Regard sur le monde d’Abdennour Bidar – Plaidoyer pour la fraternité universelle
19 avr. 2017Plaidoyer pour la fraternité universelle
– le Regard sur le monde d’Abdennour Bidar –
extrait de son livre : Plaidoyer pour la fraternité (1)
« Dans les jours qui viennent, chacun d’entre nous sera placé devant ce que j’appelle la décision de fraternité. Un choix très simple : la pulsion de rejet et d’exclusion, ou la volonté de rassemblement, de réconciliation. C’est une décision à prendre sur le plan personnel et collectif. Elle concerne chaque conscience, chaque citoyen, chaque leader politique, chaque courant d’idées, chaque « communauté ». Il est rare qu’une nation entière ait ainsi l’opportunité de faire un tel choix d’elle-même. C’est le signe même d’un moment historique (…). Chacun va devoir choisir entre la fraternité universelle ou le repli sur soi, la grande famille humaine ou la petite tribu identitaire (…)
La fraternité est restée trop longtemps la grande oubliée de notre devise républicaine. Or, elle en est le cœur secret : sans elle, la liberté et l’égalité sont un idéal vide, parce que si je ne perçois pas l’autre comme mon frère, que m’importe en réalité son droit à la liberté, et en quel sens abstrait serait-il mon égal ? Des trois sœurs, c’est elle qui a le plus de génie ! Voilà pourquoi il faut renverser l’ordre de notre devise, la faire passer en premier : « Fraternité, liberté, égalité. » Car elle seule peut empêcher efficacement l’égalité de basculer dans l’affrontement entre ceux qui estiment avoir les mêmes droits. Si l’on ne veut pas que s’installent la guerre des libertés et le conflit des égaux, il faut nécessairement qu’ils aient appris d’abord à se considérer comme frères. Il faut qu’ils aient été éduqués à se soucier de la liberté et de l’égalité de l’autre, et de ce souci pour autrui, seul un frère est pleinement capable. Sans expérience de proximité, sans relation d’estime, sans cette amitié sociale dont Aristote faisait déjà la clé de la justice dans la Cité, le maintien de notre liberté et notre égalité ne pourront compter que sur les lois et la police, jamais sur nos cœurs. »
Abdennour Bidar
- Plaidoyer pour la fraternité, Albin Michel, février 2015