Homélie du dimanche 17 juillet 2016

Le Christ dans la maison de Marthe et Marie Jan Vermeer van Delft

Lecture du livre de la Genèse : Gn 18, 1-10a

Aux chênes de Mambré, le Seigneur apparut à Abraham, qui était assis à l'entrée de la tente. C'était l'heure la plus chaude du jour. Abraham leva les yeux, et il vit trois hommes qui se tenaient debout près de lui. Aussitôt, il courut à leur rencontre, se prosterna jusqu'à terre et dit: « Seigneur, si j'ai pu trouver grâce à tes yeux, ne passe pas sans t'arrêter près de ton serviteur. On va vous apporter un peu d'eau, vous vous laverez les pieds, et vous vous étendrez sous cet arbre. Je vais chercher du pain, et vous reprendrez des forces avant d'aller plus loin, puisque vous êtes passés près de votre serviteur ! » Ils répondirent : « C'est bien. Fais ce que tu as dit. » Abraham se hâta d'aller trouver Sara dans sa tente, et il lui dit : « Prends vite trois grandes mesures de farine, pétris la pâte et fais des galettes. » Puis Abraham courut au troupeau, il prit un veau gras et tendre, et le donna à un serviteur, qui se hâta de le préparer. Il prit du fromage blanc, du lait, le veau qu'on avait apprêté, et les déposa devant eux ; il se tenait debout près d'eux, sous l'arbre, pendant qu'ils mangeaient. Ils lui demandèrent : « Où est Sara, ta femme ? » Il répondit : « Elle est à l'intérieur de la tente. » Le voyageur reprit : « Je reviendrai chez toi dans un an, et à ce moment-là, Sara, ta femme, aura un fils.»

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc : Lc 10, 38-42

Alors qu'il était en route avec ses disciples, Jésus entra dans un village. Une femme appelée Marthe le reçut dans sa maison. Elle avait une sœur nommée Marie qui, se tenant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Marthe était accaparée par les multiples occupations du service. Elle intervint et dit : « Seigneur, cela ne te fait rien ? Ma sœur me laisse seule à faire le service. Dis-lui donc de m'aider. » Le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe, tu t'inquiètes et tu t'agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part: elle ne lui sera pas enlevée. »

Homélie

«Le bon équilibre»

Le texte de l’Évangile commence par ces mots : «Alors qu'il était en route avec ses disciples». Quelques pages auparavant, Luc écrit : «Comme s'accomplissait le temps où il devait être enlevé, il prit résolument le chemin de Jérusalem». Ce qui va être enlevé à Jésus, c'est sa vie. Pour lui, comme pour ceux qui choisissent de le suivre, c'est la route de tous les risques, de l'amour sans retour, du don de soi. C'est sur cette route-là que la semaine dernière Jésus faisait la parabole du bon Samaritain qui dit qu’il faut être le prochain de ceux que nous rencontrons sur la route. Aujourd’hui, Jésus nous invite à servir et à écouter, sans oublier que l’écoute doit venir avant le service.

Jésus s'arrête sur la route de Jérusalem au village de Béthanie : c’est le village de ses trois amis Marthe, Marie et Lazare. Si Luc semble opposer les deux femmes et leurs façons d’accueillir Jésus, c’est que dans sa communauté chrétienne, il y avait des frictions entre le service matériel et celui de l’annonce de la Parole. Marthe est tout entière dans le service de l'autre. Tout comme Abraham et Sara qui accueillent les trois voyageurs étrangers sous leur tente. Marie, pendant ce temps, est assise aux pieds de Jésus et l’écoute. C'est l'attitude du disciple qui écoute son maître. Jésus est chez Marthe et Marie, deux femmes. Lazare n’intervient pas ou est absent ; Marie a une attitude de disciple. Tout cela est impensable dans le monde juif d'alors, mais les barrières sociales et les coutumes n'arrêtent pas Jésus. Elles n’ont pas de valeur dans le monde nouveau de Dieu, seule compte la rencontre de l’autre.

Marthe est-elle passée à côté de l’essentiel ? Dans son désir de bien accueillir Jésus, a-t-elle oublié qu'elle devait se laisser accueillir elle aussi, qu’elle devait recevoir de celui qu’elle rencontre sur sa route. Marie n'est pas dans une attitude passive. Elle ne se contente pas d'entendre la parole de Jésus, elle l'écoute. Elle l'accueille. Elle la fait sienne. Elle se laisse remuer, elle se laisse bousculer et transformer. Vivre selon l'Évangile, c’est avant tout une façon de vivre, un style de vie. C'est un agir. L’autre a besoin de moi, de mon accueil, mais il a aussi beaucoup à me donner et à m’apprendre. Accueillir l'autre, c'est aussi accepter de recevoir de lui, de s'ouvrir à sa nouveauté et à la part d'inconnu où risque de nous entraîner sa rencontre. Nous devons prendre le temps d’être aussi comme Marie, humblement assis pour recevoir et écouter, pour accepter de sortir de nos a priori, de nos habitudes, de notre mentalité, de nos idées. Nous devons accepter l'inconnu de Dieu.

Jésus ne reproche pas à Marthe de faire la cuisine, mais bien de s'inquiéter et de s'agiter. Marie est félicitée parce qu'elle a compris qu'il y avait une priorité dans la manière d'accueillir l'hôte, et que cette priorité était celle de l'écouter. À travers Marthe, c'est aussi à nous que Jésus s'adresse. Quel rythme de vie menons-nous ? Quelles sont nos priorités ? De quoi vivons-nous ? Quelle hospitalité offrons-nous à notre entourage ? Ne restons pas enfermés dans notre travail et nos soucis quotidiens. Bien des choses peuvent nous agiter et nous empêcher de nous confronter à l'essentiel. Être disciple, ce n'est pas passivité et loisir, c'est un engagement sérieux de toute la vie. C'est un engagement de la vie, c'est une mise en route avec Jésus. Si nous croyons que la bonne nouvelle de Jésus peut encore faire vivre les générations futures, nous devons créer comme au chêne de Mambré, comme à Béthanie, des espaces authentiques d’écoute, d’accueil et d’amitié.

Notre monde a besoin de chrétiens actifs et vrais, ni agités ni inquiets, pour continuer la mission confiée aux premiers disciples. Une seule chose est nécessaire, une seule chose est prioritaire, c’est accueillir l'étranger Jésus. Comme l’écrit Paul aux Colossiens, Jésus ressuscité est au milieu de nous. Reconnaissons-le, le plus étranger à nos vies, le plus étranger de tous à nos regards, c'est Jésus. Prenons le temps de le voir et d’apprendre de lui.

Serge Lefebvre

Frère Franciscain Marquette-Lez-Lille

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