Réfugiés: à Paris, France Terre d'asile tonne contre l'engorgement du système

L'association France Terre d'asile a tapé du poing sur la table mercredi en annonçant qu'elle suspendait, à Paris, la prise des rendez-vous en préfecture, pour dénoncer un engorgement "invraisemblable" de l'accès à la demande d'asile.

"On ne peut pas travailler dans ces conditions, nous fermons jusqu'à nouvel ordre", a annoncé à l'AFP Pierre Henry, le directeur général de l'association, en précisant que le centre chargé du pré-accueil des candidats à l'asile resterait fermé au moins mercredi et jeudi.

En cause: l'engorgement de la procédure, depuis l'entrée en vigueur, le 1er novembre, de la nouvelle loi sur l'asile, pourtant censée fluidifier le système avec la mise en place d'un "guichet unique" regroupant les services de la préfecture et de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii).

La loi prévoit que les demandeurs d'asile obtiennent, sous trois jours, un rendez-vous en préfecture, lorsqu'ils sont reçus dans les plateformes d'accueil (ou Pada), comme celle gérée à Paris par France Terre d'asile (pour les personnes isolées, les familles dépendant d'une autre structure dans la capitale).

Le problème est que "la préfecture nous octroie 50 rendez-vous par jour alors que nous avons 300 personnes qui attendent", explique M. Henry, qui dénonce une situation "invraisemblable", avec la formation de files d'attente devant le centre.

- "200 euros au marché noir" -

L'association avait dans un premier temps essayé de donner des rendez-vous pour cette étape de "pré-enregistrement". Mais ces "tickets bleus" se revendaient "200 euros au marché noir", explique une salariée. Et les délais d'attente ont vite atteint plusieurs mois.

Depuis les files s'allongent, avec "des tensions" et "parfois des bagarres", qui font craindre "pour la sécurité des migrants et des salariés", selon M. Henry. "On ne peut pas gérer la sécurité sur la voie publique", ajoute le responsable, qui s'est résolu mercredi à appeler la police lorsque des remous ont éclaté dans la file d'attente.

"Cela fait trois semaines que je suis ici, je dors sur place, mais je n'ai pas réussi à entrer", explique Fareez, un Afghan, dans la file de quelque 300 personnes. A ses pieds, cartons, couvertures et duvets témoignent d'un campement sauvage à même le trottoir.

Son voisin, un Mauritanien se présentant sous le prénom d'Ali, assure attendre depuis cinq jours. A l'ouverture des portes, "c'est le plus fort qui entre", selon lui.

Le problème est que le système "a été formaté pour 8.000 demandes par an" mais que, malgré les efforts de la préfecture, "on est sur un rythme de 30.000 à 40.000", déplore Pierre Henry.

Aussi "nous ne reprendrons pas le service dans ces conditions", prévient le responsable associatif, en demandant l'augmentation du quota de rendez-vous et surtout la mise en place de "plates-formes régionales" pour désengorger Paris.

"Il faut repenser le système de façon urgente", affirme-t-il.

Pour Gérard Sadik de la Cimade, "il faudrait 300 rendez-vous par jour ouvrable" pour ramener les délais d'attente à dix jours. "Il n'est pas normal que ce soient des organismes privés qui doivent gérer la file d'attente."

Au ministère de l'Intérieur, on assure travailler au sujet, et on rappelle que la préfecture a déjà doublé ses capacités en un an. "Il faudrait avoir plus de rendez-vous, et que ceux-ci soient plus mutualisés au niveau régional", dit-on, tout en pointant la spécificité parisienne du problème. "Partout en France, les guichets uniques fonctionnent plutôt bien, mais il y a un dysfonctionnement fort à Paris", lié au fait qu'en 2016 les demandeurs d'asile - Afghans, Soudanais, jeunes et isolés comme ceux que l'on retrouve souvent dans les campements parisiens - "n'ont pas de réseaux et vont spontanément vers la capitale".

"Il faut qu'on rediscute de nouveau des moyens budgétaires", estime de son côté Didier Leschi, le directeur général de l'Ofii. "Avec une difficulté: il faut trouver un système pour organiser la répartition."

afp

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