L’archevêque de Rouen, Dominique Lebrun répond aux journalistes le 2 octobre 2016 avant une cérémonie pour la réouverture de l'église Saint-Etienne-du-Rouvray © CHARLY TRIBALLEAU AFP/Archives

L’archevêque de Rouen, Dominique Lebrun répond aux journalistes le 2 octobre 2016 avant une cérémonie pour la réouverture de l'église Saint-Etienne-du-Rouvray © CHARLY TRIBALLEAU AFP/Archives

Il s'est affirmé aux avant-postes de l'Eglise de France quand est survenu "l'innommable". L'assassinat par deux jihadistes d'un de ses prêtres, le père Jacques Hamel, a transformé et révélé l'atypique Mgr Dominique Lebrun, archevêque de Rouen.

Jusqu'à l'attentat du 26 juillet à Saint-Etienne-du-Rouvray, cet homme au rire franc et au casque poivre et sel, perpétuellement chaussé de sandales, s'était surtout signalé hors de l'Eglise par son passé insolite d'arbitre de football.

Treize ans durant lesquels, alors qu'il était vicaire puis curé en Seine-Saint-Denis, l'ancien étudiant en droit a veillé au déroulement de matchs de niveaux régional et départemental.

Le rapport avec le sacerdoce ? "S'il y a une dimension spirituelle, c'est celle engendrée par l'esprit de service et par la joie de vivre de beaux moments de communion", analyse-t-il plus tard.

A bientôt 60 ans - il les fêtera le 10 janvier -, Dominique Lebrun dribble les commentaires qui l'enfermeraient dans une case. Nommé à la tête du diocèse de Saint-Etienne en 2006, ce fils d'une famille de huit enfants s'y avère très classique sur l'avortement - il est réputé être le premier évêque à avoir participé à une "Marche pour la vie", en 2010. Dans le même temps, il innove en lançant des Assises chrétiennes de l'écologie, convaincu de la nécessité d'un "dialogue avec la société".

Affecté en 2015 à Rouen - sa ville natale -, il ne se laisse pas tourner la tête par son "pallium" (ornement porté sur la chasuble) d'archevêque métropolitain, encore moins par son titre honorifique de "primat de Normandie". La sobriété lui sied mieux: pendant une pénurie de carburants, il est aperçu en train de pousser sa petite voiture jusqu'à la pompe, pour ne pas faire tourner le moteur inutilement.

La "tragédie innommable", souligne-t-il, qui a frappé le père Hamel l'a rappelé brutalement à ses hautes responsabilités. Mgr Lebrun avait eu le temps de rencontrer ce prêtre auxiliaire de la banlieue de Rouen, mort à 85 ans. "Je lui avais posé la question: +Père, quelle est la prochaine étape dans votre ministère?+ Il m'avait regardé comme si je lui posais la question qui n'était pas à poser", se souvient l'archevêque. "Cela dit bien la simplicité de cet homme, donné à Dieu".

Le jour de son "martyre", Mgr Lebrun trouve des mots d'apaisement qui seront remarqués jusqu'à l'Elysée, où l'archevêque est reçu le soir-même: "L'Eglise catholique ne peut prendre d'autres armes que la prière et la fraternité entre les hommes".

"C'est venu spontanément", raconte-t-il. "J'ai beaucoup voyagé au Moyen-Orient. J'étais dans la plaine de Ninive en 2014, j'avais été confronté à Daech (acronyme du groupe Etat islamique, NDLR) et frappé par le non-appel à la vengeance des chrétiens d'Orient. Je portais le même horizon".

Depuis, l'archevêque n'a guère quitté le devant de la scène médiatique, de l'hommage à Notre-Dame de Paris jusqu'au rituel de réouverture de l'église Saint-Etienne, en passant par les obsèques à la cathédrale de Rouen du père Hamel, dont il va désormais accompagner la cause en béatification. Des paroles et des homélies qui ont fait mouche, sans les détours que ce docteur en théologie aurait pu vouloir emprunter.

L'humble expérience de Mgr Lebrun est écoutée à Lourdes, où vient de s'achever l'assemblée des évêques: son initiative originale d'accueil des divorcés-remariés à la Toussaint y a été remarquée. L'archevêque "a pris de l'épaisseur", selon un connaisseur des arcanes épiscopaux. A tel point que citer son nom comme possible archevêque de Paris, quand le cardinal André Vingt-Trois aura atteint la limite d'âge - 75 ans, fin 2017 -, n'est pas perçu comme saugrenu.

L'intéressé ne fait sans doute pas de tels calculs, lui qui pensait que Saint-Etienne, son premier siège d'évêque, aurait été "le dernier".

Il ne se pose guère plus de questions sur sa gestion de l'après-attentat: "Ce sont des choses qui me dépassent".

Mais il dit avoir été touché par "la question du pardon et de l'amour de tous. Y compris des membres de Daech": "Cela m'a transformé parce que je sais maintenant que je dois devenir chrétien, et que je ne le suis pas encore".

AFP 

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