« Le Péché Originel n'est pas un article de foi, mais une donnée d'expérience » par Michel VERGNAUD de la Communauté Mission de France

Comment est-il encore possible de croire au « Péché Originel » ?

Adam et Eve, à eux seuls, ont fait fort pour être à l’origine de tant de dégâts à travers les siècles. Quelle responsabilité ! Invraisemblable !

Pour ce qui me concerne, est-il admissible qu’aujourd’hui je ‘ paie ‘ pour une faute commise par un autre il y a si longtemps ? Est-il admissible que j’en subisse les conséquences alors que je n’y suis pour rien ? Lourde hérédité !

Appréhendé sous cet angle, il est bien difficile de croire au ‘ Péché Originel ‘ Pourtant à en juger par les fruits mauvais qu’on lui attribue et qui sont très réels, il convient de reconsidérer les choses en amont. Si ces fruits sont mauvais, ce n’est pas sans raison.

A la naissance, nous sommes d’emblée immergés dans le temps et l’espace….. Le constater c’est dire notre finitude, notre fragilité, notre manque. Or, nous sommes malades de ce manque. Nous le jugeons vite comme inacceptable. Il nous faut aller outre, bousculer tout et mettre la main sur les choses et sur les gens dans un assouvissement de toute-puissance. (selon des modes divers).

Mais, revenons au texte de la Genèse. La toute-puissance, n’est-ce pas ce que promet le serpent : « Le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux » (Gn 3/5). Eve, bien naturellement, trouva la promesse séduisante et désirable. Là est sans doute la clé d’une bonne lecture.

Nous tous, nous sommes pétris de la même pâte. Notre ego est en appétence pour combler ce manque qui nous taraude. Pas besoin de charger Eve et Adam de cette responsabilité ! Le ‘ Péché Originel ‘ se loge en chacun de nous. Ce n’est d’ailleurs pas un péché. On ne se confesse pas du ‘ Péché Originel ‘ ! Le péché a quelque chose à voir avec nos choix. Le ‘ Péché Originel ‘n’est pas au bout d’un choix. Trouvant dans la finitude un terrain favorable, le concept traduit notre ruineuse appétence pour l’égoïsme, la violence, le pouvoir. C’est une donnée foncière. Elle ne gomme cependant pas le fait que les hommes ont été créés à la ressemblance de Dieu selon la Genèse. Il faut le souligner. Oui, en chacun il en demeure toujours une très riche trace. La condition qui est la notre, en Jésus, Dieu l’a endossée.

Notre vue est souvent courte et malheureuse. Pourtant, le terrain de notre finitude n’est pas seulement limite et manque. La finitude c’est aussi un bel espace qui permet l’exercice de la liberté. Puisse chacun y écrire une belle page. Les hommes ont toujours à « cultiver et garder le jardin » (Gn 2/15), à « maîtriser la terre » (Gn 1/28) Assurément, ce n’est pas mettre la main sur les choses et sur les gens pour assouvir une pulsion de toute-puissance. Etre comme des dieux.

L’entendement du Péché Originel, tiré de la promesse flamboyante mais fallacieuse du serpent, recoupe presque banalement le vécu que chacun de nous expérimente. L’idée d’une abyssale et unique Rupture ne tient pas la route une minute. C’est dans la trame même de nos vies qu’elle est présente, toujours tapie et tentante. Prêts à y céder peu ou prou, c’est en limite que nous nous tenons. Le mal, en effet, a de beaux attraits.

Nos existences sont en tension. Elles ne sont pas ficelées d’avance. C’est dire leur poids et leur valeur. Derrière le concept de Péché Originel se cache notre propension à les centrer sur notre ego perçu comme origine et fin de notre statut. Peu ou prou, mettre la main sur les choses et sur les gens est la traduction de cette appétence. Elle n’honore pas la condition humaine. Elle nous enferme. Il est une autre voie. Belle, en effet, est l’existence de celui qui avance dans la vie avec confiance, tisse des liens avec les autres et s’emploie à humaniser le monde. Non que le salut soit obtenu à la force du poignet. Dans la logique évangélique qui est celle de l’amour, il ne peut y avoir compétition entre la grâce et la liberté.

« La gloire de mon Père, c’est que vous donniez beaucoup de fruits » (Jn 15/8). Mais donner beaucoup de fruits, ce n’est assurément pas en cédant à l’égoïsme, à l’injustice, à la violence, en mettant la main sur les choses et sur les gens comme y sommes tentés dans notre finitude.

La terre est belle. Le jardin superbe. Les hommes ont à le cultiver pour que lèvent des fruits goûteux. Ils en sont les gérants appelés à l’enrichir en prodiguant des soins où ils mettent le meilleur d’eux-mêmes. Ils s’y grandissent.

Libres, ils le sont. Tout n’est pas ficelé d’avance. Tapi, masqué en chacun, ce qui est convenu d’appeler ‘Péché Originel’ recèle bien des mirages qui peuvent avoir des couleurs flamboyantes mais piègent la vue. Ce n’est pas sans faire de graves dégâts sur la création, chez les autres et sur celui qui y cède. Quand leurs yeux s’ouvrirent, « ils connurent qu’ils étaient nus » (Gn 3/7)

Bonne Nouvelle ! Grande lumière a été faite par Jésus, révélant et ouvrant une autre voie, celle de l’amour et de la fraternité. Elle transfigure le parcours de ceux qui s’y engagent. Par Lui, avec Lui, en Lui, elle conduit à Dieu dont nous confessons qu’un indicible Amour est sa nature.

A écouter ce qu’en perçoivent trop de chrétiens, cet Amour serait un ‘plus’ complétant son être philosophique. Cette lecture est un non-sens. Si Dieu est Amour, voilà qui subvertit tout ce que l’on a pu dire sur Dieu.

Pour les philosophes, Dieu est dans un ailleurs inatteignable, dominant et surplombant la création. Un abîme le sépare des hommes. Mais confesser que Dieu est Amour, c’est dire qu’Il ne se contemple pas narcissiquement. Il est totalement tourné vers le partage. Discret, Il est proche de chacun et de tous dans une relation sans trace de domination et de subordination.

Dans nos tâtonnements, nous expérimentons, nous-mêmes, qu’il faut se défaire de désirs possessifs pour réussir, avec un succès incertain, la vie de couple, l’amitié, le ‘ vivre ensemble ‘. Il n’y a pas d’amour vrai sans respect de la liberté de l’autre. Dans son Amour sans failles, tout naturellement Dieu aime, foncièrement, la liberté des hommes.

Que le concept de ‘Péché Originel’ nous alerte sur les impasses qui peuvent plomber nos existences. Que la nature de Dieu soit un indicible Amour C’est bien de la liberté des hommes qu’il s’agit aussi. A eux d’inscrire librement leur parcours dans la logique de l’amour et de la fraternité. Auprès du Père, « L’amour que tu as pour moi sera en eux ». (Jn 17/26)

Michel VERGNAUD,

Equipe des aînés de la Communauté Mission de France de Fontenay sous bois

Le 28 février 2017

 

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