Le diaconat pour les femmes ?

La théologienne Phyllis Zagano,connue pour son appui au diaconat pour les femmes, fera partie de la commission sur ce sujet crée par le pape François le 2 août 2016. Photo: St. Pheobe Centre for the History of the Deaconess

Le 12 mai 2016, lors de l’assemblée de l’Union internationale des supérieures générales des communautés religieuses féminines à Rome, le pape François avait évoqué la possibilité de créer une commission chargée de clarifier la question du diaconat des femmes. La composition de cette dernière, dont il faut saluer la parité, a été annoncée le 2 août dernier : six hommes et six femmes d’orientations théologiques diverses ont été nommés, incluant Phyllis Zagano, une théologienne américaine reconnue pour son expertise et ses publications favorables au diaconat pour les femmes.

Le diaconat est une pratique qu’on trouve présente dans les toutes premières communautés chrétiennes. Exercée alors aussi par les femmes, cette pratique tombera en déclin avec l’expansion du christianisme et la création des monastères qui prirent en charge le service des pauvres, un rôle important jusqu’alors assumé par les diacres. L’Église catholique, lors du concile Vatican II, a certes réactivé l’accès au diaconat permanent pour des rôles « de la liturgie, de la Parole et de la charité » (droit canon, can.1009, § 3) mais en le réservant uniquement aux hommes.

Depuis, l’élargissement du diaconat aux femmes a été demandé à plusieurs reprises (notamment par l’épiscopat du Québec et du Canada, la plus récente demande ayant été faite par Mgr Paul-André Durocher, en octobre 2015, lors du Synode sur la famille). Il faut dire que la situation actuelle est aussi inacceptable qu’absurde, compte tenu du fait que les épouses des diacres sont obligées de suivre la même formation alors qu’on leur refuse ensuite l’ordination conséquente. Un blocage institutionnel qui est par ailleurs d’autant plus incompréhensible que l’Église catholique reconnaît les sacrements et les ordres des Églises orthodoxes qui n’ont jamais interdit l’ordination des diaconesses et dont certaines l’ont même officiellement restauré au XXIe siècle. L’Église catholique se trouve ainsi à reconnaître les femmes diacres dans d’autres Églises tout en le refusant aux femmes catholiques. Une incohérence qui lui est reprochée et un argument qui est invoqué pour que la hiérarchie vaticane évolue vers la reconnaissance de l’ordination diaconale des femmes.

De plus, des nombreuses études réalisées sur le sujet, aucune n’a conclu à l’impossibilité de l’accès des femmes à ce ministère et plusieurs confirment sa faisabilité depuis longtemps, ce que le pape François a d’ailleurs lui-même reconnu. Il faut souhaiter, comme le fait Phyllis Zagano, que la démarche de la Commission qui vient d’être créée soit moins de documenter le sujet que de s’engager une bonne fois pour toutes dans un véritable discernement sur la réactualisation de cette tradition pour l’Église catholique d’aujourd’hui. Une réactualisation dont l’un des enjeux devra être la réalisation d’une véritable égalité entre hommes et femmes dans la forme et la reconnaissance de ce ministère ordonné.

Les commissions précédentes (notamment dans les années 1980 et en 2001) ne sont pas parvenues à trancher en faveur du diaconat pour les femmes, en bonne partie par crainte que cela ne leur ouvre l’accès à l’ordination sacerdotale. Aujourd’hui, cet obstacle risque d’intervenir plus marginalement. En effet, en décembre 2009, le pape Benoît XVI, par le motu proprio Omnium in mentem, a ajouté un paragraphe dans le droit canon qui distingue explicitement l’ordination diaconale de l’ordination sacerdotale, ce qui renforce le statut ministériel permanent du diaconat et fait en sorte que l’accession des femmes au diaconat ne puisse constituer une étape vers la prêtrise.

Pour celles et ceux qui croient que les femmes devraient être admises et reconnues dans l’ensemble des fonctions et des ministères de l’Église, une éventuelle recommandation de la commission favorable au diaconat des femmes sera certainement saluée comme la réparation d’une injustice et l’aboutissement de la résistance et de la patience infinie des femmes – qui exercent souvent déjà leur vocation dans l’Église sans la reconnaissance institutionnelle que confère l’ordination diaconale. Cette décision ne s’inscrira malheureusement pas dans une prise de conscience plus large par l’institution de sa dynamique patriarcale et ne constituera pas une étape vers la pleine reconnaissance des femmes dans toutes les sphères de la vie ecclésiale, sans exception.

Elisabeth GARANT

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