Évreux : Jean Goujard, une vie dédiée aux autres
23 janv. 2017Portrait. Sous son apparente humilité, l’Ébroïcien Jean Goujard est pourtant à l’origine de la naissancede plusieurs structures qui ont révolutionné le monde de la réinsertion professionnelle et du logement.
La Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) fête cette année ses 90 ans. Si ce mouvement d’éducation populaire est un peu poussif dans le département et à Évreux en particulier, il n’en demeure pas moins un lieu privilégié de rencontre, d’ouverture sur le monde, de découverte et de respect de l’autre. Jean Goujard est bien placé pour le dire.
Ce grand-père et arrière-grand-père de 82 ans a passé sa vie à aider son prochain. On lui doit notamment la création de deux structures emblématiques de l’Eure : les Ateliers de la solidarité, basés à Saint-André-de-l’Eure, et l’association Habitat et humanisme.
Cette fibre sociale n’était pas innée chez Jean Goujard. Son adhésion à la Jeunesse ouvrière chrétienne d’Évreux alors qu’il était encore adolescent n’est pas étrangère à cette envie de porter assistance aux êtres blessés par la vie et la société. « Lorsque j’ai commencé mon apprentissage d’électricien en bâtiment en 1949, j’ai rejoint la JOC d’Évreux. Y adhérer m’a préparé intellectuellement et spirituellement à être à l’écoute », résume Jean Goujard.
À la JOC, et sur les différents chantiers où il intervient, le jeune homme rencontre souvent des prêtres-ouvriers. « Les premiers ont été nommés à Saint-André-de-l’Eure, Ivry-la-Bataille et Nonancourt, qui étaient les secteurs les plus déchristianisés de France », raconte l’octogénaire.
L’action de ces prêtres proches du milieu ouvrier a rapidement séduit Jean Goujard. Au point de vouloir lui-même embrasser cette mission. « J’ai fait cinq ans de séminaire. Jusqu’à ce que le Vatican décide l’arrêt des prêtres-ouvriers », se souvient-il. Jean Goujard reprend alors son travail d’électricien. Et rencontre sa « chère épouse » Monique, avec qui il partage toujours ce goût des autres.
Réinsertion
par le travail
« Le monde ouvrier reste pour moi très important. C’est la raison pour laquelle j’ai créé la première structure d’insertion par le travail, les Ateliers de la solidarité, dans le sud de l’Eure et le nord de l’Eure-et-Loir. Ce qui a permis à des milliers de personnes de retrouver un emploi », rappelle Jean Goujard.
L’association, encore active de nos jours, a bien failli disparaître. « Un jour, un inspecteur du travail est venu me voir pour me dire que je risquais deux ans de prison parce que ces ateliers n’étaient soi-disant pas en conformité avec la réglementation du travail. »
Pas question de mettre la clé sous la porte. Jean Goujard prend son bâton de pèlerin. Il sollicite le préfet, qui intervient auprès du ministre du Travail de l’époque, Jean-Pierre Soisson. « Je me suis retrouvé, notamment au côté de Martine Aubry, à réfléchir à cette question de la réinsertion par le travail. Ça a débouché sur la loi qui permet aujourd’hui aux chantiers d’insertion d’exister », se réjouit l’octogénaire.
À Évreux, il existe trois structures de ce type : ID Vêt’s fait dans le textile, Cicérone dans le vélo et Cursus dans la rénovation et/ou réhabilitation du patrimoine bâti. « À mon départ des Ateliers, en 1995, 1 017 personnes y étaient employées », se félicite Jean Goujard.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. La même année, il s’attaque à un autre fléau : le mal-logement. « Je m’étais aperçu, aux Ateliers de la solidarité, que la grande difficulté des personnes qui n’avaient pas de travail, c’était le logement. » Il fonde alors l’association Habitat et humanisme dans l’Eure afin d’aider les familles en difficulté à accéder à un logement décent. Son héritage a depuis fait des petits. Habitat et humanisme recense 55 antennes dans toute la France.
Alors que l’heure de la retraite a depuis longtemps sonné pour Jean Goujard, l’Eurois continue de « rendre des services » quotidiennement. « Il ne se passe pas une journée sans que des gens qui sont à la rue ne viennent frapper à ma porte », constate-t-il. Dans sa cuisine, des sachets remplis de denrées alimentaires sont consciencieusement préparés. « Avec mon épouse, nous les distribuons aux personnes en difficulté, lâche en toute simplicité Jean Goujard. La JOC a été une révélation. J’ai compris qu’il fallait être proche des petites gens. »
L’antenne ébroïcienne redémarre
Geneviève Magnan est la coordonnatrice de la Mission ouvrière de l’Eure.
Qu’est-ce la Jeunesse ouvrière chrétienne ?
« La JOC est un mouvement d’éducation populaire de jeunes de 13 à 30 ans, ouvert à tous, quelle que soit sa conviction et dans le respect de chacun. »
Quelles sont ses actions ?
« Les jeunes, par une démarche d’enquête, interpellent leurs copains sur des sujets qui les concernent. Cette année, c’est « la recherche d’un travail digne ». En posant un regard sur leur vie et celle de leurs amis, ils sont en quête de sens et ils agissent pour améliorer les situations. Cela va de simples gestes de fraternité à la construction d’un projet de société. Les résultats de leur enquête seront débattus et proclamés lors d’un rassemblement national le 15 avril au parc de La Villette à Paris, puis leurs revendications seront portées aux candidats à l’élection présidentielle. »
Comment se porte l’antenne d’Évreux ?
« Actuellement, à Évreux, la JOC est en redémarrage, avec des plus jeunes (13-16 ans). Nous rencontrons des difficultés à garder les jeunes en raison de leur mobilité. Nous manquons également d’accompagnateurs adultes. Autrefois, les jeunes étaient encadrés par les prêtres, les précurseurs du mouvement. Aujourd’hui, ce sont des laïcs ou des religieuses qui font ce travail. Mais nous avons du mal à mobiliser des adultes. Notre prochaine action se déroulera le 12 février à Évreux avec un repas festif à l’Espace Nétreville (angle de la rue Jean-Bart et rue des Violettes), pour permettre à des jeunes de découvrir ce mouvement qui construit véritablement des adultes responsables et épanouis. »
Infos pratiques
Tél. 06 71 92 36 91
Courriel : g6magnan@wanadoo.fr.
Catherine ROL
Paris Normandie
Edition du 21 janvier 2017