JEUDI 7 JUILLET 2016 : Lecture du livre du prophète Osée (11, 1-4.8c-9)

Lecture du livre du prophète Osée (11, 1-4.8c-9)

« Ainsi parle le Seigneur : Oui, j’ai aimé Israël dès son enfance, et, pour le faire sortir d’Égypte, j’ai appelé mon fils. Quand je l’ai appelé, il s’est éloigné pour sacrifier aux Baals et brûler des offrandes aux idoles. C’est moi qui lui apprenais à marcher, en le soutenant de mes bras, et il n’a pas compris que je venais à son secours. Je le guidais avec humanité, par des liens d’amour ; je le traitais comme un nourrisson qu’on soulève tout contre sa joue ; je me penchais vers lui pour le faire manger. Mais ils ont refusé de revenir à moi : vais-je les livrer au châtiment ?

Non ! Mon cœur se retourne contre moi ; en même temps, mes entrailles frémissent. Je n’agirai pas selon l’ardeur de ma colère, je ne détruirai plus Israël, car moi, je suis Dieu, et non pas homme : au milieu de vous je suis le Dieu saint, et je ne viens pas pour exterminer. »

Commentaire

Osée à parlé comme personne du coeur de Dieu, de la tendresse du Père...

Osée est un prophète. Osée est un poète. On lui doit d'avoir su parler comme personne du coeur de Dieu. Un coeur de père dont la force se déploie dans le renoncement à lui-même. En nous attachant à la qualité poétique de l'oracle, nous entrerons peu à peu dans son mystère.

Oracle prophétique, langage poétique

Cela commence comme une plainte, un regard en arrière rempli de déception. Le SEIGNEUR se souvient d'avoir déployé tant d'amour ! Et il constate tant d'ingratitude chez Israël.

Cela se termine sur une note d'espoir, une image inattendue et naïve : des oiseaux tremblants qui reviennent au nid.

Entre la plainte divine du début et le vol craintif de la finale il y a, au milieu de l'oracle, un soupir : «Mon peuple !». Aveu poignant : Le SEIGNEUR continue d'aimer des fils qui se sont détournés de lui, des fils qui persistent et signent dans leur «apostasie». Et cela, hier comme aujourd'hui.

Prophète, Osée reçoit et transmet la Parole de Dieu. Poète, il l'écrit, choisit ses mots, organise les images et les rythmes ; cela «passe» même en traduction. Ainsi dans le premier mouvement de cette partition musicale (v. 1-7), il joue sur deux verbes : «appeler» et «revenir» ; le peuple y apparaît comme un enfant ingrat et Dieu, le plus tendre des humains. Dans le deuxième (v. 8-11), il garde le verbe «revenir» et transforme «appeler» en «rugir» ; et parce que l'attitude divine dépasse ce qu'un humain peut concevoir, parce qu'elle est «sainte» et que cela est difficile à comprendre, le poète va user d'une étonnante métaphore …animale.

Premier mouvement : père et fils (v. 1-7)

Le verbe «appeler» encadre la première partie de l'oracle. Tout au début (v. 1) la relation entre Dieu et Israël se dit par une image familière : un père «appelle» son fils. Nous imaginons le jeune garçon qui dresse l'oreille, se lève et se retourne pour courir. Image très simple pour évoquer la libération d'Egypte, célébrée ailleurs avec tant de magnificence (qu'il suffise de relire les récits de l'Exode). Or, après cet événement fondateur, la Bible raconte des épisodes moins glorieux, en particulier dans les Livres des Rois : attirance du peuple pour les divinités étrangères, les Baals, efforts des prophètes pour le ramener vers le seul vrai Dieu. Ici encore une phrase, toujours avec le verbe «appeler», suffit à Osée pour résumer cette longue histoire (v. 2).

Mais à ces appels — réitérés jusqu'à aujourd'hui, cf v. 7 — le peuple n'a pas répondu comme on l'attendait : il s'est «écarté». Pour reprendre l'image du début, le jeune Ephraïm n'a pas rejoint son père. Malgré l'amour insistant de Dieu, il a refusé de «revenir», de «se convertir» (même verbe en hébreu). Avec lucidité, le Seigneur prévoit alors les conséquences de cette attitude : une flambée de violence, une nouvelle oppression, l'Assyrie succédant à l'Egypte.

