Homélie du dimanche 19 mars 2017
15 mars 2017Evangile de Saint Jean 4,1-42
Si tu savais comme Dieu t’aime !
Voilà un texte qui ressemble à une histoire vécue, avec deux interlocuteurs : une femme et Jésus ; un récit comportant un début et une "happy end" ; un lieu de rencontre, le puits de Jacob ; des dialogues… bref, on pourrait croire que "c'est bien comme ça que cela s'est passé" !... Sauf que, dans l'évangile de Jean, les histoires racontées ne le sont pas pour elles-mêmes, mais pour servir de support à un enseignement, on dit aujourd’hui de façon un peu pédante, ‘’une catéchèse’’. Un peu comme les paraboles que racontent Matthieu, Marc et Luc.
Plusieurs portes d’entrée sont possibles pour pénétrer dans ce texte. Je choisis celle de la tendresse respectueuse de Jésus pour les méprisés, les gens infréquentables.
On imagine facilement les titres de la presse "people" de l'époque, si elle avait existé ; en surtitre : Scandale devant le puits de Jacob ! et en cinq colonnes à la Une "Le soi-disant prophète de Galilée, ‘’le Rabbin de Nazareth’’, surpris en pleine conversation, seul à seule avec une Samaritaine de mauvaise réputation !" Et l'article aurait continué : un juif se manque de respect à lui-même s’il parle à une femme en public ; car, comme tout le monde le sait, toutes les femmes sont impures parce que femmes. - La religion juive, en effet, fascinée comme beaucoup d'autres religions (peut-être bien la nôtre aussi) par la sexualité et le sang, considérait les femmes comme impures dès le berceau et durant toute leur vie et plus encore à certaines périodes –
Impure parce que femme, et, en plus, samaritaine. Les Juifs détestaient les Samaritains. Ils leur vouaient une haine séculaire. À leurs yeux, c'était un peuple de bâtards hérétiques et méprisables. À l’époque, c’était rendre un hommage à Dieu que de détester les samaritains. Alors, une samaritaine !
Impure parce que femme, impure parce que samaritaine, impure parce que femme de mauvaise réputation. Elle en est à son cinquième mari ! C’est cette femme infréquentable que Jésus va séduire, avec cette aisance toute simple et cette liberté qui n'appartient qu'à lui. A travers le comportement de Jésus, (qui me voit le Père) le message est très clair : pour Dieu, il n'y a pas d'exclus, il n'y a pas de maudits, il n'y a pas d'impardonnables, il n'y a pas d'irrécupérables ! On peut se sentir chez soi avec eux.
D'où que tu viennes, Jésus est venu pour toi. Aucun obstacle ne peut venir de ta race, de ta culture, de ton origine religieuse, de ton passé. Dieu se propose à toi pourvu que tu le cherches. Toutes les femmes, tous les hommes ont droit à l'eau vive de sa Parole et de· son Amour.
Jésus va séduire le cœur de cette femme en lui demandant un service "Donne-moi à boire ! " Dieu a besoin de l'assentiment des hommes pour se donner à eux. Rien n'est impossible à Dieu, sauf d'habiter le cœur d'un homme ou d'une femme qui refuse d'être aimé. Oui, Dieu a besoin de l'accord des hommes pour les aimer. La Samaritaine est nullement intimidée : Tu veux me donner de l'eau et tu n'as même pas de seau pour atteindre le fond du puits. Vous connaissez la suite : de cette femme scandaleuse, désinvolte, impudique, méprisée par les Juifs et probablement par les Samaritains eux-mêmes, de cette femme, Jésus va faire sa confidente : il lui dit qu'il est le Messie attendu par Israël, un secret qu'il n'a pas encore révélé à ses disciples les plus proches parce qu'ils ne l'auraient pas compris et auraient voulu faire de lui un roi guerrier vainqueur de l'occupant romain.
Enthousiasmée par ce que lui révèle Jésus, la Samaritaine devient sa messagère auprès des gens de son village, qui, à leur tour sont fascinés par ce Juif hors du commun. Il va rester chez deux jours tellement il se sent bien avec eux et eux avec lui. Pour les Pharisiens et autres docteurs de la loi, c'est impensable, scandaleux et même blasphématoire : au nom du respect dû à Dieu, on ne fréquente pas ces gens-là.
Or, aujourd'hui comme hier, Jésus fait jaillir l'eau vive de sa Parole chez les païens, les hérétiques et les impurs. Qui sont Samaritains, ces Samaritaines que l'Evangile nous demande d'accueillir et de respecter ? Cherchons bien. Peut-être cet(te) homosexuel(le} que la famille rejette parce qu'elle en a honte ? Peut-être ce collègue de travail dont le militantisme nous agace ? Ce croyant d'une autre religion ? Cet homme suspecté à cause de ses idées, de sa race, de son ethnie, ou tout simplement de son "look" ? À qui pensons-nous encore ? Pas trop difficile de trouver le Samaritain qu'on méprise !
Peut-être, nous sentons-nous nous-mêmes un peu samaritains ... Il y a des chrétiens qui désespèrent, tant ils ont perdu l'estime d'eux-mêmes : "J’ai tellement honte de ma vie que Dieu ne peut pas m'aimer". Frères et sœurs en désarroi, ne désespérez pas, Jésus propose l'eau vive de sa Parole à tous les hommes, à toutes les femmes, à commencer par les pécheurs impardonnables que vous pensez être !
Pour être sauvé, il faut et il suffit d'accepter d'être aimé sans l'avoir mérité. Alors, tout change : la parole Jésus et son amour deviennent pour nous une source de vie, une source d'amour où nous pouvons boire pour en faire vivre les autres, à notre tour.
Accepter d'être aimé sans l'avoir mérité, c'est trop facile, pensent peut-être certains. "Facile" vraiment ? Avez-vous essayé ?
Roland Chesne, prêtre à Vernonnet, Diocèse d’Evreux