L’égoïsme des pays riches aggrave la crise des réfugiés

Migrations Selon Amnesty International, dix pays «pauvres» se partagent l’accueil de 56% des réfugiés de la planète. Un déséquilibre nocif.

Le constat est saisissant. Représentant moins de 2,5% du PIB mondial, dix pays plutôt pauvres, pour ne pas dire très pauvres, accueillent plus de la moitié des 21 millions de réfugiés de la planète (voir la carte ci-contre). Présentés mardi dans un rapport d’Amnesty International (AI), ces chiffres montrent une fois encore combien les questions migratoires sont sensibles et grosses de dangers.

«Ces quelques pays (ndlr: 10 sur 193) sont obligés d’assumer une responsabilité beaucoup trop lourde simplement parce qu’ils sont voisins d’un pays en crise», a déclaré Salil Shetty, secrétaire général d’AI, en présentant le rapport. «Cette situation est par nature intenable, et expose les millions de personnes qui fuient la guerre et les persécutions dans des pays comme la Syrie, le Soudan du Sud, l’Afghanistan et l’Irak à une misère et des souffrances intolérables», a-t-il ajouté.

Déséquilibre

Pour étayer sa démonstration, et illustrer le déséquilibre entre pays pauvres et pays riches, dont «l’égoïsme ne fait qu’aggraver la crise au lieu de la résoudre», le rapport s’appuie sur l’exemple des réfugiés syriens. C’est ainsi, par exemple, que le Royaume-Uni a accepté de recevoir moins de 8000 Syriens depuis 2011, tandis que la Jordanie – qui compte presque 10 fois moins d’habitants et dont le PIB représente 1,2% de celui du Royaume-Uni – en accueille plus de 655 000.

Quant au Liban, avec une population de 4,5 millions d’habitants, une superficie de 10 000 km2et un PIB par habitant de 10 000 dollars, il accueille plus de 1,1 million de réfugiés en provenance de Syrie, tandis que la Nouvelle-Zélande, avec la même population mais une superficie de 268 000 km2 et un PIB par habitant de 42 000 dollars, n’en a reçu que 250 à ce jour.

De même, poursuit Amnesty, l’Irlande, avec une population de 4,6 millions, une superficie représentant sept fois le Liban et une économie cinq fois plus importante, n’a pour l’instant accueilli que 758 réfugiés syriens.

Pour remédier à cet état de fait, l’ONG appelle tous les pays à «accepter une proportion équitable» de ces réfugiés vulnérables, «déterminée en fonction de critères objectifs tenant compte de leur capacité d’accueil»: richesse, population, taux de chômage…

Amnesty demande avec insistance la mise en place d’«un nouveau mécanisme de réinstallation des réfugiés vulnérables», et d’«un nouveau mécanisme de transfert pour les situations critiques» comme le conflit syrien.

Très dure à l’égard des pays riches, l’ONG reconnaît que certains ont su prendre leurs responsabilités. Comme l’Allemagne, bien sûr, mais aussi le Canada. C’est ainsi que, mélangeant prise en charge publique et parrainages privés, le Canada a accueilli et réinstallé près de 30 000 réfugiés syriens depuis novembre 2015.

Le drame continue

Cela dit, et comme l’a rappelé le sauvetage «record» de plus de 6000 personnes lundi au large de la Libye et 1800 autres mardi, les causes du drame sont loin d’être jugulées.

Bernard BRIDEL

Tribune de Genève

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