Le premier mouvement de l'oracle résume ainsi plusieurs siècles d'histoire : amour prévenant de Dieu, écarts et refus répétés du peuple. On notera au passage que Osée chante la tendresse de Dieu avec des harmoniques aussi bien paternelles (le premier appel, les premiers pas) que maternelles (le nourrisson contre la joue). Au terme, le cri «Mon peuple !» résonne comme un écho de «mon fils» pour se conclure sur le constat amer de «l'apostasie» : personne ne fait attention au SEIGNEUR.

Dans un oracle de jugement, puisque tel est le cas, tout cela devrait déboucher sur une condamnation. Doit-on considérer la domination assyrienne qui se profile comme une punition divine ? Pas directement, car elle est avant tout la conséquence des erreurs d'Israël. Alors ? Quelle décision Dieu peut-il prendre ? La réponse va être surprenante et, à vues humaines, incompréhensible…

Deuxième mouvement : Dieu est Dieu (v. 8-11)

Le SEIGNEUR vient de résumer les erreurs d'Ephraïm/Israël. Le voilà maintenant qui s'interroge ; or se poser la question du châtiment, n'est-ce pas hésiter à le prononcer ? Du père divin, nous connaissions la voix qui appelle, les bras et les mains qui apprennent à marcher et donnent à manger. Ici nous allons beaucoup plus loin : son coeur nous est dévoilé, un coeur chamboulé (le verbe hébreu du v. 8 désigne un bouleversement de fond en comble).

Un trait de génie du poète est d'avoir repris le verbe «revenir» (v. 9) jusqu'ici réservé à Israël. Le peuple a refusé de se convertir, de revenir à Dieu ? Il s'est éloigné, pour son propre malheur ? Dieu va se rapprocher de son fils. Ou plutôt il va rapprocher son fils de lui. Pour ce faire, il refuse un comportement humain, il refuse de combler la distance — c'est-à-dire «revenir» — par une colère légitime. Du jamais vu chez les hommes ! Mais qui caractérise bien Dieu : « Je suis Dieu et non pas homme. Au milieu de toi, je suis saint.»

La sainteté divine transcende la tendresse humaine. Elle ouvre un avenir pour le peuple. Comment faire comprendre cet inouï ? Osée se risque à une superbe métaphore, celle du lion et des oiseaux.

Le lion est fort et il fait peur. Les oiseaux sont faibles. Dans la première partie de l'oracle, Dieu «appelait», ici il «rugit». Dans ce rugissement, force rassurante et terreur sainte se mêlent. Du coup, galvanisés, les oiseaux vont quitter les régions de la mort. La région actuelle de l'Assyrie bien sûr, sombre réalité historique déjà nommée aux v. 5 et 6. Et la région symbolique de l'Egypte, lieu du premier appel suivi des refus. Autrefois, le jeune Ephraïm avait renoncé à courir vers son père. Maintenant les fils d'Israël ne vont pas seulement «revenir», mais «accourir» ! Renforcée par celle du vol, l'image est splendide. Quant au tremblement, ne manifeste-t-il pas la crainte religieuse qui saisit l'être humain devant le sacré ? Dans le choix de ses images et de ses mots, Osée n'a rien laissé au hasard.

L'image paternelle du début n'est pas annulée, elle est approfondie. La tendresse active de Dieu, dans son renoncement à elle-même, montre des ressources inimaginables. Devant cette révélation, sans attendre l'issue, comment les fils d'Israël ne prendraient-ils pas enfin leur envol ? Par un mouvement d'amour qui réponde à l'amour.

Renoncer à soi-même

À la fin de l'oracle, le bonheur est au futur. Est-il advenu ? Bien sûr, nous savons que la domination assyrienne n'a duré qu'un temps. Mais là n'est pas l'essentiel. L'amour a-t-il répondu à l'amour ? La question ne cesse de rebondir au cours de l'histoire de l'alliance passée par Le SEIGNEUR avec son peuple.

Quand le SEIGNEUR appelle Israël «mon fils» puis «mon peuple», nous comprenons que l'alliance est tissée de notes affectives. Dieu a un coeur qui bat. Fidèle à la parole donnée, il s'engage jusqu'au bout pour le bonheur de l'autre, acceptant échecs et déceptions.

Des siècles après Osée, un fils d'Israël a fait de sa vie une réponse à la hauteur du coeur de Dieu : Jésus. Renonçant à lui-même, il a permis un déploiement inouï des forces de la vie. Pour les chrétiens, il est la véritable image de Dieu : « Qui m'a vu, a vu le Père » (Jn 14, 9). L'amour a répondu à l'amour.

© SBEV. Gérard Billon

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