Homélie du dimanche 2 avril 2017
30 mars 2017Textes de ce dimanche : Ezéchiel 37, 12-14 ; Psaume 129 ; Romains 8, 8-11 ; Jean 11, 1-45
“Vous saurez que je suis le Seigneur quand je vous ferai sortir de vos tombeaux.” C’était Ezéchiel tout à l’heure. On aimerait mieux que le Seigneur nous évite le tombeau ! Mais non : il n’a pas évité le tombeau à Lazare, ni à personne, pas même à son fils Jésus.
Saint Jean, lui, était sûrement à Béthanie. Il donne en effet beaucoup de détails dans cette scène d’évangile remplie d’amitié. Il est comme fasciné par Jésus, par sa tristesse, son émotion et toute son affection pour cette famille dont il a raconté tant de souvenirs : Marie qui lavait les pieds de Jésus et les essuyait avec ses cheveux, et Marthe qui faisait la cuisine pour lui.
Jean n’est pas un reporter avec sa caméra et il écrit un demi-siècle après les événements. Donc impossible pour lui de faire de la résurrection de Lazare un scoop journalistique.
Jean n’est pas davantage un historien. Même s’il raconte des faits qui ont eu lieu, il n’a pas cherché à bâtir un système de pensée. Il est resté narrateur de ce qu’il a vu : Jésus est avec ses disciples quand il reçoit le message des deux sœurs ; il retient son désir de voir tout de suite ses amis, et il dit d’abord sa mission : aller à la rencontre de l’homme à travers ses misères et jusqu’à la limite de sa vie, c’est à dire la mort.
Jean est un évangéliste : il a vécu la résurrection qui lui permet d’annoncer ce que Jésus a voulu révéler en guérissant les malades et en ressuscitant les morts. Jean dit la Bonne Nouvelle. Il explique qu’un miracle est toujours un signe qui révèle qui est Jésus :
- Jésus guérit des paralysés, non pas pour qu’il n’y ait plus jamais de paralysé, mais pour révéler qui il est : celui qui sauve de toutes les paralysies, et qui nous veut debout.
- il guérit des aveugles, non pas pour qu’il n’y ait plus jamais d’aveugles, mais pour dire : “Je suis la lumière du monde, qui marche à ma suite ne marche pas dans les ténèbres.”
- il ressuscite Lazare, non pas pour qu’il n’y ait plus jamais de mort, mais pour dire : “Je suis la Résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra.”
Jésus est venu pour annoncer la vie au-delà de la mort !
Et si Lazare, comme l’aveugle de la semaine dernière, nous représentaient ? Notre humanité est quelquefois sans espoir, aveugle, sourde, sentant mauvais, à la dérive ! C’est dans cet état que Jésus a trouvé son ami : non plus un homme mais un cadavre. Et il a pleuré. Pourquoi ? Parce qu’à certaines heures, c’est la seule façon qu’il nous reste d’aimer et de prier. Le père Varillon a écrit des pages étonnantes sur La souffrance de Dieu : Pourquoi a-t-on pu imaginer un Dieu impassible et lointain ? Non ! Jésus montre que Dieu souffre avec les hommes qui souffrent. Il n’est pas l’inventeur de la mort-punition. Il est l’accompagnateur de la mort qui nous éprouve.
Jésus dit : “Enlevez la pierre” ! Il n’aime pas les tombeaux, ni les pierres devant les tombeaux. Il n’aime pas la mort. Voilà pourquoi il ne dit pas, il ordonne : “Enlevez la pierre !” Puis : “Lazare, viens dehors !” et le mort sortit, vivant ! Et Jésus continue : “Déliez-le, et laissez-le aller !” Jésus n’aime pas les tombeaux. Il ne supporte pas non plus les bandelettes, ni tout ce qui enchaîne. Ce que Jésus a fait pour Lazare, il veut le faire pour l’humanité entière. C’est un clown canadien qui disait : “Jésus est un ouvreur de tombeau et un dérouleur de bandelettes !”
Petite précision : Ce sont les amis de Lazare remis debout par Dieu qui vont délier ses mains et ses pieds. Jamais quelqu’un ne retrouve vie et espérance tout seul comme par miracle. Mais le moindre geste réchauffe et ranime. La seule force qui ait jamais ouvert les tombeaux et déroulé les bandelettes, c’est l’amour et le pardon !
Ce week-end, en France, les militants du CCFD répercutent la parole de Jésus : “Viens dehors”. Une parole qui traverse les siècles. Nous avons beau être empêtrés dans les bandelettes de nos étroitesses et de nos peurs, ou ficelés dans la culpabilité, Jésus nous appelle dehors : regarde au-delà des frontières et va rejoindre – à ta façon – ceux qui agissent pour un monde plus solidaire. Ce cri de Jésus a fait se lever beaucoup de femmes et d’hommes qui refusent que le monde soit que ce qu’il est ! Incontestable victoire de l’obstination et de l’espérance sur la détresse et l’injustice.
Robert Tireau, prêtre du diocèse de Rennes