Crise agricole : le message d'alerte de l'Eglise de l'Orne

Gérard Huet, diacre, et le père Potier, vicaire épiscopal, ont, aux côtés de Mgr Habert, mené les échanges avec les agriculteurs ornais

Dimanche prochain, un message sera lu dans les églises ornaises alertant sur la situation du monde agricole. Une réflexion à laquelle tous les Ornais sont appelés à participer

Représentants du monde agricole et du diocèse de Séez ont lancé une réflexion qui va perdurer jusqu'au 4 octobre durant le "Mois de la création" autour de la crise catastrophique du monde rural

En février dernier, profitant du Salon international de l’agriculture à Paris, une quinzaine d’évêques français avaient tenu à témoigner de leur compassion pour l’ensemble de la profession agricole hexagonale traversant actuellement une crise profonde. Un mal-être souvent tu qui se traduit par un très grand nombre de situations désespérées menant à des suicides.

Un sentiment d’exaspération

Dans un contexte global marqué par la barbarie des attentats, une crise systémique, des conflits sociaux révélateurs de souffrances, les représentants de l’Eglise se sont tout particulièrement penchés sur ce que peuvent vivre les citoyens du monde rural particulièrement malmenés et “le sentiment d’exaspération et les inquiétudes très fortes qui ont pu être exprimés durant l’été semble être, hélas, réunis pour une rentrée difficile et éprouvante, d’autant plus que la crise risque de perdurer” relève, dans son message Mgr Habert, évêque du diocèse de Séez.

La première réflexion nationale du Salon de l’agriculture s’est doublée avant les vacances d’une rencontre avec les agriculteurs ornais :

Des hommes et des femmes passionnés et passionnants” relate l’évêque. “Leur métier et passion est une dimension essentielle de leur vie. S’ils traversent une période difficile, la joie et l’enthousiasme de beaucoup restent intacts.”

Des défis énormes

La profession d’agriculteur aujourd’hui se solde par une somme de défis “impressionnants” à relever : respecter l’environnement, garantir la sécurité alimentaire, s’adapter tout en contestant le modèle financier actuel, intégrer la mondialisation, nourrir une population de plus en plus importante, produire à des coûts compétitifs face à des consommateurs de plus en plus économes, s’organiser collectivement, transmettre un savoir-faire à des générations qui hésitent à prendre le relais…

Tout simplification des problèmes est dérisoire, il ne sera pas possible de trouver une issue par de simples slogans. Si ces défis indiquent à l’Eglise qu’elle ne peut en aucune façon prétendre résoudre à elle seule toutes ces questions, ils lui indiquent aussi qu’elle dispose avec la “doctrine sociale” d’un trésor qu’il faut approfondir, travailler et proposer. Une réflexion qui sera portée tout au long du “Mois de la création” du 1er septembre au 4 octobre dans le diocèse”, ajoute Mgr Habert.

Une parole parfois difficile en milieu rural

Les agriculteurs présents, ayant participé à la soirée d’échange, se retrouvent autour d’un leitmotiv : le monde agricole est un monde de taiseux : “Oser parler de ses difficultés est même briser un tabou parfois” relève l’un d’entre-eux. Un tabou se doublant d’un terrible sentiment d’échec lorsque l’exploitation a été transmise depuis plusieurs générations.

Certains, trésoriers de CUMA, disent avoir constaté à quel point la situation actuelle était catastrophique : “Des agriculteurs nous ont clairement dit ne pas être en mesure de payer”. En revanche, dans ce marasme, tous admettent que, depuis deux-trois mois “on semble s’intéresser à notre quotidien, il n’y a plus le même regard dans le voisinage”.

En fil rouge aussi, la solitude. “Les exploitants qui, auparavant faisaient travailler des dizaines de personnes, sont désormais parfois tout seul. En fait, les seuls rencontres ce sont les commerciaux ! Même les plus optimistes sont abattus, on a cassé des outils qui permettaient de réguler et aujourd’hui on ne sait plus où l’on va”.

Un choix de société

Porteurs, aux côtés de l’évêque, de cette réflexion autour du monde rural, le père Potier, vicaire épiscopal et Gérard Huet, diacre, membre du conseil épiscopal, ont recueilli les expressions des agriculteurs. Ils entendent désormais associer l’ensemble de la communauté chrétienne ornaise à une démarche globale susceptible de se traduire par des actions concrètes d’aide : “Durant le Mois de la création, nous nous interrogerons sur la solidarité à avoir dans le monde rural, sur les choix que nous devons faire en tant que consommateur… pas de mot d’ordre mais simplement faire preuve de discernement”.

■ Pratique : Mois de la création, du 1er septembre au 4 octobre, se fondant sur l’encyclique Laudato Si du Pape François invitant les communautés chrétiennes à réaliser une “conversion écologique” et à prier pour “la protection de la création et la promotion de styles de vie durables

Laurent REBOURS

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