Homélie du dimanche 24 avril 2016
21 avr. 2016![Homélie du dimanche 24 avril 2016](https://image.over-blog.com/FM7P91aK1qR4Bi97CeVl9fQZtSs=/fit-in/600x600/filters:no_upscale()/image%2F0933224%2F20160421%2Fob_d737ca_glorifie.jpg)
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 13,31-33a.34-35.
« Au cours du dernier repas que Jésus prenait avec ses disciples, quand Judas fut sorti du cénacle, Jésus déclara : « Maintenant le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui.
Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera ; et il le glorifiera bientôt.
Petits enfants, c’est pour peu de temps encore que je suis avec vous. Vous me chercherez, et, comme je l’ai dit aux Juifs : “Là où je vais, vous ne pouvez pas aller”, je vous le dis maintenant à vous aussi. »
Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.
À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. »
Homélie
Au cours de son dernier repas avec ses disciples, au moment même où Judas s’apprête à faire son œuvre de mort, Jésus, curieusement, se met à parler de gloire : “Maintenant le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui.” Étranges Paroles ! Au moment où l’étau de la haine et de la trahison se referme sur Jésus, il parle de gloire. Ce Jésus bientôt bousculé, giflé, battu, crucifié, ce serait … la gloire de Dieu ? Saint Jean qui a écrit ce passage serait-il illuminé ou sadique pour tenir de tels propos ?
Au temps de Jésus, et dans son pays, la gloire est bien le rayonnement de la puissance aux yeux de tous. Et au temps où Saint Jean a écrit son évangile, on a pu être témoin du triomphe d’un général romain qu’on accueillait dans l’euphorie lorsqu’il arrivait victorieux à la tête de son armée. Saint Jean savait donc bien ce qu’était la gloire sur un visage ou au milieu d’une foule. Et c’est bien consciemment qu’il écrit là une des phrases les plus bouleversantes qui ait jamais été prononcées : quand Dieu se montre, quand Dieu rayonne dans la foule, quand il se révèle aux yeux de tous, il peut le faire même sous les traits du juste persécuté ! Attention ! N’y voyons aucune attirance morbide vers la souffrance et la mort. On n’est pas en train de dire que c’est souhaitable ou qu’il faille passer par cette extrémité pour que la gloire de Dieu soit manifestée. Non ! Mais on dit que Jésus, à qui c’est arrivé, et qui est allé jusqu’au bout, malgré la peur et l’agonie, Jésus remporte la plus haute victoire, celle de l’amour et du don total. Humble, pauvre, discrète, fulgurante gloire humaine de Dieu !
Ainsi, au moment même où Jésus va entrer dans la nuit, le silence et la détresse, Saint Jean annonce le Fils de l’homme glorifié et Dieu glorifié. La gloire de Dieu se montre même au moment de l’apparente déchéance. Même quand l’homme a perdu jusqu’à son visage d’homme, même quand il est torturé et mis à mort, rien ne peut empêcher Dieu de lui reconnaître son propre visage. Un homme reste un homme jusqu’au bout, un homme reste un signe de Dieu jusqu’au bout.
“Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous …” (Test sur le mot le plus important de la phrase…. : Comme…) Souvent, on cite la phrase : “Aimez-vous les uns les autres”. C’est bien. Mais le début “comme je vous ai aimés” change complètement le sens. Car il nous interdit de penser amour au sens vague du terme. En effet, la manière dont Jésus a aimé n’était pas vague du tout. Toute une société en était remuée : il renversait les barrières entre les pécheurs et ceux qui se croyaient justes, entre les infirmes et ceux qui se croyaient bien-portants, entre les pauvres et les riches, entre les exclus et les notables.
Si j’écoute cette parole de Jésus (“Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous”), je me sais invité à aimer tel ou tel qui m’a trahi, tel ou tel que j’ai du mal à aimer. Je sais que j’ai à répondre par amour à toute violence. Cet amour-là ne se définit pas en termes gentillets ou vaguement religieux. Cet amour-là n’est pas sucré, mais sel, comme le dit Olivier Clément. Cet amour-là n’escamote même pas la violence, mais la change en combat de vie. Et si je vis ainsi, je signifie que je ne m’arrête pas à la mort contenue dans la violence et la haine. Si je suis capable d’aller jusqu’au pardon, je suis conscient que je donne à voir ma foi en la résurrection…
Cet Amour-là est la suprême énergie qui fait toutes choses nouvelles dans l’homme et dans la société : “A ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres.” dit Jésus. Non pas seulement parce que l’amour fait du bien, ou fait le bien, mais parce que l’amour est Dieu lui-même rendu présent. Ecoutez cette petite histoire que raconte Marion Muller Collard en parlant de ses enfants : Un jour, j’ai surpris une conversation entre mes fils. Le plus petit demandait à l’aîné : « Comment ça serait, si maman était morte ? » L’aîné a haussé les épaules : « On mangerait moins de gâteaux. » J’ai ri depuis mes fourneaux. Il y aurait moins de gâteaux, mais pas moins d’amour. La bonne nouvelle de l’Évangile est extrêmement assimilable par les enfants. Peut-être est-ce pour cela que Jésus introduit ces versets par l’appellation « Petits enfants ? » Il sait qu’ils ont en surcroît cette matière poreuse de l’amour qui les rend perméables à Dieu.
Robert Tireau, prêtre du Diocèse de Rennes