Homélie du dimanche 30 octobre
26 oct. 2016Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 19,1-10.
« En ce temps-là, entré dans la ville de Jéricho, Jésus la traversait.
Or, il y avait un homme du nom de Zachée ; il était le chef des collecteurs d’impôts, et c’était quelqu’un de riche.
Il cherchait à voir qui était Jésus, mais il ne le pouvait pas à cause de la foule, car il était de petite taille.
Il courut donc en avant et grimpa sur un sycomore pour voir Jésus qui allait passer par là.
Arrivé à cet endroit, Jésus leva les yeux et lui dit : « Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. »
Vite, il descendit et reçut Jésus avec joie.
Voyant cela, tous récriminaient : « Il est allé loger chez un homme qui est un pécheur. »
Zachée, debout, s’adressa au Seigneur : « Voici, Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus. »
Alors Jésus dit à son sujet : « Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham.
En effet, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »
Homélie
“Zachée cherchait à voir qui était Jésus.”
Dans notre monde, beaucoup prétendent chercher Dieu ou le rejoindre directement. Zachée, lui, cherchait à voir Jésus. Il avait bien raison : les gens qui parlent de Dieu comme s’ils l’avaient vu ou comme s’ils avaient eu un coup de téléphone du ciel, il vaut mieux ne pas les croire. Souvenons-nous : St Jean dit : “Dieu personne ne l’a jamais vu. Le fils unique,… c’est lui qui l’a fait connaître.” Alors, il vaut mieux, comme Zachée, chercher à voir Jésus : il nous apprend beaucoup sur Dieu.
Observons Zachée : un personnage peu intéressant qui va devenir sympathique. Car au premier abord, il n’a pas grand chose pour plaire :
- il est collecteur d’impôts, donc “collabo” des romains,
- il est même le chef des collecteurs d’impôts !
Et sa vie va basculer parce qu’il a rencontré Jésus.
“Il cherchait à voir qui était Jésus.” Dès qu’il apprend (par le téléphone arabe ?) que Jésus va passer à Jéricho, Zachée plante là ses dossiers et son tiroir-caisse et bondit dans la rue. Simple curiosité, ou espoir de voir une guérison ? Non ! Il veut voir qui est ce Jésus. On raconte partout que c’est quelqu’un qui pardonne aux pécheurs. Ça l’attire irrésistiblement. Il veut voir absolument Jésus.
Comme il est petit et qu’il craint la foule (il sait que les gens ne l’aiment pas), il grimpe rapidement sur un sycomore et de son observatoire improvisé, il VOlT Jésus. Mais leurs regards se croisent et les rôles sont soudain renversés. Zachée voulait voir Jésus, et c’est Jésus qui voit Zachée et le regarde avec des yeux pleins d’amour qui le transforment : «Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison ». Jésus a lu dans le regard de Zachée : Seigneur, ne me juge pas. Tu sais que l’or que je possède me brûle parfois les doigts. Si tu savais comme j’aimerais t’inviter, te parler, mais je sais que je ne suis pas digne que tu descendes chez moi.
Lorsque certaines personnes nous regardent, nous nous sentons misérables, humiliés. Comme si elles faisaient monter à la surface ce qu’il y a de moins bon en nous. Et pour d’autres, c’est le contraire : leur regard nous met en forme et nous rend capables de changer et de grandir. Comme si elles faisaient monter à la surface le meilleur de nous-mêmes. Les célébrations d’obsèques sont toujours de bons moments pour nous souvenir de ces personnes qui nous ont aidés à grandir et à donner le meilleur de nous-mêmes…
On ne peut rencontrer Jésus sans être bousculé dans sa vie. Zachée en sait quelque chose. Il a bondi chez lui, il a sorti son argenterie, il a préparé un repas somptueux. Mais au fur et à mesure qu’il faisait à Jésus l’honneur de lui présenter sa maison, sa commode Empire et ses Picasso accrochés au mur, il se rappelait que toutes ses richesses avaient été acquises malhonnêtement. Il est d’autant plus bouleversé que Jésus ne lui fait pas de reproche : ainsi ce Jésus ne le vomissait pas, il lui faisait confiance et le savait capable du meilleur. Alors, Zachée dit son repentir, et le pécheur qu’il est se donne à lui-même une pénitence très lourde : je redonnerai le quadruple !
On ne peut pas rencontrer Jésus sans que ça nous montre beaucoup de Dieu. On ne peut pas rencontrer Jésus sans être bousculé dans sa vie. Ça dérange tout le bel agencement du salon de notre cœur. À Jéricho ce jour-là, tout a commencé : pour Zachée et pour ceux qui ont bénéficié de sa conversion. Nul ne pouvait résister à l’émerveillement devant l’étonnante métamorphose. Zachée a, en effet, le visage d’un fils. Il est debout, droit. Il n’a plus besoin de pouvoir, ni de richesse, ni d’un arbre pour paraître plus grand. Il est grand parce que recréé à l’image et à la ressemblance de Dieu, sauvé par celui qui relève de toute mort, animé d’un souffle nouveau.
C’est, je crois, François Mauriac qui met dans la bouche de Zachée cette phrase admirable : « Ce dégel de tout mon être sous ton regard ».
Robert Tireau, Prêtre du Diocèse de Rennes