Macron-Le Pen : À question simple, réponse claire

Ce sera donc simple. Une simple question, une question simplifiée à l’extrême, dira-t-on, mais néanmoins claire, et clairement politique. Les Français ont choisi de renouveler l’offre en écartant avec brutalité ceux qui sont apparus, malgré leur victoire surprise aux deux primaires, comme les tenants d’un ordre ancien perçu comme vérolé. Jugé compromis ou corrompu, obsolète en tout cas, le vieux monde des partis de papa est mort. Pour Benoît Hamon et François Fillon, pour le PS comme pour les Républicains, pour leurs fidèles, pour leurs soutiens et leurs supplétifs, l’avenir paraît sombre. Benoît Hamon a voulu l’héritage sans l’assumer, et cette schizophrénie lui aura été fatalement fatale. François Fillon a cru que dans ses tréfonds une France conservatrice allait se révolter comme il y a des années-lumière, au temps de la Manif pour tous. C’était envisageable, et il s’en est fallu de peu que cela fût. Mais son train a déraillé sur les affaires, tandis que le TGV de l’Histoire accélérait. Ce qui semblait vrai hier n’est déjà plus qu’un lointain souvenir. Avant peut-être d’autres rebondissements, car notre société liquide et versatile ne semble plus vouloir du certain et du définitif.

On comprend les frustrations et la colère d’un corps électoral en réalité coupé en quatre quarts, dont deux (les partisans de Fillon et de Mélenchon, improbables camarades d’infortune) voient désormais la logique binaire comme une suprême injustice, surtout alors que les deux finalistes ne rassemblent même pas la moitié des électeurs. Mais s’en tenir aux cruautés du scrutin semble anecdotique, en tous les cas vain. Les Français ont voulu participer au grand référendum sur le libéralisme, sur la mondialisation, et sur sa variante continentale, notre Europe. On pouvait imaginer ou souhaiter un autre débat, sur l’écologie, sur le sociétal, sur la pauvreté, sur les inégalités, sur ce qui fait la France, sur le pays oublié, sur la réponse au terrorisme islamiste. Ce ne sera pas le cas.

La question n’est donc plus de savoir s’il faut choisir entre gauche et droite, mais entre deux visions de notre nation et de sa place dans le monde, et entre les deux projets économiques qui vont avec. Alors que tout tremble et change autour de nous, faut-il insuffler à ce pays de l’optimisme et de la confiance, ou le rabougrir, le replier et l’apeurer davantage ? Faut-il réformer ou détruire ? Faut-il raffermir l’Union européenne ou la faire exploser ? On peut juger simpliste une telle alternative, et elle l’est pour une bonne part, mais c’est ainsi que les électeurs du premier tour l’ont formulée. On doit donc y répondre clairement. Il sera temps, le scrutin passé, de résister aux mauvais génies du macronisme, et notamment à ce libéralisme sociétal qui promet et promeut trop d’inquiétantes merveilles. Il sera temps d’exiger des comptes de la part de celui qui nous a demandé un chèque en blanc, ou, si on le souhaite, de corriger le tir aux législatives. Mais justement, nous n’en sommes pas là.

Même si le projet d’Emmanuel Macron peut soulever de fortes interrogations sur sa gauche comme sur sa droite, celui de Marine Le Pen entraînerait la France dans le déclin économique et, pour finir, dans le chaos. Même si ce que représente Emmanuel Macron peut laisser les chrétiens dubitatifs, ce que porte Marine Le Pen s’oppose fortement à ce que nous comprenons de l’Évangile, en particulier dans ce journal. En un mot, sans doute paradoxal, bien que la politique que mènera Emmanuel Macron semble encore floue, la réponse des électeurs doit être la plus nette possible. Le second tour offre aux Français l’occasion de montrer au monde que la « trumpisation » des démocraties n’est pas une fatalité, que la raison démocratique peut reprendre son cours, que leur pays a encore de la ressource et du ressort. Impossible d’hésiter.

Jean-Pierre Denis, directeur de la rédaction DE LA VIE

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