craignent des représailles pour leur famille.

Médecins sans frontière faisait impression avec ses deux principaux responsables kurde et Afghan qui parlaient un excellent français et expliquaient la situation avec clarté.

Les associations qui paraissent infatigables assurent chaque jour l’alimentation du camp et reconstituent en temps réel les abris et renouvellent les effets personnels des migrants à chaque fois qu’elles sont détruites par les frappes périodiques de la police.

Les bénévoles, français et anglais sont nombreux, toute une foule s’organise ainsi depuis des mois pour apporter leur appui avec conviction, joie mais aussi colère contre les autorités qui délivrent de bonnes paroles tout en restant passives et même brutales contre les migrants, « jamais on ne pourrait imaginer qu’en Europe il existe de tels endroits» déclarait l’un des migrants. Ces bénévoles apportent un soutien matériel indispensable, comme ce musicien du groupe « artiste in action » dénommé Jef, rencontré au moment où il servait les repas. Il avait plaqué son travail aux Eaux et Forêts pour venir soutenir les migrants pendant six mois en profitant de son assurance chômage. « Je fais une expérience humaine forte ici que je ne regretterais pas" nous a-t-il confié

Le Maire écologiste de Grande Sainte, a écrit aux habitants à trois reprises pour expliquer la situation et a obtenu leur soutien, les maires qui agissent ainsi se plaignent généralement de leur isolement et de la passivité de l’Etat. J’ai constaté les mêmes plaintes lors d’une rencontre sur les Roms avec le Préfet de région d’ile de France ou les élus présents et actifs étaient en colère.

Pour moi une impression de confusion se dégageait concernant la politique publique suivie par la France :

La France s’est engagée à accueillir 30 000 réfugiés sur deux ans, or, à ce jour et selon le GISTI, 284 réfugiés ont pu bénéficier de cette assistance.

Lundi 7 mars, je participais au colloque organisé par la pastorale des migrants de Paris avec les Grandes villes d’Europe ou les intervenants témoignaient de la grande mobilisation européenne, avec les témoignages des diocèses de Turin et Florence, d’Autriche ou de Suisse et qui ont pu assurer l'accueil d'une grande foule de réfugiés. A Paris aussi la mobilisation fut forte et 45% des paroisses se sont engagées ainsi que le diocèse des Yvelines. Mais l’offre d’Ile de France est restée sans réponse, seuls les réfugiés du quota européen dits reconventionnel étant autorisés à profiter de cet accueil

Mardi 8 mars je rencontrais des migrants de Grande Synthe qui ignoraient tout du dispositif d’accueil Français et ne souhaitaient pas venir en France

Les appartements de Paris resteront vides mais les réfugiés Irakiens resteront sur le trottoir m’a expliqué la déléguée de Paris.

Olivier CHAZY

Equipe de communication de la Mission de France

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