Christophe Raimbault à propos de Saint Martin de Tours : « L'important, c'est le partage, pas le manteau »

Le P. Christophe Raimbault, vicaire générai de Tours, maître de conférences à l'institut catholique de Paris, revient sur la spiritualité de saint Martin.

Saint Martin, l'homme qui partage son manteau. N'est-ce pas une image d'Épinal de la charité ?

Pas du tout, si nous allons au bout de la démarche de Martin : l'important, ce n'est pas le manteau, c'est le geste de partage qui nous invite à décou­vrir la souffrance du pauvre. Et si nous nous laissons toucher par la détresse de l'autre, alors nous lui rendons sa dignité et c'est le Christ que nous voyons à travers le visage de toute personne en difficulté. Le message de Martin reste très moderne. Quelle heureuse coïncidence, pour notre diocèse de Tours, que l'année du Jubilé de saint Martin se confonde avec l'Année de la miséricorde voulue par notre pape François !

Quels autres enseignements nous transmet-il ?

Martin est quelqu'un qui chemine sur les routes de l'Europe, mais aussi vers son baptême, qui grandit à travers son expérience d'ermite, puis d'évêque II nous rappelle que pour tous, baptisés ou non. Rien n'est jamais acquis, la conversion est elle-même un chemin permanent. Comme Paul sur te chemin de Damas, Martin rencontre le Christ sous les traits d'un pauvre, à la porte de la ville d'Amiens : le Seigneur appelle toujours à l'improviste ! Par ailleurs, Martin est le patron des soldats et des policiers et sa vie elle-même, renvoie une image du militaire comme « gardien de la paix ». Une notion intéressante à méditer dans cette période violente. Enfin, Martin est un grand guérisseur et un exorciste...

Croyez-vous que cet aspect du personnage peut parler au croyant d'aujourd'hui ?

Bien sûr ! A condition de réfléchir à la notion de guérison. Nous sommes tous limités, que ce soit par des maux physiques, mais aussi par des handi­caps de caractère, par des faiblesses morales qu'il faut dépasser. Par imita­tion du Christ, Martin guérit et son exemple nous dit que nous sommes tous capables, à notre tour, de pro­noncer des paroles de guérison. D'ailleurs, nous l'avons expérimenté, un jour ou l'autre, lorsque nous avons découvert fortuitement qu'une parole anodine de notre part, ou un simple geste de dévouement, avait réconforté, aidé, quelqu'un de notre entourage bien plus que nous ne l'imaginions. Il n'y a pas besoin de guérisons spectaculaires, ces moments-là constituent les petits miracles du quotidien où le bien est à l'œuvre.

Martin est aussi un missionnaire...

Qui n'hésite pas à renverser les idoles ! Ceci se traduit aujourd'hui par la nécessité de rechercher la vérité de l'Évangile, d'être exigeant dans notre quête de valeurs. Quoi de plus actuel ? Pour transmettre ce message, Martin va à la rencontre des gens, prend des risques. Il nous incite à faire preuve d'une certaine audace dans l'évangélisation. Il nous rappelle la force de la prière : pour agir efficacement dans le monde, l'homme doit se construire et se ressourcer grâce à sa vie intérieure. C'est ce que nous dit ce moine évêque du IV siècle, qui pour se don­ner des ailes, alterne la nécessaire gestion des affaires de l'Église avec la vie retirée de l'ermite. Quel beau paradoxe, que d'être dans et hors du siècle à la fois ! recueilli par S.L.

Le Pèlerin n°6963 du 12 mai 2016 page 35

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