Jean-Louis Debré, « Ce que je ne pouvais pas dire »
31 août 2016Jean-Louis Debré, président du Conseil Constitutionnel durant 9 ans (2007-2016), a tenu un journal personnel durant toute cette période au cours de laquelle il était lié par un strict devoir de réserve.
Il a choisi de publier son journal une fois son mandat terminé. C’est l’ouvrage « ce que je ne pouvais pas dire » chez Robert Laffont édité en avril 2016 (356 pages, 21 euros) que je suis en train de lire.
Cet ouvrage est un témoignage. Il n’est pas un programme politique. Il est truculent d’anecdotes, mais aussi d’érudition, loin de toute « langue de bois ». Il soulève la chape de fond des secrets de la cinquième république de cette période : c’est « passionnant » pour le lecteur quelles que soient ses idées politiques. J’ai choisi de vous faire découvrir cet ouvrage par un extrait (la page 121) qui relate la journée du 21 septembre 2012 :
« Brève plongée dans un monde que je ne connais pas : celui de la franc-maçonnerie. J'ai été convié par le grand maître de la grande Loge de France à présider, en compagnie de Régis Debray, le dîner annuel de cette obédience. J'ai hésité à accepter cette invitation inhabituelle. Je ne suis pas franc-maçon, mais le goût de la découverte a eu raison de mes hésitations.
Me voici rue de Puteaux, dans le 17e arrondissement, discourant devant un auditoire au sein duquel j'ai reconnu, surprise, des visages familiers et amis. J'ai choisi comme thème : « Le Conseil constitutionnel et la défense des libertés ». Je rappelle qu'il n'y a pas de nation sans « un rêve d'avenir partagé » et celui-ci ne peut devenir une réalité que si règnent la liberté et l'égalité pour permettre la fraternité.
« La petite dernière de la République », comme la qualifie Régis Debray, la « fraternité », est venue tardivement, en 1848, compléter dans notre devise républicaine les mots de « liberté » et d'« égalité » issus de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Quand la « fraternité » s'efface ou disparaît, cela donne le second Empire avec « Liberté, ordre public » ou le régime de Vichy avec « Travail, famille, patrie ».
La République de 1848, que l’on évoque trop peu, a en quatre ans promu le suffrage universel masculin, aboli l'esclavage, supprimé la peine de mort pour les crimes politiques, proclamé le droit au travail et introduit la fraternité dans notre devise. Un bilan que beaucoup de nos dirigeants actuels pourraient lui envier. »