Homélie du dimanche 12 mars 2017

Le beau risque....

« Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie, écoutez-le ! »

Comme des parents fiers de leur grand garçon, un jour Dieu a pris le risque d’offrir le sien à l’humanité. Au lieu de demeurer un Dieu quelconque, sans visage, une sorte d’être supérieur que l’on sent à certains jours plus absent que présent, au lieu de demeurer un concept abstrait, une sorte d’énergie créatrice plus ou moins définie, il s’est donné un visage. Il s’est donné à voir sous les trait de son Fils. C’est ainsi que son visage est devenu celui d’une personne bien concrète, celui d’un juif du nom de Yéshua ben Ioseph, Jésus fils de Joseph, le Jésus de Nazareth.

L’objet de notre foi a donc un visage. Le Dieu de notre foi est quelqu’un et ce quelqu’un a parlé. Pierre, Jacques et Jean en font l’expérience sur la montagne. Dieu leur a parlé: Celui-ci est mon Fils, en qui je trouve ma joie, écoutez-le ! Mais prenons-nous toute la mesure d’un autre risque, celui des disciples qui se mettent à le suivre, nous qui avec presque nonchalance côtoyons le mystère comme si tout allait de soi. Et c’est aussi ce qu’Abraham a du expérimenter alors qu’il prend un risque - lui aussi - celui de faire confiance à une promesse: Pars de ton pays, laisse ta famille, je ferai de toi une grande nation.

L’expérience nous a habitués à nous méfier des promesses. 0r c’est une promesse qui fait se lever Abraham, la promesse d’une terre, d’un pays. Sa foi en la Parole de Dieu et une espérance à toute épreuve le mettent en route vers ce qu’on appelle la Terre Promise. Il sera parti un peu comme ces réfugiés qui sur le quai d’une gare ou caché à fond de cale attendent la liberté. Eux aussi se sont risqués. Ils ont fait confiance à une promesse.

À la transfiguration, l’aventure des disciples n’est pas sans parenté avec celle d’Abraham. Rappelons un peu le contexte. Quelque temps avant cette étrange expérience vécue sur la montagne, Jésus avait commencé à les prévenir de ce qui l’attendait au terme de sa montée vers Jérusalem: souffrance et mort. Résurrection aussi, mais tout cela était tellement incroyable. Les propos de Jésus scandaliseront Pierre. Non Jésus ne pouvait pas connaître une fin tragique comme il l’avait laissé entendre. Une fin qui risquait de l’emporter lui et ses compagnons ...

Et puis qui était ce Jésus. Certains jours compatissant, attentif aux plus fragiles, il guérit les malades. À d’autres, il étonne, scandalise même par ses propos et ses critiques de la religion.

Ce jour là, il se montre dans toute sa vérité. Il prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, ceux qui précisément seront un jour témoins de son visage défiguré à Gethsémanie. Il va leur donner à voir son corps d’homme transfiguré par cette divinité qu’il tenait voilée dans son humanité. Mais comment traduire une telle expérience, une telle prise de conscience, car c’est bien de cela dont il s’agit. Matthieu le fait en mots tout simples: Il fut transfiguré devant eux; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière. Deux grands témoins du passé comme venus authentifier cette vision fugitive sont là: Voici que leur apparurent Moïse et Élie qui s’entretenaient avec lui ...

La transfiguration du Christ devient alors comme une déchirure dans le voile qui nous cache l’au-delà. Le ciel est présent: le Christ est là dont le corps irradie la divinité qui l’habite alors qu’on entend le Père déclarer son amour pour son Fils: Il trouve en lui sa joie ...

En fait au coeur de cette rencontre, les disciples voient devant eux non pas une terre promise, non pas une terre nouvelle mais un état nouveau. Celui de Jésus après sa passion, après sa mort. Jésus en se transfigurant devant ses disciples est en train de leur dire que la mort a un au-delà, qu’elle est porteuse d’une promesse de vie, une promesse de vie cachée sous ce mot bien obscur de résurrection.

Au coeur de cette rencontre, Pierre, Jacques et Jean commencent également à comprendre avec encore plus de fermeté que seul le Christ peut les ouvrir à cette perspective d’éternité. La voix du Père leur en dit le chemin: Écoutez-le!

Abraham s’était vu offrir la promesse de voir sa famille devenir une grande nation. Il s’était vu offrir un pays. Pierre, Jacques et Jean reçoivent une promesse de vie et voilà qu’en retour ils sont invités, comme Abraham à se risquer avec Dieu. Ils sont invités eux aussi à vivre le risque de la foi car il fallait bien redescendre de la montagne.

Et nous qui réentendons encore ces récits familiers: sommes-nous prêts à nous risquer avec Dieu? Sommes-nous prêts à nous laisser interpeller par le Père qui nous dit parlant de Jésus: C’est mon Fils, en qui je trouve ma joie, écoutez-le! Sommes-nous prêts à laisser son Évangile avec tout ce qu’il a de radical, questionner nos valeurs, nos options, même nos gestes politiques?

C’est aussi cela le risque de la foi!

Jacques Houle, c.s.v., prêtre

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