Qui sont vraiment les catholiques ?

« Le catholicisme est plus complexe qu'on ne le croit »

Le sociologue Yann Raison du Cleuziou qui a codirigé avec son confrère Philippe Cibois la grande enquête Bayard/Ipsos analyse minutieusement ses résultats, parfois surprenants.

 

Pourquoi avoir choisi de travailler sur les catholiques « engagés » ?

La plupart du temps, les descriptions du catholicisme opposent deux chiffres : les Français qui se déclarent catholiques (53,8 % de la population) et, parmi ces derniers, les pratiquants (environ 5 %). Cette opposition ne permet pas de mesurer la réalité du catholicisme vécu. La plupart des paroisses ou des mouvements catholiques touchent une population bien plus large que les pratiquants, sans toutefois atteindre la totalité des catholiques déclarés. J'ai choisi l'expression de catholiques « engagés » pour désigner ce catholicisme réel, c'est-à-dire ceux qui assistent à la messe (chaque semaine ou presque ; pour les grandes fêtes ; à l'occasion de grandes célébrations dans leur mouvement) et ceux qui ont pris un engagement au nom de leur foi (se marier à l'église, inscrire ses enfants au catéchisme...) même s'ils ne pratiquent pas. Ces « engagés » représentent 23,5 % des Français. Ce chiffre constitue un véritable apport. C'est la première fois, en effet, que l'on estime l'importance de la population qui participe relativement activement à la vie de l'Église. Mais il faut faire attention aux mots, les « mili­tants » zélés ne sont qu'une minorité parmi les « engagés ».

Quelles sont les tendances aujourd'hui à l'œuvre ?

L'enquête fait apparaître deux clivages structurants : le rapport à la pratique (zèle/ indifférence) d'une part, et le rapport aux migrants d'autre part (hospitalité/sécurité). Les pratiques les plus répandues sont individuelles : prière personnelle, faire brûler un cierge, don charitable. Les dévotions collectives (messe, adoration, pèlerinage...) sont minoritaires. À propos des migrants, je constate que moins les catholiques sont pratiquants, plus l'opposition à ces personnes est forte. Et ces catholiques ne sont pas que des proches du Front national. En France, nous pensons généralement que la défiance à l'égard des migrants est liée au nationalisme de droite. C'est un point de vue très partiel. Mon hypothèse est que cette défiance est également partagée par certains catholiques de gauche, pour qui les migrants musulmans remettent en cause des valeurs progressistes, comme l'égalité hommes femmes ou l'acceptation de l'homosexualité.

Quels autres résultats de cette enquête vous ont surpris ?

J'ai été surpris de voir que la pratique dominante parmi les « engagés » est liée aux fêtes saisonnières : Noël, Pâques, Assomption, etc. Il faut mettre ce constat en relation avec un autre chiffre : environ 36 % des Français se définissent comme catholiques non pratiquants, c'est-à-dire qu'ils ne vont jamais à la messe en dehors des cérémonies à leur intention (baptême, communion, mariage, funérailles) ou ayant une dimension familiale. Cela veut dire que dans la société française actuelle, le catholicisme est donc d'abord une pratique festive !

On entend parfois dire que les cathos de droite sont pratiquants et les cathos de gauche non pratiquants. Ce serait donc faux ?

La réalité s'avère plus complexe que ce que l'on croit, et c'est le cas du vote. Par exemple 13,6 % des catholiques « observants » - catégorie qui s'est largement engagée dans la Manif pour tous - se déclarent de gauche. Ce n'est pas négligeable ! C'est sans doute leur antilibéralisme qui les amène à voter ainsi. Dans toutes les catégories de catholiques, l'éventail des opinions est assez large.

 

Yann Raison du Cleuziou est sociologue et maître de conférences à l'université de Bordeaux, est l'auteur de Qui sont les cathos aujourd'hui ? Éd. Desclée de Brouwer, 332 P- 18,90 €.

Source : Le Pèlerin n°6998 du 12 janvier 2017 page 21

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